Question de M. PATRIAT François (Côte-d'Or - SOC) publiée le 05/07/2012

M. François Patriat attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur l'inquiétude qui résulte de la paralysie de la filière éolienne. La situation est extrêmement préoccupante. La puissance installée sur le territoire a chuté de plus de 30 % entre 2010 et 2011 et continue de chuter en 2012.

Cette filière est une filière essentielle pour la diversification énergétique et la réindustrialisation de nos territoires. Elle devrait représenter 60 000 emplois en 2020 dont 5 000 en Bourgogne. Cette filière a besoin d'un cadre réglementaire et financier stable.

Aujourd'hui, en raison d'une question de procédure relative à l'arrêté tarifaire applicable au secteur de l'éolien, force est de constater que les investissements et les financements dans ce secteur sont en suspens. Cette situation est dramatique pour les acteurs de la filière éolienne. Un certain nombre d'entreprises sont en grande fragilité.

Un recours préjudiciel sur les questions soulevées a été porté par le Conseil d'État devant la Cour de Justice de l'Union européenne le 15 mai dernier. Les délais requis pour qu'une réponse soit apportée sont incompatibles avec la survie de ces entreprises. Attendre sans mettre en place des mesures transitoires, serait accepter que de très nombreux emplois dans ce secteur soient menacés au cours de l'été.

Par conséquent, il lui demande de faire connaître les mesures d'urgence que le Gouvernement compte prendre pour préserver et assurer la poursuite de l'essor du secteur éolien, en particulier la publication d'un nouvel arrêté tarifaire, ainsi que les délais envisagés par le Gouvernement pour prendre un tel arrêté, et confirmer que le niveau de tarif actuel sera préservé.

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Réponse du Ministère chargé des transports, de la mer et de la pêche publiée le 25/07/2012

Réponse apportée en séance publique le 24/07/2012

M. François Patriat. Monsieur le ministre, ma question, adressée à Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, concerne un sujet dont l'importance ne vous a pas échappé.

Dans son édition du samedi 21 juillet, un journal du soir titrait : « Les énergies vertes marquent le pas en France. Les filières renouvelables doivent être consolidées, pour atteindre l'objectif de 23 % de la consommation en 2020. »

Ma question porte sur les difficultés que rencontre aujourd'hui le développement de la filière éolienne, laquelle se trouve pratiquement paralysée.

La situation est préoccupante : après une chute de 30 % entre 2010 et 2011 de la puissance installée sur le territoire, la baisse continue en 2012. Nous sommes ainsi passés de 1 000 mégawatts à 750 mégawatts par an. Or la filière est essentielle pour la diversification énergétique et la réindustrialisation de nos territoires. Il n'y aura pas de mixte énergétique sans une part importante d'éolien, les limites de la puissance hydraulique, celles de l'énergie produite à partir du bois, ainsi que celles du solaire étant aujourd'hui bien connues.

Si nous poursuivons nos efforts, la filière devrait représenter 60 000 emplois en 2020, dont 5 000 en Bourgogne - on en compte aujourd'hui déjà près de 1 000 dans cette région.

Elle a besoin d'un cadre réglementaire et financier stable.

Aujourd'hui, en raison d'une question de procédure relative à l'arrêté tarifaire applicable au secteur de l'éolien, force est de constater que les investissements et les financements dans ce secteur sont en suspens. Cette situation est dramatique pour les acteurs de la filière éolienne. Un certain nombre d'entreprises sont en grande fragilité. Le Conseil d'État a saisi la Cour de justice de l'Union européenne d'un renvoi préjudiciel sur les questions soulevées le 15 mai dernier.

Or les délais requis pour qu'une réponse soit apportée à ce recours sont incompatibles avec la survie des entreprises concernées. Attendre sans mettre en place des mesures transitoires reviendrait à accepter que de très nombreux emplois de ce secteur soient menacés au cours de l'été.

Par conséquent, monsieur le ministre, je vous demande de nous faire connaître les mesures d'urgence que le Gouvernement compte prendre pour préserver le secteur éolien et pour assurer la poursuite de son essor. En particulier, dans quels délais le Gouvernement envisage-t-il de publier un nouvel arrêté tarifaire - cette publication est urgente - et de confirmer que le niveau de tarif actuel sera préservé ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, qui rencontre actuellement, avec M. le Premier ministre, les organisations non gouvernementales, dans le cadre de la préparation de la conférence environnementale. Mme Batho m'a demandé de bien vouloir vous communiquer un certain nombre d'éléments de réponse.

Votre préoccupation est légitime : votre question met en exergue l'urgence du lancement de la transition énergétique, engagement que le Président de la République a pris avec force devant les Français. En particulier, ce dernier a souhaité que les énergies renouvelables soient massivement développées et qu'elles puissent bénéficier d'un cadre clair et stable pour la durée du quinquennat, afin de donner à ces filières la visibilité nécessaire et d'inscrire leur développement dans la durée.

Le débat national et citoyen sur la transition énergétique sera lancé à l'automne prochain, à l'issue de la conférence environnementale qui se tiendra au mois de septembre. Il aboutira à une loi de programmation pour la transition énergétique dès 2013.

Ce débat doit permettre de lancer une grande politique de sobriété et d'efficacité énergétiques et de réunir les conditions du développement massif des énergies renouvelables, sur lequel le Président de la République s'est engagé en fixant un objectif très ambitieux : celui de réduire la part de la production d'électricité d'origine nucléaire en France de 75 % à 50 % à l'horizon 2025.

Dans ce cadre, monsieur le sénateur, vous avez raison de souligner l'importance de la filière éolienne terrestre pour la diversification de notre bouquet énergétique et la réindustrialisation de nos territoires.

Le développement de cette énergie constitue l'une des clés de la réussite de la transition énergétique et écologique : d'ores et déjà compétitive d'un point de vue économique - ce point est essentiel -, l'énergie éolienne est également dotée de l'un des plus forts potentiels de développement, à court et moyen terme, dans notre pays. Comme vous l'avez souligné, monsieur le sénateur, nous avons donc besoin de la filière éolienne pour réussir la transition énergétique.

Cependant, et vous le relevez à juste titre, cette filière est aujourd'hui en difficulté. Vous le savez, les règles régissant l'implantation d'éoliennes ont été fixées à la suite du Grenelle de l'environnement, au terme de débats vifs et parfois controversés. Comme le rappelle l'article auquel vous faites référence, il en est résulté un ralentissement du développement de la filière sur nos territoires, qui a pris du retard vis-à-vis des objectifs fixés par le « paquet énergie-climat » européen et repris par la loi de programmation relative à la mise en œuvre du Grenelle de l'environnement.

Permettez-moi de rappeler ces objectifs : l'éolien terrestre doit atteindre une puissance installée de 19 000 mégawattheures à l'horizon 2020. Or, à la fin de mars 2012, seule une capacité de 6 870 mégawattheures seulement était raccordée au réseau. Le ralentissement du rythme d'installation de nouvelles capacités de production n'est pas satisfaisant, car il a des conséquences sur l'industrialisation des territoires, notamment dans votre région, monsieur le sénateur.

Le mandat donné au Président de la République par les Français est clair : opérer le redressement industriel du pays et diversifier notre bouquet énergétique. Concernant la filière éolienne, deux leviers d'actions sont d'ores et déjà identifiés : la planification régionale, d'une part, déjà engagée avec les schémas régionaux du climat, de l'air et de l'énergie, et les schémas régionaux éoliens qu'il s'agira de conforter et, d'autre part, un cadre réglementaire prenant en compte les enjeux environnementaux et paysagers.

Lors du débat sur la transition énergétique, il nous faudra réexaminer la réglementation ainsi que les problèmes d'acceptabilité locale. Il s'agira également de lever l'incertitude juridique qui freine actuellement le développement de la filière et d'adapter les systèmes de soutien tarifaire dans les différentes filières pour rendre possible l'essor des technologies, au moindre coût et dans la durée.

Vous m'interrogez également, monsieur le sénateur, sur le contentieux introduit par l'association Vent de colère contre le tarif d'achat de l'électricité éolienne, qui préoccupe à juste titre les entreprises du secteur. Le Conseil d'État a décidé de ne pas trancher sur la nature des dispositifs de soutien et de procéder à un renvoi préjudiciel à la Cour de justice de l'Union européenne. Vous avez raison de souligner que cette procédure prendra du temps et qu'elle inquiète la filière, soumise à une incertitude qui complique encore les projets d'investissement dans les éoliennes, avec le blocage des financements par les banques.

Au nom de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, je tiens donc à rassurer les professionnels de la filière en rappelant que nous veillerons à ce que les contrats d'achat existants ne soient pas remis en cause au titre de l'arrêté en vigueur et à ce que le cadre juridique soit conforté, afin de ne pas fragiliser le développement des nouveaux projets.

Je réaffirme donc aujourd'hui le soutien du Gouvernement au développement de la filière éolienne terrestre et son ambition d'en faire un acteur essentiel de la réussite de la transition énergétique voulue par le Président de la République.

M. le président. La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse très complète. La Bourgogne est exemplaire dans ce domaine, puisqu'elle fait partie des sept régions qui ont déjà approuvé leur schéma du climat, de l'air et de l'énergie.

L'urgence prioritaire, vous l'avez dit, consiste à sécuriser le tarif d'achat de l'électricité éolienne terrestre. Cependant, quand on sait qu'il s'écoule près de dix ans entre le dépôt d'un dossier et l'installation d'une éolienne, il serait souhaitable d'assouplir le carcan administratif décourageant, avec ses zones de développement de l'éolien, ou ZDE, ses permis de construire éoliens, ses schémas régionaux éoliens, ou SRE, ses installations classées pour la protection de l'environnement, ou ICPE. Il faudrait aussi supprimer la règle des cinq mâts minimum, car certains petits projets sont tout à fait viables, et réduire le nombre des recours abusifs, puisque 80 % des recours sont rejetés.

Il conviendrait également d'améliorer l'équilibre économique des projets, de faire évoluer les règles de balisage des éoliennes, pour améliorer leur acceptabilité, et de créer des centres français d'expertise et d'innovation sur l'éolien, afin de favoriser l'éclosion de clusters.

Il me semble également souhaitable de substituer les schémas régionaux éoliens aux zones de développement de l'éolien, parfois sources de conflits d'intérêts pour les élus communautaires, et de corréler le tarif de rachat aux prix de marché, ce qui permettrait à l'énergie éolienne de devenir plus rapidement compétitive.

Enfin, monsieur le ministre, nous devons offrir un cadre juridique adapté à l'éolien participatif et citoyen qui tend à se développer, non seulement en Bourgogne, mais aussi dans l'ensemble de notre pays.

L'amélioration des délais de raccordement et l'appui aux plans de formations régionaux afin d'améliorer la compétence des salariés sont autant de pistes sur lesquelles le Gouvernement devrait travailler dans l'urgence pour accélérer le développement acceptable de l'énergie éolienne sur notre territoire.

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