Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UCR) publiée le 05/07/2012

M. Hervé Maurey attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur les difficultés rencontrées dans les territoires du fait de l'implantation d'éoliennes.

Avec le Grenelle de l'environnement, la France s'est engagée dans une politique ambitieuse en matière de développement des énergies renouvelables qui doit conduire à une augmentation de 20 millions de tonnes équivalent pétrole de la production d'énergies renouvelables d'ici à 2020, basée notamment sur une multiplication par dix du parc éolien.

Sans remettre en cause cet objectif, force est de constater que les conditions d'implantation des parcs éoliens soulèvent des difficultés en termes de concertation, d'incitation et de réglementation.

De concertation d'abord, dans la mesure où il n'est pas rare que la mise en place des zones de développement éolien (ZDE) conduise à l'attribution de permis de construire pour des éoliennes contre l'avis unanime des communes concernées. Il ne semble pas acceptable que des décisions, quelles qu'elles soient, dès lors qu'elles impactent fortement un territoire communal, soient prises contre la volonté des élus responsables du devenir de leur collectivité. De même, les habitants des zones concernées, qui subissent les nuisances sonores, visuelles et financières (du fait de la perte de valeur de leur patrimoine immobilier), se sentent particulièrement lésés.

Dans le même temps, les communes ne perçoivent que 20 % de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux (IFER), résultant de la suppression de la taxe professionnelle, alors que les établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) en perçoivent 50 % et les départements 30 %. Cette répartition ne paraît ni équitable, ni incitative dans la mesure où la commune d'implantation supporte les inconvénients et les nuisances de telles structures et ne perçoit qu'une faible part de l'IFER.

De réglementation enfin, du fait notamment de l'absence de contraintes pour l'implantation des éoliennes de moins de 12 mètres. Par ailleurs, la distance minimum d'implantation des éoliennes par rapport aux habitations, qui est aujourd'hui de 500 mètres, devrait pouvoir être adaptée en fonction de la taille de l'éolienne et de la topologie du lieu d'implantation comme elle peut l'être à titre d'exemple, dans de nombreux Länder allemands, c'est-à-dire de l'ordre de 1 500 mètres.

Aussi, il lui demande de bien vouloir indiquer quelles mesures le Gouvernement entend mettre en œuvre pour atteindre les objectifs fixés dans la concertation avec les élus et les populations concernées et le respect de l'environnement et de la santé.

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 18/07/2012

Réponse apportée en séance publique le 17/07/2012

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je souhaite attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés rencontrées dans les territoires, notamment dans le département de l'Eure, du fait de l'implantation d'éoliennes.

La France, dans le cadre du Grenelle de l'environnement, s'est engagée dans une politique ambitieuse en matière de développement des énergies renouvelables, laquelle doit conduire à une augmentation de 20 millions de tonnes équivalent pétrole de la production d'énergies renouvelables d'ici à 2020, grâce notamment à une multiplication par dix du parc éolien.

Sans remettre en cause cet objectif, force est de constater que les conditions d'implantation des éoliennes soulèvent souvent des difficultés en termes de concertation, d'incitation et de réglementation.

Elles entraînent tout d'abord des difficultés en termes de concertation : on observe que, dans certains cas, des permis de construire pour des éoliennes sont accordés contre l'avis unanime des communes concernées et de leurs élus. Une telle situation n'est, de mon point de vue, pas acceptable, car, dans ce domaine comme dans d'autres, il n'est pas admissible que des décisions ayant un impact fort sur un territoire soient prises contre la volonté des élus, qui sont, par définition, responsables du devenir de leur collectivité.

Il n'est pas normal que des préfets puissent donner des autorisations, sans aucune concertation avec les maires, car nul ne peut nier que l'implantation d'éoliennes n'est pas un acte sans conséquences. Celle-ci entraîne en effet des nuisances sonores et visuelles, et même des conséquences financières du fait de la perte de valeur du patrimoine immobilier situé sur ces communes.

Les citoyens et les élus qui les représentent doivent donc être mieux associés aux décisions prises, me semble-t-il.

Concernant l'incitation, ensuite, il faut savoir que les communes ne perçoivent aujourd'hui que 20 % de l'imposition forfaitaire sur les entreprises de réseaux, l'IFER, instituée à la suite de la suppression de la taxe professionnelle, alors que les établissements publics de coopération intercommunale en reçoivent 50 % et les départements 30 %. Cette répartition ne me paraît ni équitable ni incitative, les communes directement concernées ne percevant qu'une faible part de l'IFER. À mon sens, il faudrait revoir cette question et prendre en compte la notion de périmètre « impacté » réellement dans la mesure où, bien souvent, c'est non pas la commune d'implantation qui supporte le plus de nuisances et d'inconvénients, mais les communes voisines. Il faudrait donc en tenir compte.

S'agissant, enfin, de la réglementation, je trouve anormal qu'il n'existe quasiment aucune contrainte pour l'implantation d'éoliennes de moins de douze mètres. Comme cela avait été rappelé par le précédent gouvernement en réponse à une question écrite de Mme Grommerch, députée, en février 2012, « aucune autorisation au titre du code de l'urbanisme n'est exigée pour les éoliennes de moins de douze mètres, hors secteur sauvegardé ou site classé ne nécessitant pas d'affouillement ».

Par ailleurs, la distance minimale d'implantation des éoliennes par rapport aux habitations, qui est aujourd'hui de 500 mètres, devrait à mon avis pouvoir être adaptée en fonction de la taille des éoliennes et de la topologie du lieu d'implantation. Dans certains Länder allemands, cette distance, je vous le rappelle, est de 1 500 mètres.

Madame la ministre, je vous demande donc de bien vouloir me préciser la position du Gouvernement sur ces différentes questions, et tout particulièrement sur la nécessité d'améliorer la prise en compte des attentes des élus et des populations.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur le sénateur, comme vous le savez, le Président de la République s'est engagé en faveur d'un débat national et citoyen sur la transition énergétique. Ce débat sera lancé à l'automne, à l'issue de la conférence environnementale qui se tiendra au mois de septembre.

Le Président de la République s'est aussi engagé à réduire la part du nucléaire dans le mix de production d'électricité de 75 % à 50 % à l'horizon 2025, à développer massivement les énergies renouvelables et à mener une grande politique de sobriété et d'efficacité énergétiques.

Votre question sur l'énergie éolienne s'inscrit dans ce contexte, monsieur le sénateur. Je rappelle que les règles actuelles sur l'implantation des éoliennes, que vous évoquez, ont été fixées par la loi, après le Grenelle de l'environnement. Elles avaient alors été âprement discutées et débattues.

L'énergie éolienne constitue l'une des énergies renouvelables électriques les plus compétitives par rapport au prix du marché de gros de l'électricité. C'est l'une des deux énergies renouvelables dotées du plus fort potentiel de développement, à court et à moyen terme, dans notre pays.

La France a pris du retard sur les objectifs que vous avez rappelés, objectifs qu'elle s'était assignée dans le cadre du paquet énergie-climat et du Grenelle de l'environnement. Pour l'éolien terrestre, je rappelle que l'objectif est d'atteindre, en France, une puissance installée de 19 000 mégawatts à l'horizon 2020. Fin mars 2012, nous étions à 6 870 mégawatts raccordés.

Il conviendra donc d'examiner la réglementation et les problèmes d'acceptabilité locale que vous avez évoqués lors du débat sur la transition énergétique. L'éolien doit se développer dans de meilleures conditions.

Pour ma part, il n'y a pas d'incertitude quant à la volonté du Gouvernement de soutenir l'éolien et d'adapter les systèmes de soutien tarifaire dans les différentes filières pour rendre possible l'essor des technologies au moindre coût.

Vous vous faites l'écho, monsieur le sénateur, de certains blocages, que je ne nie pas. D'autres éminents parlementaires, notamment des sénateurs, trouvent au contraire la réglementation actuelle trop contraignante. Le grand débat citoyen sur la transition énergétique, auquel les parlementaires seront totalement associés et qui débouchera sur une loi de programmation au premier semestre de 2013, permettra de mettre tous ces éléments sur la table.

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

Vous avez évoqué la volonté du Président de la République d'engager un débat sur la transition énergétique et vous avez rappelé un point que je savais déjà, à savoir que les règles sont fixées par la loi.

Dans le cadre de ce débat, il faudra repenser un certain nombre d'éléments, notamment comment associer davantage les élus aux décisions prises. Ce point me paraît particulièrement important. En effet, il n'est vraiment pas acceptable d'implanter de tels équipements sur leur territoire contre leur volonté.

La question de la répartition de l'IFER devra également être revue, car il n'est pas normal que les communes, qui, par définition, supportent ces équipements, perçoivent la part la plus faible de cette ressource.

Il faudra en outre être capable d'appréhender le périmètre impacté. Il arrive parfois que les éoliennes soient implantées à la limite de plusieurs communes ; or c'est uniquement la commune siège qui perçoit la part communale de l'IFER, alors que l'impact touche bien davantage les communes alentours.

Sans attendre la loi, le Gouvernement pourrait peut-être, par voie de circulaire, rappeler aux préfets qu'il y a un minimum de concertation à mener. Il n'est pas tolérable qu'un maire de mon département apprenne, par un huissier, qu'un permis de construire a finalement été accordé pour l'implantation d'éoliennes sur sa commune. Un tel rappel est d'autant plus nécessaire que, pour développer efficacement et réellement, comme nous le souhaitons tous, l'énergie éolienne, il faut faire en sorte qu'il y ait une véritable acceptabilité de la part de la population et des élus. Nous devons, me semble-t-il, tous travailler dans ce sens.

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