Question de M. LE SCOUARNEC Michel (Morbihan - CRC) publiée le 08/12/2011

M. Michel Le Scouarnec attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche, de la ruralité et de l'aménagement du territoire sur la perte du foncier agricole pour les agriculteurs du Morbihan.

L'agriculture est une caractéristique majeure du département du Morbihan et plus largement, un axe de développement économique pour toute la région Bretagne. Pourtant, 78 000 hectares de terres agricoles deviennent chaque année des terres constructibles ce qui représente en surface l'équivalent d'un département tous les sept ans. Plus particulièrement en Bretagne, la surface de terres agricoles disparues est de 63 000 hectares en dix ans, représentant la perte de 100 exploitations par an. Derrière ces chiffres, se cache une dure réalité pour les exploitants agricoles morbihannais, notamment pour les plus jeunes d'entre eux qui ne peuvent s'installer, faute de préservation du foncier agricole. Face à ce constat, il est légitime de s'interroger sur l'enjeu du renouvellement des générations en agriculture. Par ailleurs, dans le Morbihan, il a été constaté que l'extension des fermages sur des baux longs provoquait une rareté des mises sur le marché de terre exploitables. D'autant que les propriétaires de ces terrains sont attirés par de fortes plus-values possibles en les vendant comme terrains à bâtir.

Compte tenu de cette situation délicate qui ne cesse de se détériorer, il lui demande de préciser les mesures envisagées pour la préservation du foncier agricole, notamment en faveur des jeunes agriculteurs.

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Réponse du Secrétariat d'État chargé de la famille publiée le 18/01/2012

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2012

M. Michel Le Scouarnec. L'agriculture est l'un des poumons de la Bretagne, notamment dans le Morbihan, où elle est un important vecteur de développement économique.

Le principal outil de travail des agriculteurs demeure le foncier. Or l'urbanisation des terres agricoles est en constante progression. En dix ans, Le Morbihan a perdu 63 000 hectares de terres agricoles, soit cent exploitations par an. À l'échelle nationale, les terres agricoles qui disparaissent représentent l'équivalent d'un département tous les sept ans.

Madame la secrétaire d'État, derrière ces chiffres se cache une dure réalité pour les exploitants agricoles morbihannais, notamment pour les jeunes agriculteurs porteurs de projets, qui ne peuvent s'installer faute de préservation du foncier agricole.

Pourtant, le Gouvernement s'est fixé pour objectif ambitieux de réduire la consommation de terres agricoles de 50 % d'ici à 2020. Hélas, depuis la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche du 27 juillet 2010, dite « loi LMAP », rien n'a changé concernant la maîtrise du foncier agricole, malgré la création d'un Observatoire de la consommation des espaces agricoles, l'instauration d'une taxe sur la plus-value de cession de terrains nus rendus constructibles et le renforcement du droit de préemption des SAFER.

Cette dernière mesure, inscrite à l'article L. 143-2 du code rural et de la pêche maritime, loin de lutter contre la spéculation foncière, ne fait qu'inciter les propriétaires de terrains à les vendre comme terrains à bâtir, toujours alléchés par la perspective de fortes plus-values. Cette situation est, en partie, due au mode de fonctionnement des SAFER, qui, selon les articles L. 141-1 et R. 141-1 du code précité, remplissent pourtant des missions de service public.

Le droit de préemption des SAFER s'applique si elles estiment que « les prix et les conditions d'aliénation sont exagérés, notamment en fonction des prix pratiqués dans la région ». Alors, elles ont la possibilité de faire une offre d'achat établie à leurs propres conditions.

L'objectif ambitieux fixé par le Gouvernement est loin d'être atteint malgré cette disposition et malgré les différents contrôles ou avis émis par les structures œuvrant en la matière - commission départementale de consommation des espaces agricoles, office INAO - lors de mise en vente de terrains agricoles ou lors des révisions des règles d'urbanisme - notamment les plans locaux d'urbanisme.

Il est donc très fâcheux et fortement dommageable que de jeunes agriculteurs renoncent à leurs projets d'installation faute de terres, perdant ainsi la dotation « jeune agriculteur » à laquelle ils peuvent prétendre.

La préservation du foncier agricole est nécessaire au développement de notre économie, mais elle est aussi indispensable si l'on veut que l'agriculture continue à nourrir nos concitoyens et à développer un savoir-faire reconnu de tous, et surtout si l'on veut maintenir des actifs agricoles sur notre territoire.

À l'occasion des traditionnels vœux de début d'année, de nombreux maires de communes rurales m'ont fait part de leurs inquiétudes face à la forte baisse du nombre d'agriculteurs : ils sont 2,5 fois moins nombreux qu'il y a dix ans. Dans une commune de mon département, le nombre d'exploitations est ainsi passé de 46 à 18 !

Devant cette situation, quelles mesures le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour la préservation du foncier agricole ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Claude Greff, secrétaire d'État auprès de la ministre des solidarités et de la cohésion sociale, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre de l'agriculture, qui m'a chargée de vous transmettre sa réponse.

Le Gouvernement partage avec vous le souci de préserver le foncier agricole et de faciliter le renouvellement des générations en agriculture. Il en a d'ailleurs fait une véritable priorité de son action.

Chaque année, ce sont 93 000 hectares de terres agricoles qui disparaissent, soit l'équivalent d'un département tous les dix ans. C'est considérable ! Le Gouvernement s'est fixé pour objectif de réduire cette consommation de terres de 50 % d'ici à 2020.

C'est dans ce but que les lois Grenelle 1 et Grenelle 2 ont prévu l'introduction dans les documents d'urbanisme de l'obligation de fixer des objectifs de réduction de la consommation d'espaces agricoles, naturels et forestiers.

C'est également dans ce but que la LMAP a institué un Observatoire de la consommation des espaces agricoles, précisément chargé de dresser un état des lieux de la situation.

Cette loi a également créé les commissions départementales de la consommation des espaces agricoles, les CDCEA, très proches du terrain, qui rendent un avis sur les opérations ayant un impact sur le foncier agricole.

Elle a, enfin, instauré une taxe sur la plus-value réalisée lors d'une cession à titre onéreux de terrains nus rendus constructibles, qui vient alimenter un fonds destiné à financer des projets innovants portés par de jeunes agriculteurs, dont l'installation est ainsi encouragée.

À la demande du Président de la République, ce sont 350 millions d'euros par an qui sont consacrés à l'installation de ces mêmes jeunes. Malgré un contexte budgétaire particulièrement contraint, cet engagement a été tenu dans la loi de finances pour 2012.

De même, une aide à la transmission des exploitations, l'ATE, a été mise en place, prenant la forme d'une prime à tout cédant qui transmet son patrimoine à un jeune.

Cette stratégie d'accompagnement porte aujourd'hui ses fruits puisque près de 95 % des jeunes agriculteurs aidés sont toujours en activité dix ans après leur installation. Cela signifie bien que la dynamique qu'a engagée le Gouvernement produit des effets positifs. C'est pourquoi les craintes que vous avez exprimées, et que je partageais naguère, sont aujourd'hui moins fondées. Les jeunes reviennent actuellement à la terre et les moyens qui leur sont donnés leur permettent de concrétiser leurs souhaits.

J'ajoute que les baux longs répondent au besoin de stabilité des exploitants qui n'ont pas la possibilité d'acheter les terres sur lesquelles ils travaillent.

Tels sont, monsieur le sénateur, les mesures qui sont d'ores et déjà prises pour enrayer le phénomène de disparition des terres agricoles.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Madame la secrétaire d'État, je vous remercie de votre réponse, qui, malheureusement, ne me satisfait pas totalement.

Vous avez rappelé les dispositions de la loi de modernisation de l'agriculture et de la pêche, en insistant sur leur bien-fondé, mais leur incidence sur la préservation du foncier agricole, si elle est réelle, reste insuffisante. Il faut sans doute faire plus, en concertation avec les jeunes agriculteurs eux-mêmes.

Je me félicite, en revanche, des mesures prises par certaines régions, notamment par la Bretagne, et je vous invite à en prendre connaissance.

Le projet agricole et agroalimentaire régional, le PAAR, a été adopté en décembre 2010 ; l'objectif fixé par l'ensemble des parties prenantes est de réduire d'un tiers, en cinq ans, la consommation de terres agricoles en Bretagne

De plus, le conseil régional, dans ses propositions sur la nouvelle alliance agricole, a inscrit comme première priorité la préservation du foncier agricole et la facilitation de l'accès au foncier pour les jeunes.

Je citerai également l'engagement de certaines communes morbihannaises qui luttent contre la consommation de surfaces agricoles utiles à travers des décisions d'achat de terrains en vue de leur location à de jeunes agriculteurs. Les communes ne disposent pas souvent, hélas, des ressources nécessaires pour engager ce type d'action, mais quelques-unes s'attachent à consentir cet effort.

Mme Claude Greff, secrétaire d'État. Les choses avancent !

M. Michel Le Scouarnec. Si chacun apporte sa pierre, la situation peut s'améliorer.

Les agriculteurs du Morbihan ne sont pas opposés au développement des autres activités économiques ni à la construction de logements, notamment s'ils favorisent la mixité sociale, mais je partage leurs avis sur la possibilité de mettre en œuvre une meilleure politique de gestion du foncier, éloignée de la spéculation à tout crin !

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