Question de M. KERDRAON Ronan (Côtes-d'Armor - SOC) publiée le 15/02/2012

Question posée en séance publique le 14/02/2012

Concerne le thème : Indemnisation des victimes de maladies et d'accidents professionnels

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la décision rendue hier par le tribunal de Turin porte un éclairage nouveau sur le drame de l'amiante. Elle est un espoir pour les victimes de l'amiante dans notre pays, qui attendent un tel jugement pénal depuis des années, notamment depuis le dépôt des premières plaintes en 1996.

En France, près de 3 000 personnes meurent chaque année de cancers liés à l'amiante et 100 000 décéderaient d'ici à 2025.

Or les dispositifs mis en œuvre dysfonctionnent gravement, comme en attestent moult rapports, et nombreuses sont les victimes qui ne verront pas l'aboutissement des procédures judiciaires en cours. Au nom de la séparation des pouvoirs, je ne souhaite bien entendu pas commenter ces dernières.

Néanmoins, force est de constater que, tandis que s'achève en Italie le premier procès pénal relatif à l'amiante ouvert en 2009 contre le géant Eternit et ses dirigeants, la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Paris annulait, le 16 décembre dernier, la mise en examen de la même multinationale en tant que personne morale, ainsi que celle de ses principaux dirigeants français.

L'indépendance des parquets en Italie n'est certainement pas étrangère à la tenue et à l'issue de ce procès de Turin. Au contraire, en France, le parquet ne veut pas de procès pénal de l'amiante.

Alors que la restauration des victimes dans leurs droits devrait être privilégiée, que constatons-nous ? D'abord, la composition du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, n'est pas paritaire. Ensuite, le FIVA exerce, contre les décisions de justice favorables aux victimes de l'amiante, des recours, vécus comme une double peine par les familles. Enfin, le dispositif d'accession à l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante souffre toujours d'imperfections : manque de rigueur dans l'élaboration des listes des entreprises ; des catégories entières de salariés – intérimaires et salariés des entreprises sous-traitantes – largement discriminés. (M. Alain Gournac s'exclame.)

Aussi, monsieur le ministre, quels enseignements tirez-vous du verdict de Turin ? Ne pensez-vous pas qu'il est temps de remettre à plat l'ensemble de l'édifice et de mettre fin au naufrage judiciaire que nous connaissons en France ?

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Réponse du Ministère du travail, de l'emploi et de la santé publiée le 15/02/2012

Réponse apportée en séance publique le 14/02/2012

M. Xavier Bertrand, ministre. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué, avec prudence, le principe de séparation des pouvoirs. Il m'est à moi aussi impossible de commenter une décision de justice.

Comme je l'ai dit à l'instant à M. Vanlerenberghe, le problème est simple : je dois m'assurer auprès de Michel Mercier que ce n'est pas une question de moyens, ce que j'ai bien l'intention de faire.

J'apporterai tout de même plusieurs précisions.

En France, nous avons mis en place des dispositifs spécifiques de compensation et de réparation parce que nous savons que les délais peuvent être plus longs que ce que les victimes considèrent comme compréhensible ou acceptable.

Mesdames, messieurs les sénateurs, c'est animés du même esprit que, récemment, à la suite du drame du Mediator, vous avez institué un mécanisme d'indemnisation des victimes de ce médicament, afin de ne pas laisser les victimes face à des procédures judiciaires forcément plus longues.

Beaucoup, y compris au-delà de nos frontières, s'accordent à reconnaître que notre système d'indemnisation, qui, financièrement, repose sur la branche AT-MP, accidents du travail-maladies professionnelles, et sur les dispositifs du Fonds commun des accidents du travail agricole, le FCATA, et du FIVA, est l'un des plus complets qui soient

Le FCATA permet d'assurer une retraite anticipée. Je vous signale d'ailleurs que l'Italie, qui avait institué un dispositif analogue, l'a abandonné depuis plusieurs années.

Pour notre part, nous l'avons maintenu et nous y avons même, en 2010, apporté des améliorations, notamment en revalorisant l'indemnité minimale et - je tiens à le dire car j'ai souvent entendu le contraire - en maintenant inchangées, malgré la réforme des retraites, les conditions de départ anticipé pour les personnes qui pouvaient y prétendre.

Quant au FIVA, il permet d'assurer l'indemnisation intégrale dans des conditions rapides et simples, ce qui est la moindre des choses pour des personnes touchées par l'une des pathologies de l'amiante.

Tels sont les outils que nous utilisons, au-delà des procédures judiciaires, sur lesquelles j'ai répondu tout à l'heure, pour ne pas laisser les victimes de l'amiante sans réparation ni indemnisation.

M. le président. La parole est à M. Ronan Kerdraon, pour la réplique.

M. Ronan Kerdraon. Monsieur le ministre, nous prenons acte de votre réponse.

Cela étant, je ne peux que souscrire aux propos de mon collègue Jean-Marie Vanlerenberghe, qui, voilà quelques instants, vous invitait à examiner de beaucoup plus près le verdict du tribunal de Turin et, surtout, à en tirer les enseignements.

Il me semble que les victimes et leur famille attendent plus que des déclarations d'intention : elles souhaitent que justice leur soit enfin rendue et que l'on arrête de les victimiser une nouvelle fois en leur réclamant le remboursement de ce que d'aucuns appellent un « trop-perçu ».

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