Question de M. VAUGRENARD Yannick (Loire-Atlantique - SOC-EELVr) publiée le 15/12/2011

M. Yannick Vaugrenard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration sur les pratiques des prestataires funéraires.

En effet, une récente enquête menée par l'UFC-Que Choisir de Nantes dans des magasins funéraires de l'agglomération nantaise sur la bonne application de leurs obligations légales par les professionnels vient d'être rendue publique. Elle met en lumière que, malgré la réforme de 2008 qui renforce l'information du consommateur et la mise en place d'un devis obligatoire par l'arrêté du 23 août 2010, les magasins funéraires ne se plient toujours pas aux règles de transparence. En effet, aucun des devis récoltés ne respecte le modèle de devis obligatoire et seulement 43 % s'en rapproche sans y être conforme.

L'opacité ainsi créée empêche la comparaison des prestations par les familles et favorise la hausse des prix. Dans l'agglomération nantaise où a été réalisée l'enquête, d'un opérateur à l'autre pour une demande similaire, la facture totale peut considérablement varier : de 2 295 € à 3 918 € pour le plus onéreux. Ces différences sont liées à un grand nombre de prestations non obligatoires, mais aussi à des opérations surtaxées : par exemple, les formalités administratives ont un coût se situant dans une fourchette de 90 à 263 €. Il s'agit pourtant d'opérations standardisées.

Au vu de ces pratiques, il y a urgence à mieux encadrer le marché. Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre afin de remédier aux dysfonctionnements constatés.

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Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales publiée le 25/01/2012

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2012

M. Yannick Vaugrenard. Chacun sait que, après la perte d'un être cher, il est délicat et particulièrement difficile d'avoir à négocier réellement les services proposés pour des obsèques.

La tristesse de ces moments rend les familles fragiles, désemparées et plus aptes à une attitude d'acceptation que d'éventuelle contestation.

C'est sûrement l'une des raisons qui ont présidé à la réforme de 2008. Celle-ci a renforcé l'information du consommateur et imposé la mise en place d'un modèle de devis obligatoire. Mais est-elle correctement appliquée et respectée ?

L'Union fédérale des consommateurs-Que Choisir de Nantes, en Loire-Atlantique, a rendu publics, à la fin de l'année dernière, les résultats d'une enquête qu'elle a menée dans quatorze magasins funéraires de l'agglomération.

L'objectif était de vérifier le respect de leurs obligations légales par les professionnels du secteur.

Malgré la nouvelle législation, l'enquête a montré que, malheureusement, les magasins funéraires ne se plient toujours pas aux règles de transparence. Aucun des devis recueillis ne respecte le modèle de devis obligatoire et seulement 43 % s'en rapprochent, sans y être conformes.

L'opacité créée par cette situation empêche la comparaison des prestations par les familles et favorise bien sûr la hausse des prix. Dans l'agglomération nantaise, le coût total pour des obsèques s'établit en moyenne à 2 280 euros contre 3 100 euros au niveau national, mais, d'un opérateur à l'autre, pour une demande similaire, la facture totale peut considérablement varier : de 2 300 euros à près de 4 000 euros pour le plus onéreux.

Ces différences sont liées à un grand nombre de prestations non obligatoires, mais aussi à des opérations surtaxées : par exemple, les formalités administratives ont un coût se situant dans une fourchette allant de 90 euros à 263 euros. Il s'agit pourtant d'opérations standardisées qui ne justifient pas de tels tarifs.

Au vu de ces pratiques, monsieur le ministre, il est urgent de mieux encadrer le marché.

Il conviendrait, par exemple, de prévoir des sanctions contre les professionnels qui n'utilisent pas le modèle de devis obligatoire et de demander à la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de réaliser des contrôles afin de veiller à ce que des devis conformes à la loi soient systématiquement émis.

Par ailleurs, un livret d'information sur les obsèques rappelant les engagements consécutifs à la nouvelle législation pourrait également être élaboré par la direction générale des collectivités locales, après consultation du conseil national des opérations funéraires.

Ce livret serait donné obligatoirement aux familles par les prestataires funéraires et mis à disposition dans les mairies.

La loi, aujourd'hui, malheureusement, est mal appliquée, insuffisamment respectée, il est donc indispensable de remédier à cette situation.

Ces propositions sont ouvertes, monsieur le ministre. J'aimerais que vous me disiez ce que vous en pensez et ce que compte faire le Gouvernement pour pallier les dysfonctionnements constatés par nombre de nos concitoyens.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Richert, ministre auprès du ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration, chargé des collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous avez appelé l'attention du ministre de l'intérieur sur les pratiques des prestataires funéraires.

La question que vous soulevez touche au sujet particulièrement sensible des funérailles. En effet, au cours de sa vie, chacun d'entre nous est amené à faire face au décès de l'un de ses proches et à ses conséquences. Outre la peine que constitue la perte d'un proche, les familles doivent, dans un bref délai, organiser les funérailles en respectant les dernières volontés de la personne disparue.

Les opérations consécutives au décès et leur réalisation sont confiées aux opérateurs de pompes funèbres, qui sont majoritairement des entreprises de droit privé évoluant dans un marché concurrentiel.

Comme les échanges réguliers entre les services du ministère de l'intérieur et leurs organisations représentatives l'attestent, la plupart de ces opérateurs exercent leur métier avec professionnalisme.

Les préfets n'hésitent pas à faire usage de leurs prérogatives reconnues par la loi pour retirer leur habilitation aux entreprises qui ne respecteraient pas le cadre légal.

Dans ce contexte, je crois utile de rappeler que la loi du 8 janvier 1993 relative à la législation dans le domaine funéraire a libéré les prix des opérations funéraires et que, de ce fait, des écarts de tarifs peuvent être constatés, d'un établissement à un autre, pour des prestations similaires.

Mais cette liberté des prix s'accompagne d'un certain nombre de règles, qui portent notamment sur l'établissement des documents commerciaux - les devis, les bons de commande et les factures.

En outre, les familles ont la liberté de choix de l'opérateur.

Au regard de la situation particulière des familles confrontées à un deuil, le Gouvernement est attentif au respect de cette réglementation. Sur ce point, l'adoption de la loi du 19 décembre 2008 relative à la législation funéraire, issue d'une proposition de loi de M. Jean-Pierre Sueur, actuellement président de la commission des lois, a constitué une étape importante dans la prise en compte, par le législateur, de l'évolution des pratiques funéraires constatée ces deux dernières décennies.

Cette loi a notamment cherché à renforcer les protections légitimes des familles.

Comme vous l'avez rappelé dans votre question, la loi a instauré un modèle de devis pour les prestations funéraires. Au terme d'une concertation approfondie avec les élus, les professionnels, les associations de consommateurs et les représentants des salariés, le Gouvernement a fait le choix de définir, par un arrêté du 23 août 2010, une terminologie commune de nature à faciliter les comparaisons des tarifs entre opérateurs de pompes funèbres.

Ce modèle de devis est en vigueur depuis le 1er janvier 2011.

Depuis cette date, certains préfets ont déjà engagé des sanctions administratives à l'encontre d'entreprises n'ayant pas respecté ce modèle. L'habilitation d'un opérateur funéraire a ainsi été suspendue par un préfet.

Le ministre de l'intérieur a demandé à ses services de dresser, dans les prochaines semaines, un état des lieux de l'application de cette réglementation.

Enfin, vous appelez de vos vœux un « encadrement des prix ». Une telle mesure, qui irait à l'encontre des objectifs de la loi de 1993 évoquée précédemment, risquerait de ne pas aller dans l'intérêt des consommateurs en raison des restrictions qu'elle apporterait à l'exercice de la libre concurrence entre opérateurs funéraires. Pour cette raison, le Gouvernement n'y est pas favorable.

Comme vous pouvez le constater, le Gouvernement est conscient des difficultés qui peuvent ponctuellement exister et dont vous vous faites l'écho. Dans ce cadre, en particulier sur la mise en œuvre de l'arrêté « modèle de devis », le ministre de l'intérieur est prêt à envisager, une fois établi l'état des lieux que je viens de mentionner, et lorsqu'il l'aura évoqué avec le ministre de l'économie, également compétent, de compléter les instructions déjà données aux préfets par une demande de renforcement des contrôles.

Voilà la réponse que je tenais à vous apporter au nom du ministre de l'intérieur. Nous souhaitons que l'encadrement et le contrôle accrus de ces pratiques contribuent à aider les familles confrontées à un deuil.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse et de votre compassion.

Je note que des initiatives ont été prises par le Gouvernement, par l'intermédiaire des préfets. Je souhaite connaître les résultats de l'évaluation qui en sera faite par l'administration dans les six mois ou dans l'année qui viennent. Et pourquoi ne pas donner aux sénateurs qui le souhaitent la possibilité de vérifier, avec les préfets ou les sous-préfets, si les choses se sont, ou non, améliorées ? Si tel devait être le cas, monsieur le ministre, je serai bien sûr satisfait de votre réponse.

Je n'ai pas parlé d'encadrement des prix. Néanmoins, certains excès ne sont pas acceptables. En effet, le prix pour une prestation identique peut varier de 90 à 263 euros. Or, vous l'avez rappelé, monsieur le ministre, les familles, dans ces circonstances particulières, ont bien d'autres préoccupations que de discutailler des prix qui leur sont proposés.

Les familles en deuil, quelles qu'elles soient, ont donc besoin de protection, et il appartient à l'État, à la puissance publique, aux préfets et aux sous-préfets d'intervenir dans ce domaine. Je souhaite, comme vous, monsieur le ministre, que cette protection soit renforcée et qu'elle soit véritablement effective.

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