Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 22/12/2011

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat attire l'attention de M. le ministre du travail, de l'emploi et de la santé sur la diminution des moyens attribués à l'AP-HP et le devenir de son patrimoine.

L'accumulation des restrictions budgétaires depuis de nombreuses années a des conséquences de plus en plus néfastes tant pour les personnels soignants que pour les patients : 35,9 millions d'euros de recettes (MIGAC) de l'assurance maladie en faveur de l'AP-HP sont « gelées ». L'AP-HP subit par ailleurs une coupe de 40 millions d'euros pour la prise en charge des personnes étrangères bénéficiaires de l'aide médicale d'État.

Les nombreuses opérations de vente de patrimoine annoncées suscitent de nombreuses interrogations et inquiétudes chez les personnels quant à la pérennité de l'offre de soins et l'abandon d'un patrimoine public au profit de logiques uniquement comptables et spéculatives.

La situation de cette institution qui accueille sept millions de patients dans 38 hôpitaux à Paris et sa région est de plus en plus critique. Du fait de la diminution des dotations attribuées par les pouvoirs publics, l'AP-HP cumule une dette de 218 millions d'euros. L'urgence de l'attribution de moyens suffisants pour remplir ses missions de service public devient plus en évidente.

Elle lui demande ce qu'il compte faire en ce sens.

- page 3247


Réponse du Ministère chargé de l'apprentissage et de la formation professionnelle publiée le 11/01/2012

Réponse apportée en séance publique le 10/01/2012

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ma question porte sur la situation très préoccupante que connaît l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris, l'AP-HP.

Dès le mois d'octobre, j'avais alerté M. Xavier Bertrand sur la situation particulière de l'hôpital Sainte-Périne, où le personnel, à bout, s'était mis en grève. À cet égard, je rappelle que les employés hospitaliers n'ont que le droit de se déclarer en grève, sans cesser le travail dans les faits.

Cet établissement est un hôpital gériatrique où se trouvent beaucoup de personnes en situation de dépendance. Le Gouvernement ne cesse de proclamer son intérêt pour cette question, sans pour autant que ses déclarations soient suivies d'effets.

En l'espèce, le nombre de personnels soignants a été divisé par deux en quelques années. Il manque aujourd'hui vingt infirmières ! Les personnels considèrent que la vie de ces personnes âgées dépendantes est en danger, compte tenu du manque d'effectifs. Sachez par ailleurs que des souris courent dans les chambres des patients.

Je précise que je n'ai toujours pas reçu de réponse de M. le ministre.

Plus globalement, à l'échelle de l'AP-HP, une somme de 35,9 millions d'euros provenant de l'assurance maladie est gelée, ce qui grève les missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation, les MIGAC.

Les familles sont obligées de se présenter aux urgences en raison de la décision prise par l'agence régionale de santé de l'Île-de-France de fermer les nuitées du SAMU social. Les missions du service public de santé sont pourtant de prendre en charge toutes les personnes, a fortiori les plus pauvres.

Le budget de l'AP-HP a par ailleurs subi une coupe de 40 millions d'euros pour la prise en charge des personnes étrangères bénéficiaires de l'aide médicale de l'État, l'AME, ce qui n'empêche pas les personnes en grandes difficultés de se rendre aux urgences des hôpitaux.

La convergence tarifaire T2A intra et extra-sectorielle, le taux du coefficient de transition, la baisse des tarifs de remboursement et la péréquation régionale plombent toutes les prévisions d'équilibre budgétaire de l'AP-HP.

Cet étranglement se traduira encore par la suppression de 1 000 emplois en 2012, alors même que cette institution souffre d'un manque d'effectif chronique. L'exemple de Sainte-Périne peut donc plus ou moins se décliner dans de nombreux autres établissements.

On en est au quatrième plan d'économies. À chaque fois, il en résulte la suppression de 1 000 emplois supplémentaires par an, le tout dans un contexte où 30 % de la population avoue renoncer aux soins, faute de moyens et de structures d'accueil dédiées.

Par ailleurs, le sous-financement budgétaire de l'AP-HP l'a conduite à un taux d'endettement de 35 %. Derrière ce pourcentage, c'est la santé des gens qui est dramatiquement hypothéquée.

Pour toutes ces raisons, l'État doit faire face à ses obligations en matière de santé publique. L'AP-HP, qui accueille sept millions de patients dans trente-huit hôpitaux à Paris et dans le reste de l'Île-de-France, était réputée, non seulement pour ses performances, ce qui est certes toujours le cas, mais également pour ses capacités d'accueil des populations, sans distinction de fortune. Or, sur ce dernier point, permettez-moi de tirer la sonnette d'alarme.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Nadine Morano, ministre auprès du ministre du travail, de l'emploi et de la santé, chargée de l'apprentissage et de la formation professionnelle. Madame la sénatrice, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Xavier Bertrand, retenu à Mulhouse, auprès du Président de la République, pour les vœux au monde de la santé.

En préambule, je souhaite rappeler quelques éléments de contexte.

L'activité d'hospitalisation de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris augmente faiblement, dans un environnement très concurrentiel. Le déficit de cette structure est important et a tendance, contrairement à la plupart des autres centres hospitaliers universitaires, à se creuser. Il faut cependant préciser que les recettes de l'AP-HP ont augmenté de façon continue entre 2008 et 2011, de plus de 3 % pour les recettes liées à l'assurance maladie et de plus de 8,3 % pour les autres produits de l'activité hospitalière, dont l'aide médicale de l'État.

Ce dernier dispositif a subi non pas une coupe budgétaire, comme vous le sous-entendez, mais les conséquences de la nouvelle tarification des dépenses facturées par les hôpitaux dans ce cadre. Le rapport remis à la fin de 2010 par l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, sur l'AME montrait de grandes disparités dans sa tarification et préconisait l'application d'une tarification sur la base de la T2A. Une initiative parlementaire a conduit à l'adoption de cette tarification lors d'un collectif budgétaire adopté à l'été 2011, qui entre en vigueur en 2012.

Le Gouvernement a proposé, lors des débats, de tenir compte de la précarité des personnes bénéficiant de l'aide médicale de l'État et des surcoûts qu'elle représente pour les hôpitaux. Sur sa proposition, le Parlement a prévu le principe d'une majoration des tarifs de la T2A, de nature à diminuer les pertes des hôpitaux. Un arrêté l'a fixée à 30 %.

Le Gouvernement a donc trouvé une solution équilibrée, conciliant une tarification de droit commun, tout en tenant compte de la spécificité des bénéficiaires de l'aide médicale de l'État et des coûts supplémentaires qu'ils entraînent pour les hôpitaux.

Concernant les hôpitaux qui en subissent le plus les conséquences, notamment l'AP-HP, le ministre de la santé a demandé à ses services d'étudier les possibilités de compensation, en lien avec les fédérations hospitalières.

S'agissant des crédits des missions d'intérêt général et à l'aide à la contractualisation, leur gel partiel a permis la maîtrise de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM. Le ministre de la santé tient à rappeler qu'il y a eu un dégel de 100 millions d'euros en fin d'exercice 2011, dont 9,2 millions d'euros accordés à l'AP-HP.

D'une manière générale, le regroupement engagé dès 2009 des trente-huit hôpitaux en douze groupes hospitaliers est clairement la mesure centrale de la modernisation de l'offre de soins de l'AP-HP et de l'amélioration de sa performance. C'est dans ce cadre que doivent se poursuivre les efforts de réorganisation d'activités et de mutualisation des ressources.

Enfin, le contexte financier actuel impose également une meilleure valorisation du patrimoine de l'AP-HP, qui compte parmi les plus importants de France. Mieux utiliser ses biens immobiliers revient à repenser son organisation pour agir davantage, dans des espaces optimisés. En outre la cession ou la location d'actifs permet à l'AP-HP de dégager des moyens pour financer ses futurs investissements, au bénéfice des conditions de travail et de l'accueil des patients. L'AP-HP s'est engagée dans cette politique, qui rejoint celle de l'État à l'égard de son propre patrimoine.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la ministre, vous m'avez seulement répondu sur l'un des aspects de ma question. En revanche, vous ne dites rien sur la pénurie d'emplois.

La perpétuation des fonctions de l'AP-HP est aujourd'hui en grand danger. Vous avez parlé de la forte concurrence qui règne dans ce secteur. Les personnes qui ne peuvent avoir accès à l'hôpital ont bien évidemment tendance à aller se faire soigner dans des cliniques. Cela fait le bonheur de la Générale de santé, qui, chacun le sait, rachète, notamment à Paris, la plupart des cliniques et des établissements mutualistes, lesquels pratiquent allégrement les dépassements d'honoraires. Le libre choix existe bel et bien à Paris pour ceux qui ont de l'argent !

Vous avez évoqué la vente du patrimoine. Or le personnel est très inquiet. Si l'État brade le patrimoine public de la France pour payer les dettes, l'AP-HP, quant à elle, vend non seulement des hôpitaux, mais aussi des logements proches des établissements hospitaliers. Pourtant, il est très important de pouvoir loger les personnels hospitaliers à des loyers accessibles, c'est-à-dire publics, si l'on veut leur donner la possibilité, à eux qui ont de faibles revenus et des horaires décalés, d'avoir, comme cela est souhaitable, une vie familiale.

Vous savez enfin que ces personnels ont du mal à prendre leurs jours de RTT, alors qu'ils en auraient bien besoin, et qu'ils cumulent, de ce fait, 1,2 million de jours non pris ! Le fait que l'AP-HP se sépare de logements destinés aux personnels, dont la gestion - je vous l'accorde - n'est pas toujours très bonne, ajoute encore aux difficultés du personnel, alors que, au contraire, l'AP-HP, aidée par l'État, devrait favoriser le logement des personnels à horaires décalés à proximité des établissements.

- page 24

Page mise à jour le