Question de M. BOYER Jean (Haute-Loire - UCR) publiée le 02/08/2012

M. Jean Boyer attire l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur la délicate question de la répartition de la taxe intérieure sur les produits pétroliers et les différences constatées entre les zones rurales et les zones urbaines notamment.

Bien qu'il soit encore en usage, le sigle de la taxe intérieure sur les produits pétroliers a été officiellement remplacé par celui de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques. Les taxes constituent l'un des éléments les plus importants du prix du litre : 61 % pour l'essence et 53 % pour le gazole. La fiscalité pétrolière est la quatrième ressource budgétaire de l'État, la taxe intérieure sur les produits pétroliers a rapporté 24,7 milliards d'€uros à l'État en 2009 avec une répartition entre l'État, les régions et les départements. Depuis la loi de finances 2006, les régions ont la possibilité d'en moduler le taux dans une faible mesure, représentant environ 1 % du prix du carburant à la pompe. C'est le fioul lourd qui bénéficie de la fiscalité la plus avantageuse, mais jusqu'à quand et pour qui ? La situation du monde rural appelle une véritable prise en compte en donnant les moyens aux territoires de pouvoir maintenir une forme d'équité entre les citoyens vis-à-vis de l'énergie, quant à son prix de revient, mais aussi à sa consommation plus importante que dans les secteurs plus accessibles et moins enclavés. La définition d'un cadre réglementaire autour d'une vraie compensation doit permettre d'apprécier pleinement les conditions de travail liées à l'altitude, à l'espace, aux moyens de déplacements, à l'organisation de la vie sociale et humaine d'un territoire, aux conditions climatiques mais aussi à la topographie… Cette taxe représente certes une recette appréciée en faveur de l'État et de nos collectivités.

Parallèlement, il souhaite connaître la règle de répartition entre tous les bénéficiaires, mais aussi comprendre les raisons des différences entre régions qui peuvent apparaître comme importantes. De la même manière, il semble que les conditions aient été modifiées en ce qui concerne l'accès aux carburants pour les agriculteurs, les entrepreneurs de travaux forestiers, mais aussi les collectivités territoriales. Il est important de savoir comment le nouveau Gouvernement entend répondre à cette situation de plus en plus préoccupante, de nature à accroître encore plus la fracture territoriale.

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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 17/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 16/10/2012

M. Jean Boyer. Madame la ministre déléguée, nous autres, habitants des territoires ruraux, nous nous interrogeons sur la répartition de la TIPP, devenue TICPE, et notamment sur les différences constatées entre les zones rurales et les zones urbaines.

Je n'ignore pas que la taxe intérieure sur les produits pétroliers a été officiellement remplacée par la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, mais le sigle TIPP reste encore celui qui est le plus usité.

La définition d'un cadre réglementaire prévoyant une vraie compensation doit permettre de tenir pleinement compte des conditions de travail liées à l'altitude, à l'espace, aux moyens de déplacement, à l'organisation de la vie sociale et humaine, aux conditions climatiques et à la topographie d'un territoire. Nous savons que cette taxe constitue une ressource appréciable tant pour l'État que pour les collectivités locales.

Madame la ministre, pourriez-vous m'indiquer la règle de répartition entre les bénéficiaires du produit de cette taxe ? Quelles sont les raisons des différences - certaines peuvent paraître importantes - qui sont constatées entre les régions ?

Par ailleurs, il semblerait que les conditions d'accès au carburant aient été modifiées pour les agriculteurs, les entrepreneurs de travaux forestiers et les collectivités territoriales. J'avais déjà interrogé le précédent ministre de l'économie et des finances à ce sujet.

Les taxes constituent l'un des éléments les plus importants du prix du litre : 61 % pour l'essence et 53 % pour le gazole. La fiscalité pétrolière est la quatrième ressource budgétaire de l'État : la TIPP a rapporté 24,7 milliards d'euros à l'État en 2009. Depuis la loi de finances pour 2006, les régions ont la possibilité de moduler dans une faible mesure - environ 1 % du prix du carburant à la pompe - le taux de la TIPP. C'est le fioul lourd qui bénéficie de la fiscalité la plus avantageuse, mais jusqu'à quand et pour qui ?

Je tiens à le rappeler dans cet hémicycle, et en particulier devant vous, madame la ministre déléguée, qui connaissez bien le Massif central - je vous l'ai dit publiquement hier soir -, la situation du monde rural doit être mieux prise en compte. Il faut donner aux territoires les moyens de maintenir une forme d'équité entre les citoyens en matière d'énergie, en fonction de son prix de revient mais aussi de l'écart de consommation entre les zones rurales et les secteurs plus accessibles et moins enclavés.

Il est important de savoir comment le nouveau gouvernement entend répondre à cette situation de plus en plus préoccupante, qui est de nature à accroître encore davantage ce que l'on peut appeler la fracture territoriale.

Madame la ministre déléguée, le monde rural est une chaîne et, comme pour toute chaîne, ses maillons sont complémentaires. Le désenclavement et l'égalité de traitement entre les différents territoires, entre les différents maillons, sont des enjeux incontournables pour l'avenir des zones rurales.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, votre question concerne un territoire auquel, vous le savez, je suis très attachée. Ce n'est cependant pas ma réponse, mais celle du ministre de l'économie et des finances, retenu par une réunion interministérielle, que je vais maintenant porter à votre connaissance.

La taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, la TICPE, s'inscrit dans le cadre général fixé par la directive communautaire n° 2003-96. Conformément à cette directive, la taxe liée à la consommation est un montant assis sur un volume. Le montant de la TICPE est fixé par type de carburant, dans le code des douanes.

Divers prélèvements sont opérés sur la recette totale - 24,8 milliards d'euros en 2011 - au profit des collectivités territoriales. Pour les départements, le versement, qui représentait près de 6,3 milliards d'euros en 2011, est effectué au titre du financement des dépenses sociales. Pour les régions, le versement comporte deux parts : la première, qui s'élevait à 3,79 milliards d'euros en 2011, est destinée à compléter leur dotation de fonctionnement, avec une possibilité de modulation laissée à l'initiative des conseils régionaux ; la seconde part, dite « Grenelle de l'environnement », qui atteignait 380 millions d'euros en 2011, contribue au financement d'infrastructures de transport. Son montant dépend de la modulation de la TICPE par les conseils régionaux, dans les limites fixées par la loi.

Ces chiffres répondent, me semble-t-il, à votre question sur la répartition du produit de la TICPE entre les différents échelons territoriaux.

Le ministre de l'économie et des finances tient à rappeler que, depuis 1er janvier 2012, toutes les régions sauf la région Poitou-Charentes et la Corse utilisent au maximum leur pouvoir de modulation de la TICPE. Par conséquent, le montant total de cette taxe est le même dans toutes les régions, à l'exception des deux que je viens de citer. Le mécanisme de régionalisation de la TICPE n'est donc pas la première cause des différences de prix à la pompe constatées entre les régions. Les prix étant fixés librement par les distributeurs, ces disparités de prix dépendent davantage de la logistique d'approvisionnement de chaque distributeur et des prix auxquels chacun acquiert sa marchandise, et ces prix sont très volatils sur le marché mondial.

En ce qui concerne les carburants à fiscalité réduite dont bénéficient les agriculteurs et les entrepreneurs de travaux forestiers, mais également les entreprises de travaux publics, le taux de la taxe a effectivement été relevé par la loi de finances pour 2012. Cependant, la fiscalité applicable aux carburants destinés à ces secteurs d'activité demeure très avantageuse, avec un taux inférieur de plus de 80 % au taux normal. Ainsi, le gazole non routier est taxé à 7,20 euros l'hectolitre, contre 42,84 euros l'hectolitre pour le gazole routier...

Vous avez enfin évoqué le cas du fioul lourd, en vous inquiétant de la pérennité de son régime fiscal préférentiel. Ce produit est aujourd'hui utilisé de façon assez marginale, presque uniquement par les navires et les centrales thermiques, et, dans ces cas, les textes communautaires imposent de l'exonérer de taxe intérieure.

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Il est important que les Français connaissent les retombées positives de la TICPE. Aujourd'hui comme hier - et il en sera peut-être de même demain -, nos concitoyens se plaignent que l'État taxe beaucoup les carburants. Cependant, lorsque l'on fait preuve de transparence, comme vous à l'instant, madame la ministre déléguée, la quasi-totalité d'entre eux comprennent que cet argent est employé utilement. Je le savais déjà, mais votre réponse me permettra de l'expliquer encore mieux.

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