Question de M. MIRASSOU Jean-Jacques (Haute-Garonne - SOC) publiée le 21/06/2012

M. Jean-Jacques Mirassou attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur l'avenir d'EADS et sur le fait que M. Thomas Enders est devenu, le 31 mai 2012, le nouveau président exécutif du groupe EADS succédant ainsi à M. Louis Gallois qui aura rempli cette fonction pendant cinq ans.

Le nouveau président a rapidement fait savoir qu'il entendait exercer son mandat depuis Toulouse, centre névralgique de l'entreprise, en y implantant un nouveau siège social. Il s'agit, sans aucun doute, d'une mesure de bon sens parce qu'elle répond à un objectif d'efficacité et de réactivité en rapprochant EADS et AIRBUS mais qui ne saurait suffire à distinguer le mode de management préconisé par M. Enders.

Cette prise de fonction est donc l'occasion de s'interroger sur l'avenir de cette société au moment où le nouveau Gouvernement, de son côté, va afficher et mettre en œuvre sa conception en matière de stratégie et de politique industrielle. EADS, géant de l'aéronautique, n'est pas une entreprise comme les autres ne serait-ce que parce que l'État détient 15 % du capital et que cette entité porte en elle les gênes d'une coopération européenne ayant démontré son efficacité. C'est pour cette raison que le nouveau Président de la République entend la promouvoir dans d'autres domaines industriels avec pour objectifs reprise économique et croissance, tous deux porteurs d'espoir. Faut-il ajouter que ce puissant chef de file de l'aéronautique et de l'espace devrait renforcer le partenariat avec ses sous-traitants français pour les aider à assumer un carnet de commandes bien garni, tout en faisant en sorte d'être, notamment dans le domaine des aérostructures, compétitifs face à la concurrence afin d'éviter les délocalisations.

Dans cette optique une nouvelle impulsion dans l'organisation de cette filière est indispensable, elle suppose au préalable un acte politique émanant de l'État, qui par le passé, a trop souvent fait défaut.

Pour toutes ces raisons et au moment où M. Lagardère, constant dans sa désinvolture, manifeste son souhait de sortir du capital, il est persuadé qu'il importe, au contraire, que le Gouvernement français affirme son intention de garder, en tant qu'actionnaire, bien plus qu'un droit de regard sur le devenir d'EADS pour peser véritablement sur les choix. C'est la raison pour laquelle il lui demande les intentions du Gouvernement à ce sujet.

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Réponse du Ministère de l'artisanat, du commerce et du tourisme publiée le 18/07/2012

Réponse apportée en séance publique le 17/07/2012

M. Jean-Jacques Mirassou. Le 31 mai 2012, Thomas Enders a succédé, à la présidence de l'exécutif du groupe EADS, à Louis Gallois, qui avait occupé cette fonction pendant cinq ans.

Le nouveau président a rapidement fait savoir qu'il entendait exercer son mandat depuis Toulouse, où il implantera un nouveau siège social. C'est une bonne décision, car elle permettra vraisemblablement d'assurer une plus grande réactivité et une meilleure opérabilité entre EADS et Airbus. Pour autant, cette mesure ne saurait suffire à distinguer le mode de management préconisé par M. Enders.

Cette prise de fonctions est donc l'occasion de s'interroger sur le mode de gestion de cette société au moment où le nouveau gouvernement, quant à lui, va afficher et mettre en œuvre sa conception en matière de stratégie et de politique industrielle.

Faut-il le répéter, EADS, géant de l'aéronautique, n'est pas une entreprise comme les autres, ne serait-ce que parce que l'État détient 15 % du capital et que cette entité porte en elle les gênes d'une coopération européenne qui a démontré et qui démontre encore son efficacité.

C'est d'ailleurs la raison pour laquelle le nouveau Président de la République entend promouvoir cette coopération dans d'autres domaines industriels avec pour objectifs la reprise économique et la croissance, toutes deux porteuses d'espoir. Faut-il ajouter que ce puissant chef de file de l'aéronautique et de l'espace devrait renforcer le partenariat avec ses sous-traitants français pour les aider à assumer un carnet de commandes bien garni, tout en faisant en sorte d'être, notamment dans le domaine des aérostructures, compétitif face à la concurrence afin d'éviter les délocalisations.

Dans cette optique, une nouvelle impulsion dans l'organisation de cette filière est indispensable. Elle suppose, au préalable, un acte politique fort émanant de l'État et qui, par le passé, a trop souvent fait défaut.

Pour toutes ces raisons et au moment où M. Lagardère, constant dans sa « désinvolture » - je mets des guillemets parce que le mot est faible -, manifeste son souhait de sortir du capital d'EADS, je suis persuadé qu'il importe, au contraire, que le gouvernement français affirme son intention de garder, en tant qu'actionnaire, bien plus qu'un droit de regard sur le devenir d'EADS pour peser véritablement sur les choix.

J'aimerais donc connaître les intentions du Gouvernement à ce sujet, madame la ministre. Même si l'aéronautique ne se situe pas complètement dans le rayon d'action de votre ministère, la proximité géographique du département concerné avec celui dont vous avez été l'élue va forcément vous donner les moyens de me faire une réponse très pertinente ! (Sourires.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Sylvia Pinel, ministre de l'artisanat, du commerce et du tourisme. Monsieur le sénateur, permettez-moi d'abord d'excuser Arnaud Montebourg, retenu ce matin à Bercy où il reçoit tous les opérateurs des télécoms.

Votre question concerne un sujet que je connais bien. EADS est en effet basée dans ma région et beaucoup de sous-traitants de mon département travaillent pour cette entreprise.

Leader européen dans les domaines de l'aéronautique et de la défense, EADS figure parmi les principales sociétés du secteur sur le plan mondial. Avec un chiffre d'affaires et un nombre d'employés qui ont augmenté de manière significative ces dernières années, le succès d'EADS a démontré la pertinence de la décision prise en 2000 par le gouvernement de Lionel Jospin de constituer, avec nos partenaires allemands et espagnols, une société d'envergure mondiale à même de faire face aux champions nord-américains du secteur, en particulier Boeing. Cette société pourrait être prise en exemple pour d'autres projets de rapprochement sur le plan européen.

Le succès rencontré par EADS au cours des dix dernières années ne devrait pas se démentir. Il est notamment porté par le développement du secteur de l'aviation civile sur le plan mondial et la réussite de sa principale filiale Airbus, qui dispose d'un carnet de commandes de plus de 4 400 appareils. Ce succès profite à l'ensemble de la filière aérospatiale française, qui représente plus de 300 000 personnes et qui constitue le premier secteur exportateur du pays avec 18 milliards d'euros d'excédent commercial.

En tant que fer de lance de cette filière, EADS se doit d'être exemplaire et de soutenir l'ensemble des entreprises de la filière dans leur développement. Je pense en particulier aux PME, qui peuvent être confrontées à des difficultés pour financer leur croissance. À ce titre, je salue l'engagement que viennent de prendre les industriels de l'aéronautique au sein du Groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales, le GIFAS, d'allonger à six mois la période des commandes fermes adressées à leurs sous-traitants. Une telle mesure prise en concertation avec les banques est de nature à faciliter le financement du besoin de fonds de roulement de la supply chain.

L'annonce récente par Airbus de l'implantation d'une usine d'assemblage aux États-Unis peut être saluée comme une démonstration de la réussite de la filière aéronautique européenne dans son ensemble et, en particulier, du dynamisme d'Airbus pour améliorer sa position sur le marché. Les sites européens d'Airbus et la filière européenne dans son ensemble devraient pleinement bénéficier des retombées positives en termes de volume d'activité attendues de cette usine.

Cet investissement aux États-Unis doit non seulement permettre à Airbus de conquérir des parts de marché aux États-Unis, mais également de créer des emplois dans l'ensemble de la chaîne de sous-traitance française et européenne. Le Gouvernement fera preuve d'une grande vigilance et veillera à ce que cet investissement ne se fasse en aucun cas au détriment des sites européens d'Airbus et de la filière aéronautique européenne et française.

L'année 2012 a marqué une étape dans l'histoire du groupe, avec la prise de fonctions, en application du principe d'alternance des nationalités, de M. Thomas Enders, qui a succédé, le 31 mai dernier, à M. Louis Gallois à la présidence exécutive d'EADS. Je souhaite ici saluer le bilan remarquable de M. Gallois à la tête de la société et encourager M. Enders à poursuivre en ce sens, dans le respect de l'équilibre franco-allemand au sein de la société.

Je me félicite par ailleurs de la décision prise récemment par M. Enders de regrouper à Toulouse le siège d'EADS, dont les différentes fonctions sont actuellement localisées à Paris et Munich. Cette décision souligne le rôle moteur que joue la France dans le domaine aérospatial, plus particulièrement la région Midi-Pyrénées, qui accueille d'ores et déjà la direction d'Airbus.

Du fait du caractère stratégique que représente la société pour la France, que ce soit sur le plan industriel, où elle joue un rôle moteur pour l'ensemble de la filière, ou dans le domaine de la défense, où elle contribue à la dissuasion nucléaire, l'État entend maintenir sa participation au capital et continuer à l'accompagner dans son développement, en tant qu'actionnaire, bien sûr, mais aussi dans le cadre des différents dispositifs de soutien mis en place dans le domaine de la recherche et développement ou du financement à l'exportation.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. Madame la ministre, je vous remercie chaleureusement de cette réponse exhaustive, qui a balayé tous les sujets et qui a également eu le mérite de retracer la genèse d'EADS, créée après la décision prise en 2000 sous le gouvernement Jospin.

Compte tenu de la participation de l'État au capital de cette société à hauteur de 15 %, j'ai bien compris, vous l'avez dit clairement, qu'il s'agissait d'encourager M. Enders à suivre le même chemin que son prédécesseur. Grand commis de l'État, M. Gallois connaît par définition le rôle de l'État dès l'instant où ce dernier est actionnaire dans une grande société.

Si la participation de l'État au capital d'EADS est bien sûr maintenue, j'observe que, s'agissant de celle de M. Lagardère, il y a quelques points d'interrogation. Or, il y a quelques mois encore, personne n'était capable de dire qui prendrait en charge cette participation dans l'hypothèse où M. Lagardère l'abandonnerait. J'imagine que cette question sera étudiée très rapidement par le Gouvernement.

Cela étant, madame la ministre, je suis satisfait que vous m'ayez donné des assurances en ce qui concerne la vigilance de l'État.

M. Jean-Michel Baylet. Nous y tenons !

M. Jean-Jacques Mirassou. Comme vous l'avez souligné, cette vigilance est d'autant plus justifiée pour une entreprise qui, comme EADS, fabrique de l'armement.

Nous suivrons conjointement l'évolution de ce dossier dans les semaines et les mois qui viennent.

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