Question de M. ANZIANI Alain (Gironde - SOC) publiée le 26/07/2012

M. Alain Anziani appelle l'attention de M. le ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche, sur les poissons migrateurs dans l'estuaire de la Gironde.

Depuis plusieurs années, les pêcheurs constatent une nette diminution des poissons migrateurs dans l'estuaire de la Gironde et en particulier de l'alose, de la pibale, de la lamproie, ou même des saumons.

Cette mortalité d'ampleur affecte des espèces parfois uniques en Europe comme l'esturgeon ou certaines anguilles.

Ce phénomène est très particulier à l'estuaire de la Gironde sans que ses causes aient pu être nettement identifiées.

La diminution des poissons migrateurs n'est pas due à la pêche, strictement réglementée dans l'estuaire, et même interdite pour certaines espèces (l'éperlan) qui pourtant ont quasiment disparu.

Le nombre de marins pêcheurs a d'ailleurs corrélativement chuté passant de près de 300 dans les années 1990 à une vingtaine actuellement.

Plusieurs hypothèses ont été émises : une pollution spécifique à l'éco-système original de l'estuaire, les nombreux micro-barrages en amont, obstacles à la migration, la présence de matières en suspension…

Il lui demande s'il dispose d'éléments d'explication de cette chute de population des poissons migrateurs dans l'estuaire de la Gironde et quelles sont les mesures qu'il envisage afin d'y remédier.

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Transmise au Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie


Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 03/01/2013

Le déclin des populations de poissons migrateurs amphihalins n'est pas spécifique à l'estuaire de la Gironde, mais s'observe à l'échelle européenne pour la plupart de ces espèces. Comme indiqué avec justesse, cette situation ne peut pas s'expliquer par les seules mortalités liées à la pêche. Ces espèces doivent migrer dans les cours d'eau pour atteindre leurs sites de reproduction ou de croissance. Elles sont donc particulièrement sensibles aux atteintes portées aux milieux aquatiques, telles la pollution, l'artificialisation, les prélèvements d'eau ou encore les ouvrages. La part de chacune de ces atteintes, comme celle de la pêche, reste cependant difficile à quantifier avec précision. La restauration de ces populations nécessite une action sur l'ensemble des facteurs de mortalité identifiés. Les principaux acteurs concernés par la gestion de ces espèces, les pêcheurs professionnels et amateurs, marins et fluviaux, les hydroélectriciens, les agriculteurs, les associations de protection de l'environnement, associations « grands migrateurs » ont donc été réunis afin d'établir une stratégie nationale de gestion des poissons migrateurs amphihalins, qui a été validée fin 2010. Cette stratégie insiste sur la nécessité d'agir sur la qualité des milieux et la continuité écologique. Cette orientation est mise en œuvre via les programmes de mesures établis dans chaque bassin en application de la directive européenne-cadre sur l'eau (DCE), dont l'objectif est l'atteinte du bon état des eaux, y compris sur le plan écologique. Elle se décline sur la continuité écologique par l'application de l'article L. 214-17 du code de l'environnement, issu de la loi sur l'eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006, qui prévoit que les cours d'eau sur lesquels il existe un enjeu « continuité écologique » font l'objet d'un classement spécifique, à partir duquel les ouvrages devront, dans un délai de cinq ans, être aménagés, équipés et gérés de manière à garantir notamment la circulation des poissons migrateurs. Cette stratégie prévoit également des mesures visant à gérer durablement la pêche, avec notamment des actions sur la connaissance des stocks et la mise en œuvre de mesures de gestion adaptées. L'anguille fait l'objet d'un traitement spécifique. Le règlement européen n° 1100-2007 du 17 septembre 2007 impose la reconstitution des stocks de cette espèce et un plan de gestion national a été établi et validé par la Commission européenne en février 2010. Le rapport de mise en œuvre de ce plan, transmis fin juin 2012 à la Commission européenne, montre que les engagements de la France ont été tenus, même s'il est trop tôt pour en constater les effets. Un plan national d'action esturgeon a été mis en place. Ses actions sont ciblées sur les bassins de la Garonne et de la Dordogne. Il prévoit notamment, en complément de l'interdiction de pêche, des actions de protection de l'habitat de cette espèce et la mise en œuvre d'actions de repeuplement à partir d'un stock de géniteurs élevé en captivité. Ce plan insiste sur la protection des habitats essentiels comprenant les frayères fluviales de la Garonne et de la Dordogne, des nourriceries et zones de croissances estuariennes de la Gironde. Dans ce cadre, les récents projets d'extraction de matériaux dans le lit mineur de l'estuaire ont reçu un avis défavorable de la préfecture. En outre, un travail est engagé pour harmoniser les textes réglementaires de protection des habitats par arrêtés préfectoraux de protection de biotopes pour les fleuves et l'estuaire en Dordogne, Lot-et-Garonne, Gironde et Charente-Maritime en faveur de l'esturgeon européen mais aussi de l'ensemble des poissons migrateurs. Enfin, concernant plus largement l'ensemble des poissons migrateurs sur le bassin Garonne-Dordogne-Charente-Seudre-Leyre, un plan de gestion des poissons migrateurs a été établi pour la période 2008-2012 en application de l'article R. 436-45 du code de l'environnement. Il liste les principales pressions qui s'exercent sur les populations de poissons migrateurs amphihalins du fait de la pollution des eaux et des sédiments, des déficits structurels en eau liés aux prélèvements, des écluses, des obstacles à la continuité écologique, de la pêche et du braconnage. Il prévoit non seulement des mesures d'encadrement de la pêche, mais aussi des actions sur les milieux aquatiques. Ainsi, à titre d'exemple, une mesure de renforcement des débits d'étiages de la Garonne prévue par le plan de gestion des poissons migrateurs est mise en œuvre par le syndicat mixte d'études et d'aménagement de la Garonne, afin de limiter l'impact des étiages sur les peuplements aquatiques et en particulier pour favoriser les poissons migrateurs. Cette opération consiste à relâcher les eaux des barrages situés en amont du bassin et fait ressentir ses effets, même modestes, jusqu'à l'estuaire de la Gironde. Des mesures de gestion sont mises en place sur les barrages situés dans l'estuaire, de manière à favoriser la recolonisation par l'anguille et les autres poissons migrateurs amphihalins des marais annexes et des affluents à l'estuaire.

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