Question de M. BÉCOT Michel (Deux-Sèvres - UMP) publiée le 19/07/2012

M. Michel Bécot attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur les conséquences de la mise en œuvre de la réduction des délais de paiement imposée par la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 de modernisation de l'économie (LME), dans le secteur du bâtiment. En effet, les entreprises du bâtiment pâtissent d'un déséquilibre grandissant entre, d'un côté, des délais fournisseurs plus courts et de l'autre, des délais clients qui, eux, demeurent inchangés voire au contraire augmentent. Comme l'indique le rapport 2010 de l'Observatoire des délais de paiement, une partie des difficultés de trésorerie rencontrées par le secteur du bâtiment provient des retards de paiement des ménages qui ne sont soumis à aucune réglementation, cette question des retards de règlement des particuliers n'ayant fait l'objet d'aucun traitement dans la LME. Par ailleurs, le même observatoire confirme, dans ses rapports de 2009 et 2010, que le secteur du bâtiment était, en raison du caractère unique de chaque commande et des délais non comptabilisés dans le règlement des factures de travaux, l'un des secteurs perdants de la LME. Les représentants de ce secteur d'activité proposent, d'une part, que le paiement des acomptes mensuels et du solde soit imposé dans un délai maximum de 30 jours à compter de l'émission de chaque demande de paiement. En effet, le règlement rapide des situations mensuelles et du solde s'impose pour compenser la perte du crédit fournisseur. D'autre part, ils souhaiteraient que les entrepreneurs puissent bénéficier du droit de suspendre l'exécution des travaux après mise en demeure restée infructueuse mais aussi du droit d'imposer au client le versement d'intérêts moratoires à un taux réellement dissuasif. De plus, pour assurer une efficacité totale à ce dispositif, celui-ci devrait être déclaré d'ordre public, interdisant ainsi toute clause, stipulation ou arrangement ayant pour objet de lui faire échec. Il lui demande de bien vouloir lui préciser la suite qu'il entend réserver à ces propositions.


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Transmise au Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique


Réponse du Ministère chargé des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique publiée le 17/01/2013

Les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics (BTP) peuvent se trouver confrontées à des problèmes de trésorerie en raison d'un déséquilibre entre des délais fournisseurs, plus courts depuis la loi de modernisation de l'économie (LME), et des délais clients inchangés. Ainsi qu'a pu le relever l'observatoire des délais de paiement dans ses rapports 2010 et 2011, les entrepreneurs du bâtiment peuvent être victimes d'un « effet ciseau » en matière de délais de paiement, particulièrement dans le cadre des marchés de travaux privés, dans la mesure où les délais de paiement clients ont augmenté et les délais de paiement fournisseurs ont diminué. Il faut noter que jusqu'au 31 décembre 2011, un accord dérogatoire aux délais de paiement couvrait la filière des produits, bois, matériaux et services pour la construction et la décoration dans le secteur du BTP prévoyant une réduction par palier vers les délais de droit commun. Le Gouvernement est conscient que l'effort de réduction des délais a été majoritairement supporté par les entreprises du BTP, à l'égard de leurs fournisseurs. La LME a réformé le cadre général applicable aux relations commerciales et a introduit le principe d'un plafonnement des délais de paiement convenus entre les parties à 60 jours date de facture, ou 45 jours fin de mois. Ce dispositif a pris sa pleine mesure à compter du 1er janvier de cette année, date d'expiration des accords dérogatoires. Les bénéfices de la réduction des délais de paiement inter-entreprises sont unanimement reconnus, comme en témoignent les travaux de l'observatoire des délais de paiement. Il n'en demeure pas moins que certains maîtres d'ouvrage, soumis aux conditions de règlement prévues par le code de commerce, ne respectent pas ces dispositions. C'est pourquoi l'article 121 IV de la loi n° 2012-387 du 22 mars 2012 relative à la simplification et à l'allègement des démarches administratives, rappelle que les professionnels opérant dans le secteur des marchés de travaux privés sont soumis aux plafonds des délais de paiement prévus par le code de commerce et issus de la LME. L'objectif du Gouvernement demeure de veiller à la bonne application de la LME. Les services de la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes effectuent annuellement, depuis 2009, une enquête en matière de délais de paiement. Pour l'année 2011, 2 001 entreprises ont ainsi été contrôlées sur ce point et les manquements relevés peuvent donner lieu à des suites contentieuses tant devant le juge pénal que devant le juge civil, le dépassement des délais de paiement convenus ou l'exigence d'un différé de facturation entraînant la responsabilité du débiteur sur le fondement de l'article L. 442-6 du code de commerce. L'année 2011 a également été marquée par une enquête d'envergure en matière de sous-traitance, notamment dans le secteur du BTP. Dans le cadre de ces contrôles, les entrepreneurs sont régulièrement invités à s'adresser aux directions régionales des entreprises, de la concurrence, du travail et de l'emploi afin de porter à leur connaissance tout manquement à la réglementation dont ils s'estiment victimes. Néanmoins, l'efficacité du plafonnement des délais de paiement est renforcée par l'institution légale d'une exception d'inexécution au bénéfice de l'entrepreneur du bâtiment. L'article L. 111-3-1 du code de la construction et de l'habitat, introduit par l'article 121 IV de la loi précitée, prévoit désormais que lorsque l'entrepreneur n'est pas payé dans les temps, il peut suspendre l'exécution des travaux quinze jours après avoir, sans succès, mis son débiteur en demeure de s'exécuter. Par ailleurs, l'article L. 441-6 du code de commerce prévoit expressément que les pénalités de retard sont exigibles de plein droit et sans qu'un rappel ne soit nécessaire. Ainsi, tout retard de paiement doit entraîner le versement par le débiteur, en sus du principal, de pénalités de retard calculées sur la base d'un taux dont les planchers sont fixés par le code de commerce. Ces pénalités ne sont d'ailleurs pas exclusives de toute autre somme pouvant être obtenue à titre d'indemnisation. En parallèle de ce dispositif normatif, le secteur du BTP a développé une politique dynamique avec l'élaboration de chartes de bonnes pratiques, permettant d'améliorer les relations avec les maîtres d'ouvrage et d'anticiper les différends. En outre, les parties peuvent décider de soumettre leur marché aux normes édictées en la matière par l'association française de normalisation, qui constituent des documents de référence élaborés de manière consensuelle par les intéressés. Enfin, le recours à des solutions de financement alternatives, telles que la mise en place de crédits de campagne ou le recours à Oséo, ainsi que le préconise l'observatoire des délais de paiement, pourra constituer une solution complémentaire aux problèmes de trésorerie rencontrés par les entrepreneurs soumis à un « effet ciseau ».

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