Question de M. RETAILLEAU Bruno (Vendée - UMP-R) publiée le 02/08/2012

M. Bruno Retailleau attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur les projets en cours visant à consolider la situation pénitentiaire du département de la Vendée.

L'État, par la voix de son prédécesseur, s'est engagé dans des projets de modernisation des maisons d'arrêt de La Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte ainsi que dans le projet de création d'un établissement dédié aux courtes peines sur la commune de Fontenay-le-Comte.

Ces projets, essentiels pour la Vendée, répondent à quatre nécessités : régler les problèmes de fonctionnement causés par la vétusté des bâtiments et la surpopulation carcérale dans ces deux maisons d'arrêt (le taux de surencombrement à la prison de La Roche-sur-Yon s'élevant en effet à 240 % et à près de 200 % pour la prison de Fontenay-le-Comte), répondre aux attentes du personnel pénitentiaire et des proches des détenus qui souhaitent vivement que ces établissements de proximité soient maintenus afin de faciliter leurs déplacements, privilégier les établissements pénitentiaires à taille humaine qui favorisent une meilleure réinsertion des détenus et, enfin, soutenir l'emploi, en particulier sur le territoire de Fontenay-le-Comte qui a été particulièrement touché par la crise.

Les récentes déclarations relatives aux financements des projets visant à créer de nouvelles places dans les établissements pénitentiaires ainsi qu'à la nécessité d'atteindre un seuil de 63 000 places, sans mention de l'objectif de 80 000 places fixé par la loi n° 2012-409 du 27 mars 2012 de programmation relative à l'exécution des peines, ont suscité en Vendée de vives inquiétudes faisant craindre une remise en cause de ces projets.

Aussi, il lui demande de confirmer les engagements de son prédécesseur afin que ces projets soient réalisés et que les élus locaux, les représentants du personnel pénitentiaire et les familles de détenus soient rassurés.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 17/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2012

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la garde des sceaux, mes chers collègues, ma question porte sur la situation pénitentiaire dans le département de la Vendée. La situation y est déplorable, comme vous le savez sans doute, madame la ministre.

Le département compte deux établissements pénitentiaires ; l'un est situé à La Roche-sur-Yon, le chef-lieu, l'autre à Fontenay-le-Comte, dans le sud de la Vendée. Il s'agit de deux petites unités à taille humaine. Interrogés, les personnels pénitentiaires soulignent à quel point la taille de l'établissement est importante.

Lorsqu'on visite ces deux établissements, ce que j'ai fait, on se rend compte très rapidement de leur extrême vétusté, mais aussi et surtout de l'ampleur de la surpopulation carcérale. Ainsi, ce que l'on appelle de façon un peu inélégante le « taux de surencombrement » est supérieur à 240 % à La Roche-sur-Yon et supérieur à 200 % à Fontenay-le-Comte. De telles conditions d'incarcération, vous en conviendrez, madame la ministre, vous qui êtes très attachée à la dignité des détenus, sont précisément indignes, et inacceptables.

L'administration est contrainte d'installer le soir, dans les cellules, un matelas supplémentaire à même le sol afin de pouvoir faire vivre - ou survivre, serait-on plutôt tenté de dire - trois ou quatre détenus dans quelques mètres carrés. Dans quelques mètres carrés, madame la ministre !

Mais si de telles conditions ne sont pas admissibles pour les détenus, elles ne le sont pas plus pour le personnel pénitentiaire, qui souffre lui aussi de la surpopulation carcérale.

Depuis quelques années, nous travaillons beaucoup sur cette question. À l'issue de réunions auxquelles mon collègue Jean-Claude Merceron et moi-même avons participé, Michel Mercier, votre prédécesseur, avait pris l'engagement écrit, par courrier en date du 15 décembre dernier, de faire procéder à la modernisation de ces deux petites unités, que nous souhaitons garder, car elles sont à échelle humaine.

Je rappelle que le Contrôleur général des lieux de privation de liberté lutte contre l'industrialisation des conditions de détention des détenus, dont il dit dans chacun de ses rapports qu'elle est déplorable.

Par ailleurs, l'ancien garde des sceaux s'était engagé à créer un centre de détention pour courtes peines à Fontenay-le-Comte. C'était important pour ce bassin qui, vous le savez très bien, est fortement touché par la crise économique. L'annonce du maintien du site de Fontenay-le-Comte et du développement d'un service public important avait constitué une réelle bonne nouvelle.

Or, lors de la présentation de votre budget, au mois de septembre, madame la ministre, vous avez indiqué que votre objectif était de créer 63 000 places de prison supplémentaires, et non plus 80 000, comme cela était prévu dans la loi de programmation votée en mars. Nous craignons donc que le projet dont votre prédécesseur nous avait confirmé la mise en œuvre n'en soit affecté.

Ma question est simple, madame la ministre : maintenez-vous l'engagement pris par votre prédécesseur, c'est-à-dire finalement par l'État ?

Je peux vous assurer que si l'on annonçait demain soit que l'un des deux établissements ferme, soit que le centre de détention pour courtes peines ne se fera pas à Fontenay-le-Comte, ce serait une véritable catastrophe pour la population.

M. le président. La parole est à Mme le garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, j'apprécie le contenu et la qualité de votre question. Je sais que vous vous préoccupez de la situation pénitentiaire en Vendée depuis que vous êtes aux responsabilités, comme je sais que votre intérêt pour la question des prisons va au-delà de votre propre département.

Vous avez rappelé les taux de suroccupation des deux établissements existants, celui de La Roche-sur-Yon et celui de Fontenay-le-Comte, qui sont respectivement - les chiffres sont terribles - de 240 % et 200 %.

Pour ma part, j'ai visité des établissements de plusieurs types, notamment des maisons d'arrêt mais pas uniquement, et je sais ce que signifient les taux d'occupation. J'envoie d'ailleurs mon cabinet et mon administration effectuer de telles visites sur le terrain, afin que chacun prenne bien la mesure du problème et se rende compte que nous traitons non pas simplement des dossiers, mais bien des réalités humaines et professionnelles d'autant plus difficiles qu'elles sont vécues au quotidien.

Je vous rappelle qu'un certain nombre de travaux de rénovation ont déjà été effectués dans ces deux établissements.

Ainsi, à La Roche-sur-Yon, le quartier des arrivants a été aménagé. Des travaux de chaufferie ont été effectués. La TNT a été mise en place et l'unité de consultation et de soins ambulatoires a été restructurée et agrandie. Au total, les crédits consacrés à ces travaux s'élèvent à près de 400 000 euros.

Les prisons dont nous parlons sont, en effet, à taille humaine. Afin que chacun prenne bien la mesure de ce que représente un taux d'occupation de 240 %, je rappelle que, alors que l'établissement de La Roche-sur-Yon dispose de quarante places, réparties en une trentaine de cellules, il accueille quatre-vingt-dix détenus. C'est effectivement très lourd.

La maison d'arrêt de Fontenay-le-Comte a également fait l'objet de travaux. Ont été ainsi financés la mise en place de caillebotis, des travaux de mise en conformité électrique, la mise en place de la TNT, l'installation de la détection incendie - c'est dire l'état de vétusté de ces établissements - et la rénovation de l'atelier de formation. Au total, près de 405 000 euros ont été consacrés à ces travaux.

Cet établissement, qui compte trente-neuf places, réparties en vingt-huit cellules, accueille quatre-vingt quatre détenus.

J'en viens maintenant aux engagements de mon prédécesseur. Vous évoquez une lettre du mois de décembre, monsieur le sénateur. Celle dont je dispose date du 16 janvier, mais le contenu est probablement le même. C'est peut-être juste une question de tampon dateur !

Dans cette lettre, Michel Mercier vous confirmait que des travaux de modernisation seraient entrepris dans les établissements de La-Roche-sur-Yon et de Fontenay-le-Comte. En revanche, il n'y mentionne pas du tout l'implantation d'un établissement pénitentiaire de 300 places en Vendée.

Certes, mon prédécesseur évoque la construction d'un établissement pour courtes peines dans la ville de Fontenay-le-Comte, mais, et j'en suis désolée, monsieur le sénateur, aucune budgétisation n'a été prévue, aucune étude n'a été effectuée le concernant. J'ai d'ailleurs demandé à l'administration pénitentiaire de s'en charger.

Au-delà, vous savez bien que pas un euro n'a été budgétisé pour les 23 000 places de prison qui devaient être construites pour atteindre l'objectif de 80 000 places fixé dans la loi pénitentiaire d'avril 2012.

En revanche, j'ai obtenu une augmentation du budget prévu pour les travaux de réhabilitation et de rénovation des établissements. Ce budget passe ainsi de 55 millions d'euros à 66 millions d'euros. Nous aurons donc les moyens de procéder à la rénovation des établissements vétustes afin que détenus et personnels pénitentiaires puissent, dans la dignité, les uns y être pris en charge, les autres y travailler avec efficacité.

Ces établissements feront l'objet des travaux de rénovation complémentaires nécessaires. Pour le reste, on ne peut pas considérer que prévoir la construction de 23 000 places supplémentaires sans mettre un euro en face constitue un engagement de l'État. Pour ma part, j'ai une conception plus noble de la parole de l'État !

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre.

Le courrier dont je dispose date bien du 15 décembre, mais peu importe. C'est sûrement une affaire de tampon dateur, comme vous l'indiquez. (Sourires.) Nous pourrons échanger nos courriers si vous le souhaitez.

De votre réponse, je tire deux conclusions.

J'en déduis d'abord que des travaux de modernisation seront bien effectués à La Roche-sur-Yon et à Fontenay-le-Comte. C'est une bonne chose.

J'en déduis ensuite, et cela ne me convient pas, que l'unité pour courtes peines - il ne s'agissait pas d'un établissement de 300 places - ne verra pas le jour.

Madame la ministre, vous ne pouvez pas dire qu'une loi de programmation doit budgétiser, vous connaissez trop bien le principe de l'annualité budgétaire. Une loi de programmation sur cinq ans doit prévoir des crédits, mais les crédits sont inscrits dans le projet de loi de finances année après année.

Le directeur de l'administration pénitentiaire m'avait envoyé un courrier, le 22 mars dernier, dans lequel il m'indiquait étudier l'implantation d'un établissement pour courtes peines. Je sais que vous vous intéressez à l'insertion et à la réinsertion des détenus, madame la ministre ; vous savez donc que ces établissements sont des vecteurs extraordinaires de réinsertion.

Fontenay-le-Comte est l'un des bassins les plus concernés par la crise dans notre région, où plusieurs usines ont fermé.

La création d'un centre pour courtes peines était une bonne nouvelle. Certes, elle nous avait été annoncée par le précédent gouvernement, mais peu importe. Vous représentez l'État, madame la garde des sceaux. L'intérêt général n'est ni de droite ni de gauche. La création d'un tel centre dans un secteur frappé par le chômage est une mesure d'intérêt général ; ce n'est pas une affaire politique. Le député-maire socialiste de Fontenay-le-Comte est totalement d'accord avec nous, vous pouvez l'interroger, tout simplement parce que c'est une affaire de bon sens.

Je vous en supplie, ne décevez pas la population !

Je vous demande donc, madame la garde des sceaux, de bien vouloir remettre l'ouvrage sur le métier et d'accepter d'étudier l'implantation d'un centre de détention pour courtes peines de 150 places. Cela serait bon pour l'insertion des détenus comme pour l'emploi local.

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