Question de M. BOUTANT Michel (Charente - SOC) publiée le 02/08/2012

M. Michel Boutant attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les titres de circulation que doivent détenir des gens du voyage en application de la loi n° 69-3 du 3 janvier 1969 relative à l'exercice des activités ambulantes et au régime applicable aux personnes circulant en France sans domicile ni résidence fixe.

Cette loi, elle-même héritière de la loi du 16 juillet 1912 qui mettait en place le carnet anthropométrique pour ces populations, maintient en effet un régime discriminatoire inacceptable pour les gens du voyage. Ainsi, toutes les personnes âgées de plus de seize ans ayant une résidence mobile doivent avoir en leur possession un livret ou un carnet de circulation (suivant si oui ou non elles ont des ressources régulières). Le livret doit être visé chaque année par la police ou la gendarmerie ; le carnet est lui présenté une fois par trimestre.

Des sanctions pénales sont prévues en cas de manquement à cette loi. De plus, le texte prévoit en son article 10 que l'inscription des gens du voyage sur la liste électorale n'est possible qu'après trois ans de rattachement ininterrompu à la même commune. Ce délai est par exemple de six mois pour les personnes sans domicile fixe. Par ailleurs, il est nécessaire de rappeler qu'en vertu du système de commune de rattachement, le nombre de gens du voyage ne doit pas dépasser 3 % de la population sur une seule commune. Ces discriminations s'accompagnent de difficultés administratives pour obtenir le rattachement, et d'entraves à la scolarisation des enfants.

Cette situation avait été dénoncée en son temps par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE), qui avait mis en évidence une différence de traitement violant l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme. La Convention interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de chacun à circuler librement. La Commission consultative des droits de l'homme a également recommandé l'application du droit commun pour les gens du voyage en matière de droits civiques.

La République française ne peut admettre qu'une partie de sa population soit traitée de la sorte.

Aussi, il lui demande si le Gouvernement entend, comme l'avaient proposé plusieurs parlementaires par le passé, abroger l'infamante loi du 3 janvier 1969.

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Réponse du Ministère chargé de la famille publiée le 31/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 30/10/2012

M. Michel Boutant. Madame la présidente, j'ai souhaité attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la nécessité d'abroger la loi du 3 janvier 1969 relative aux titres de circulation des gens du voyage.

Cette loi, elle-même héritière de la loi du 16 juillet 1912 qui mettait en place le carnet anthropométrique pour ces populations, me semble en effet maintenir un régime discriminatoire peu acceptable pour les gens du voyage. Ainsi, toutes les personnes âgées de plus de seize ans ayant une résidence mobile doivent, selon qu'elles ont ou non des ressources régulières, avoir en leur possession un livret ou un carnet de circulation. Le livret doit être visé chaque année par la gendarmerie ou la police. Le carnet, quant à lui, est présenté une fois par trimestre.

Des sanctions pénales sont encourues en cas de manquement à cette loi. De plus, l'article 10 de cette dernière prévoit que l'inscription des gens du voyage sur la liste électorale n'est possible qu'après trois ans de rattachement ininterrompu à la même commune. Je dirai, à titre d'exemple, que ce délai est de six mois pour les personnes sans domicile fixe.

Par ailleurs, en vertu du système de commune de rattachement, le nombre de gens du voyage ne doit pas dépasser 3 % de la population sur une seule commune. Ces discriminations s'accompagnent de difficultés administratives pour obtenir le rattachement et d'entraves à la scolarisation des enfants.

Cette situation avait été dénoncée en son temps par la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, laquelle avait mis en évidence une différence de traitement violant l'article 14 de la convention européenne des droits de l'homme. Ce texte interdit toute discrimination dans la jouissance du droit de chacun à circuler librement. La Commission consultative des droits de l'homme a également recommandé l'application du droit commun pour les gens du voyage en matière de droits civiques.

Je préciserai, en outre, que le Conseil constitutionnel a rendu le 5 octobre dernier une décision de censure partielle de la loi du 3 janvier 1969, considérée cependant comme insuffisante par les associations de défense des droits de l'homme. Le Conseil constitutionnel a estimé que le fait de devoir faire viser un titre tous les trois mois était contraire à la Constitution. Il a également abrogé la peine d'emprisonnement encourue par les itinérants qui ne rempliraient pas leurs obligations. Enfin, il a censuré la disposition qui exigeait de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu à la même commune pour l'inscription sur les listes électorales.

Cette décision est censée prendre effet immédiatement. J'aurais aimé savoir où en est son application. La République française ne pourrait admettre qu'une partie de sa population soit traitée de la sorte. Je vous demande donc si le Gouvernement entend, comme l'avaient proposé plusieurs parlementaires par le passé, abroger définitivement la loi du 3 juillet 1969.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Monsieur le sénateur, vous interrogez M. le ministre de l'intérieur sur l'avenir de la loi du 3 janvier 1969 applicable aux gens du voyage. Comme vous le rappelez, celle-ci se substitua à la loi du 16 juillet 1912 relative au carnet anthropométrique.

Aujourd'hui, plus de quarante ans après sa promulgation, le régime institué par cette loi mérite d'être revu.

Cette nécessité fait quasiment l'unanimité sur les bancs du Parlement. Permettez-moi de citer quelques initiatives.

Le 26 janvier 2011, l'Assemblée nationale a débattu d'une proposition de loi déposée par Pierre-Alain Muet, Jean-Louis Touraine et Dominique Raimbourg, au nom du groupe socialiste, radical et citoyen.

En mars 2011, la commission des lois concluait les travaux d'une mission d'information de Didier Quentin, Charles de La Verpillière et Dominique Raimbourg. Le rapport de cette mission préconisait, notamment, la suppression de la condition de résidence de trois ans pour accéder au droit de vote et la suppression des titres de circulation.

Plus récemment, à l'été 2012, deux propositions de lois ont été déposées. La sénatrice Esther Benbassa propose d'abroger la loi de 1969 et le sénateur Pierre Hérisson traduit en proposition de loi son rapport de juillet 2011 intitulé Gens du voyage : pour un statut proche du droit commun.

Après la décision rendue le 5 octobre dernier par le Conseil constitutionnel, nous sommes désormais dans un contexte différent. En effet, le Conseil constitutionnel, saisi d'une question prioritaire de constitutionnalité, a déclaré contraires à la Constitution trois dispositions de la loi de 1969.

Premièrement, le carnet de circulation a été censuré parce qu'il constitue une différence de traitement entre les personnes concernées par la détention d'un titre de circulation liée à une condition de ressource et que cette différence de traitement n'est pas en rapport direct avec les fins civiles, sociales, administratives ou judiciaires poursuivies par la loi.

Deuxièmement, la peine d'un an d'emprisonnement frappant les personnes circulant sans carnet de circulation a été censurée. Le Conseil constitutionnel a considéré que cette peine porte une atteinte disproportionnée à l'exercice de la liberté d'aller et de venir au regard du but recherché.

Enfin, l'obligation de justifier de trois ans de rattachement ininterrompu dans la même commune pour être inscrit sur une liste électorale a été censurée, cette disposition portant atteinte à l'exercice des droits civiques des citoyens.

Les autres dispositions de la loi sont déclarées conformes à la Constitution, notamment l'obligation de rattachement des gens du voyage à une commune, le plafonnement à 3 % de la population de chaque commune du nombre de gens du voyage qui y sont rattachés et l'existence d'un livret de circulation propre aux gens du voyage.

Le Gouvernement poursuit sa réflexion, en concertation avec les associations représentatives des gens du voyage, pour faire évoluer le cadre légal et réglementaire qui est applicable à ces derniers. Le Parlement sera évidemment associé à cette modification importante de la législation.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Boutant.

M. Michel Boutant. Je tiens à remercier le représentant du Gouvernement pour sa réponse. Je regrette que l'inscription sur les listes électorales ne soit possible qu'après trois ans de rattachement continu à la commune, ce délai me paraissant beaucoup trop long par rapport au laps de temps opposé aux personnes dites « sans domicile fixe ».

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