Question de M. BÉCHU Christophe (Maine-et-Loire - UMP) publiée le 02/08/2012

M. Christophe Béchu attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la publication par les entreprises françaises de leurs comptes à chaque fin d'année auprès des greffes.

Cette publication des comptes s'établissant comme un moyen d'effectuer un contrôle sur les fournisseurs, il estime que la publication des comptes par les entreprises françaises répond à un souci de transparence et qu'elle s'avère donc nécessaire. Néanmoins, il apparaît que les entreprises européennes ne sont pas soumises à cette obligation de publication des comptes auprès des greffes contrairement aux entreprises françaises.

Dans un contexte économique difficile où la compétitivité des entreprises s'impose comme primordiale dans l'optique de la croissance économique, il demande si le Gouvernement peut légiférer sur ce point en coopération avec le ministre des affaires étrangères et le ministre des affaires européennes dans le but d'établir une certaine égalité entre les entreprises de l'Union européenne.

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Réponse du Ministère chargé du budget publiée le 03/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 02/10/2012

M. Christophe Béchu. Monsieur le ministre, ma question porte sur l'obligation qui est faite aux entreprises françaises de déposer annuellement leurs comptes auprès des greffes en vue de leur publication.

La transparence a des vertus ; elle aurait sans doute évité, dans le passé, un certain nombre de scandales qui ont conduit à ce que l'opacité dans laquelle avaient été gérées certaines des entreprises ne soit révélée trop tardivement. On pense évidemment à Enron ou à d'autres cas similaires.

Par conséquent, on comprend bien l'intérêt de cette mesure et l'esprit qui a prévalu lors de l'inscription de son caractère obligatoire dans la loi.

Cette transparence permet de surcroît de rassurer les fournisseurs, les sous-traitants, et donc de concourir à la cohérence et au caractère vertueux de l'environnement économique global.

Mais, monsieur le ministre, on évolue en même temps dans un contexte de compétition. Et voilà un sujet sur lequel nous disposons peut-être de marges de progrès en termes de compétitivité, sans aucune conséquence sur le déficit de l'État, de la sécurité sociale ou sur quelque autre ligne budgétaire que ce soit. Aussi, je me plais donc à vous interpeller sur une question où c'est plutôt le soft power, le pouvoir d'influence, à tout le moins le processus de construction européenne, qui peut permettre de restaurer une certaine réciprocité.

La transparence est problématique si certaines entreprises étrangères ont accès à des données publiées par nos entreprises sans que, dans leur pays, ces sociétés concurrentes soient obligées de publier leurs comptes, donc de fournir les mêmes informations.

Vous me répondrez sans doute, monsieur le ministre, que des textes européens existent sur ce point. Mais ils font l'objet d'une grande disparité à la fois dans leurs modalités d'application et dans les sanctions en cas de non-respect de leurs dispositions.

Les délais varient de un mois à treize mois, selon les pays, pour déposer les documents, de même que varient les mécanismes de relance si les prescriptions ne sont pas respectées. Dans certains cas, seuls des tiers peuvent intervenir, comme en Finlande et en Allemagne ; dans d'autres, c'est à la puissance publique d'intervenir : en Belgique, il faut trois années consécutives de non-publication des comptes pour qu'une éventuelle relance soit possible.

Des disparités existent également, monsieur le ministre, dans les seuils des entreprises concernées : en Irlande, par exemple, les PME ne sont pas obligées de déposer leurs comptes alors que, dans d'autres pays comme l'Autriche, les règles concernant l'obligation de publication sont plus subtiles et dépendent de la législation du pays d'origine de la société-mère.

Enfin, les sanctions diffèrent d'un pays à l'autre : en France, des sanctions pénales sont possibles pour les entreprises qui ne respectent pas ces règles ; ailleurs, les amendes peuvent être extrêmement faibles et atteindre au maximum quelques dizaines d'euros.

Monsieur le ministre, ma question est simple : estimez-vous qu'il y ait là un problème et, si oui, pourriez-vous, avec le ministre chargé des affaires européennes, agir dans le sens d'une harmonisation permettant de rétablir des marges de compétitivité en faveur de nos entreprises et ne pas aller dans le sens de certaines entreprises qui demandent la fin de la publication, afin de restaurer la réciprocité.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget. Monsieur le sénateur, si elle n'est pas nouvelle, la question que vous soulevez n'en est pas moins d'importance. Des réflexions avaient été engagées sous le précédent gouvernement, dont aucune conséquence pratique n'avait été tirée. Sachez que l'intention du gouvernement de Jean-Marc Ayrault est de prendre position sur ce dossier dans un délai raisonnable, que je ne peux malheureusement pas vous indiquer précisément, dans le cadre de réflexions engagées pour améliorer la compétitivité des entreprises.

La question mérite en effet un examen approfondi. La publicité des comptes est un élément important de la vie des affaires, car il contribue à fluidifier les relations entre créanciers et investisseurs. C'est le moins qu'avant de contracter avec une entreprise ses interlocuteurs disposent d'un minimum d'informations sur sa situation. La disponibilité de ces informations est également un élément déterminant en termes d'efficacité de la lutte contre le blanchiment. Le dépôt des comptes est en outre un outil utile en matière de prévention des difficultés des entreprises.

Sur tous ces points, nous devrions pouvoir trouver un accord, car ce constat est partagé.

Ainsi, non seulement la publicité des comptes est ancienne dans notre droit, mais le droit de l'Union européenne l'a hissée au rang de principe dès 1968 pour les sociétés par actions simplifiées, les sociétés anonymes à responsabilité limitée mais aussi les sociétés en commandite par action. La directive en vigueur impose aux États membres de prévoir des sanctions appropriées en cas de défaut de publicité des documents comptables.

Là où le débat est possible, c'est autour du choix qui a été fait à l'échelon national d'aller au-delà des prescriptions de la directive et de généraliser l'obligation de publication à l'ensemble des sociétés par actions, sociétés anonymes à responsabilité limitée, sociétés en nom collectif dont tous les associés sont des SARL ou sociétés par actions, et ce alors même que le droit européen autorise les États membres à n'imposer aux entreprises se situant en deçà de deux seuils que la publication de documents allégés, voire à les exempter de publication.

Les entreprises individuelles, qui ne sont pas des sociétés, sont quant à elles hors du champ de la directive. Chez certains de nos partenaires, dont l'Allemagne, elles ne sont pas soumises à l'obligation de publicité des comptes. Des formalités allégées sont certes déjà prévues dans le droit français, mais elles ne s'appliquent qu'aux entreprises situées sous des seuils nettement inférieurs à ceux qui sont autorisés par la directive.

Ce débat a été récemment renouvelé par l'intervention d'une directive de simplification, qui concerne spécifiquement les micro-entités. Ce texte de mars 2012 autorise les États membres à prévoir des dérogations à certaines obligations de publicité comptable sous réserve de la combinaison de différents critères de taille de bilan, de chiffre d'affaires et de nombre de salariés. Les sociétés répondant à ces critères peuvent être exonérées de l'obligation de publication des comptes sous réserve qu'elles communiquent leur bilan à une autorité publique.

Reste qu'il faut bien mesurer ce qu'impliquerait l'éventuel allégement des obligations de publication ou des formalités comptables pour certaines entreprises au regard des enjeux de bon fonctionnement du marché ou de protection des intérêts publics, tels que je les évoquais en préalable.

Je relève en outre que, par elle-même, la suppression de l'obligation de publication ne constituerait pas une mesure de simplification si l'obligation de dépôt et la teneur des obligations comptables des entreprises concernées demeuraient inchangées. Cette suppression peut en revanche présenter de l'intérêt en termes de protection de certaines entreprises, pour autant qu'elle ne nuise pas aux exigences de la lutte contre la fraude.

On le voit, la voie est étroite. C'est bien à un traitement d'ensemble de la question, et par la concertation avec les organisations représentatives des entreprises, que le Gouvernement entend déterminer si notre droit et nos entreprises gagneront à une modification du droit en vigueur.

Vous le savez sans doute, deux parlementaires en mission ont été nommés par le Premier ministre pour réfléchir à l'avenir de l'épargne financière. Cette mission s'inscrit dans la réflexion sur l'amélioration de la compétitivité des entreprises, qui devrait, je l'espère, faire l'objet d'une saisine du Parlement en 2013. C'est dans le cadre de cette saisine, me semble-t-il, que ces problèmes pourraient être traités. Sous l'angle de la compétitivité, chacun doit convenir qu'aller au-delà des prescriptions communautaires revient, pour notre pays, à vouloir faire preuve d'une exemplarité qu'au fond rien ni personne ne commande réellement.

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de m'avoir permis de m'exprimer sur ce sujet.

M. le président. La parole est à M. Christophe Béchu.

M. Christophe Béchu. Monsieur le ministre, dans la mesure où vous m'avez indiqué que vous souhaitiez à la fois examiner cette question et trouver des éléments de réponse, je n'en dirai pas plus. Ainsi, vous disposerez d'une minute trente supplémentaire pour effectuer votre mission. (Sourires.)

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