Question de M. HUSSON Jean-François (Meurthe-et-Moselle - NI) publiée le 18/01/2012

Question posée en séance publique le 17/01/2012

Concerne le thème : Fiscalité des collectivités territoriales

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, je souhaite évoquer la question de la durée des emprunts des collectivités locales. Les financements d'urgence venant d'être effectués, la Caisse des dépôts et consignations va organiser son association avec La Banque postale. Vous avez d'ailleurs laissé entendre que cela ne se ferait pas avant cet été, ce qui n'est pas pour nous rassurer.

Mme Nicole Bricq. Cela a toujours été le calendrier.

M. Jean-François Husson. Au-delà de la confirmation de cette échéance, les collectivités continuent de s'interroger sur les conditions de financement, notamment la durée des prêts, qui leur seront offertes. En effet, dès lors qu'elles réalisent des investissements structurants, d'une durée de vie relativement longue, il importe de faire converger l'amortissement financier et l'amortissement technique pour leur permettre de conserver leurs marges de manœuvre et de continuer à investir.

Les nouvelles conditions d'emprunt devront en effet être intégrées dans les budgets locaux. À des durées, hier, de vingt années voire davantage, se sont progressivement et rapidement substituées, depuis le second semestre 2011, des durées de dix ou quinze ans au maximum, auxquelles s'est malheureusement ajouté le renchérissement du coût du crédit, que l'on doit notamment au relèvement des marges bancaires constaté depuis 2008, qui s'est bien sûr renforcé en 2011.

Le risque est de voir une progression de plus de 30 % des annuités de dette des collectivités territoriales, ce qui réduirait d'autant, vous l'avez bien compris, leur capacité à investir dans des domaines où pourtant elles réalisent des équipements importants, avec une durée de vie relativement longue, à l'exemple des travaux de voirie ou de réseaux d'assainissement, qui devraient pouvoir s'amortir sur trente, quarante voire cinquante ans.

Il faut en effet veiller, pour des raisons évidentes d'équité, à ne pas faire porter la charge de ce type d'investissement sur une seule génération, voire sur une durée plus courte encore. Continuer à réaliser de tels investissements va donc devenir plus difficile pour les collectivités.

Par ailleurs, les produits de très court terme sont également concernés par l'évolution de l'offre bancaire. Depuis la fin de l'année 2011, le coût des lignes de trésorerie a fortement augmenté, et les volumes proposés par les banques ont, dans le même temps, diminué de manière significative. De nombreux établissements financiers ont d'ores et déjà annoncé qu'ils ne proposeraient plus de lignes de trésorerie aux collectivités territoriales, ou qu'ils en réduiraient le montant. Or la ligne de trésorerie est un outil essentiel, qui permet aux collectivités de mener une gestion en trésorerie dite « zéro », et donc d'amortir leurs charges financières.

Monsieur le ministre, ma question sera double. D'une part, quelles décisions le Gouvernement compte-t-il prendre et mettre en œuvre pour permettre aux collectivités de maintenir un niveau d'investissement qui doit rester élevé, en ayant recours au financement bancaire ? D'autre part, que compte-t-il faire pour garantir le bon fonctionnement de l'économie locale, en permettant aux collectivités d'honorer les créances de leurs fournisseurs dans les délais réglementaires ?

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Réponse du Ministère chargé des collectivités territoriales publiée le 18/01/2012

Réponse apportée en séance publique le 17/01/2012

M. Philippe Richert, ministre. Vous savez que, à la fin de l'année 2011, deux décisions ont été prises pour permettre aux collectivités d'honorer leurs emprunts. La première consiste en la création d'une banque des collectivités territoriales. La seconde est la mise à disposition des collectivités d'un montant de 5 milliards d'euros par la Caisse des dépôts et consignations, versés soit directement, soit via les banques traditionnelles partenaires des collectivités. C'est la réponse au besoin de liquidité des collectivités.

Le deuxième sujet que vous abordez, la durée de remboursement des emprunts, est une vraie question. Le problème se pose notamment du fait des règles prudentielles mises en place par Bâle III, qui s'imposeront aux banques, et dont elles ont anticipé la mise en place. Dans ce contexte, Dexia nous a posé un gros problème. En effet, Dexia empruntait à court terme et prêtait aux collectivités à très long terme. En globalisant des emprunts de très court terme contractés à des taux favorables, elle permettait ensuite aux collectivités d'emprunter sur des durées très longues. Cela n'est aujourd'hui plus possible, du fait de l'exigence de mise en place de règles prudentielles.

Globalement, un changement structurel va donc s'opérer. Je tiens à vous livrer quelques réflexions sur les amortissements des investissements réalisés par les collectivités. Je n'oublie évidemment pas que 70 % des investissements publics sont le fait des collectivités.

Mme Évelyne Didier. Eh oui, 70 % !

M. Philippe Richert, ministre. Jusqu'à présent, de façon générale, les investissements étaient amortis sur vingt voire vingt-cinq ans.

À mon sens, il est aujourd'hui nécessaire d'examiner plus en détail les durées d'amortissement. Par exemple, dans le secteur de la construction et du bâtiment, certaines opérations d'infrastructure seront amorties en dix ou quinze ans, tandis que d'autres ne le seront qu'en vingt ou vingt-cinq ans. Je pense donc qu'il faudra procéder à des évaluations plus fines.

J'en viens à la question du financement. Les banques qui ont accès au marché bancaire mondial n'obtiennent évidemment pas de prêts à quinze ans ou vingt ans. Elles sont par conséquent obligées de continuer à emprunter à court ou à moyen terme.

M. Pierre-Yves Collombat. C'est leur travail !

M. Philippe Richert, ministre. Et elles ne sont pas toujours autorisées à globaliser leurs emprunts, notamment en raison des règles prudentielles que j'ai évoquées.

Aussi, la durée « normale » se situera de plus en plus autour de quinze ans. Au-delà, il faudra se tourner vers la Banque européenne d'investissement, mais pour des durées qui atteindront au maximum vingt ans, et non trente ou quarante ans comme cela a pu être le cas par le passé.

Voilà la réalité ! Ce ne sont pas des oukases édictés par le Gouvernement ou le Parlement qui y changeront quoi que ce soit. Les durées moyennes d'emprunt vont diminuer ; c'est peut-être regrettable, mais c'est ainsi. Nous le constatons déjà sur le terrain. C'est ce qui résulte des règles mises en place.

M. le président. La parole est à M. Jean-François Husson, pour la réplique.

M. Jean-François Husson. Monsieur le ministre, votre réponse me convient, sauf lorsque vous parlez d'« oukases ». Car il s'agit, me semble-t-il, non pas d'oukases, mais tout simplement de règles de bon sens !

Certaines opérations réalisées dans le cadre de délégations de service public, de concessions ou de partenariats public-privé sont plus coûteuses parce les biens peuvent être amortis sur une longue période.

Il faudra donc continuer à réfléchir à la question, en France comme au sein de l'Union européenne, afin d'y répondre collectivement.

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