Question de M. GUERRIAU Joël (Loire-Atlantique - UCR) publiée le 27/01/2012

Question posée en séance publique le 26/01/2012

M. Joël Guerriau. Depuis le printemps arabe, le Mali et le Niger, pays démocratiques et pacifiques, sont touchés par des enlèvements d'otages et des affrontements de plus en plus violents à leurs frontières.

Par leur position géographique, ces pays sont au cœur de toutes les circulations transsahariennes. Ils sont également traversés par le Sahel, qui, des côtes du Sénégal à celles de la Somalie, constitue un couloir propice au trafic de drogues.

Dans cette zone, à la suite de la chute de Kadhafi, un millier d'anciens soldats libyens sont venus renforcer les troupes rebelles du Mouvement national de libération de l'Azawad, le MNLA, né à la fin de l'année 2011.

Sur le plan militaire, le MNLA dispose d'un matériel de guerre provenant de Libye : des centaines de chars, des lance-missiles, des bazookas…

Le 18 janvier dernier, la rébellion a attaqué trois villes du nord du Mali. Quarante-sept personnes ont été tuées et dix ont été blessées, sans compter les victimes des combats qui se sont déroulés à Ménaka le 17 janvier.

Il est à craindre que de nouvelles attaques ne se produisent dans cette zone, dont les civils seront les victimes innocentes. Plus généralement, une déstabilisation sécuritaire de la région sahélo-saharienne risquerait d'entraîner la chute des régimes démocratiques du Mali et du Niger, ce qui emporterait des conséquences dramatiques.

Des intérêts à la fois militaires, religieux et mafieux convergent. Les rebelles ont les armes, l'argent, l'espace, le temps. Leurs motivations sont nourries par la revendication territoriale historique des Touaregs.

Le caractère transnational de ces menaces terroristes impose une réponse internationale coordonnée. Lutter efficacement pour la restauration de l'ordre et le maintien de la paix suppose d'accroître de manière significative les moyens mis en œuvre.

Allons-nous attendre que le pire se produise, que des villages soient pris pour cibles, que de nouvelles prises d'otages surviennent ? Souvenons-nous de Philippe Verdon, actuellement retenu en otage, de Pierre Camatte, libéré en 2010, et de Michel Germaneau, mort faute de soins en Mauritanie.

Nous sommes exposés à trois risques : la résurgence des mouvements terroristes, l'intensification du trafic de drogues et la déstabilisation de gouvernements démocratiques.

Monsieur le ministre, l'implication de la France dans le maintien de la stabilité aux frontières du Mali, du Niger, de l'Algérie et de la Libye semble incontournable. En effet, cette crise extérieure affecte aussi la sécurité des Occidentaux. Pouvons-nous faire inscrire cette question prioritaire à l'ordre du jour du Conseil de sécurité de l'ONU ? Dans le cadre de l'Europe de la défense, pouvons-nous apporter un soutien matériel et technologique aux pays concernés, d'autant plus nécessaire que leur situation économique est très difficile ? (Applaudissements sur les travées de l'UCR et de l'UMP.)

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Réponse du Ministère chargé de la coopération publiée le 27/01/2012

Réponse apportée en séance publique le 26/01/2012

M. Henri de Raincourt, ministre auprès du ministre d'État, ministre des affaires étrangères et européennes, chargé de la coopération. Monsieur Guerriau, le Gouvernement partage entièrement votre préoccupation, concernant notamment le sort de nos otages. Je rappelle que deux jeunes Français ont été assassinés dans le nord du Niger, au mois de janvier 2011.

Il s'agit bien entendu d'une question extrêmement sensible ; nous devons être audacieux, mais responsables, et ne rien faire qui puisse mettre en péril la vie de nos otages.

La question touareg est ancienne. Elle a fait l'objet d'un accord en 2009, qui, manifestement, est aujourd'hui remis en cause.

Il est tout à fait exact que, à la suite des événements de Libye, un certain nombre d'hommes qui avaient été recrutés par M. Kadhafi sont retournés dans leur pays d'origine après s'être copieusement servis dans les stocks d'armes, ce qui a encore aggravé la situation.

Cela étant, je pense qu'il faut faire une distinction entre la rébellion touareg contre le pouvoir central et les actions d'Al-Qaïda au Maghreb islamique, Aqmi. D'ailleurs, ces deux mouvances ne collaborent pas.

La France considère que, en démocratie, le dialogue doit primer sur l'épreuve de force. Nous appelons donc à un cessez-le-feu et à l'ouverture d'un dialogue associant tous les acteurs. Bien entendu, nous militons pour le respect de la stabilité, de l'unité et de l'intégrité territoriale du Mali. Telle est la position que M. Juppé a rappelée au président du Mali il y a quelques jours.

J'ajouterai qu'une bonne coordination entre les États de la zone est nécessaire. À cet égard, la réunion de Nouakchott est positive.

Dans l'état actuel des choses, il est évident que la mise en place d'une force étrangère d'interposition militaire n'est pas envisageable, les pays concernés y étant opposés.

À l'échelon européen, la France joue un rôle important dans la mise en œuvre de la stratégie pour le Sahel. En outre, un rapport sur la situation au Sahel doit être présenté aujourd'hui au secrétaire général des Nations unies.

Enfin, je souligne que si nous ne pouvons pas décider de l'inscription de telle ou telle question à l'ordre du jour des travaux de l'Union africaine, aucune réunion de cette organisation ne se tient sans que le sujet de la sécurité au Sahel soit abordé. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UCR.)

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