Question de M. MAUREY Hervé (Eure - UCR) publiée le 02/08/2012

M. Hervé Maurey attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les modifications de la jurisprudence du Conseil d'Etat concernant les modalités de publication des tribunes libres par l'opposition dans les journaux municipaux.
Par son arrêt n° 353536 du 7 mai 2012, le Conseil d'État a en effet considéré, à propos des articles publiés par l'opposition municipale dans le bulletin d'information municipale en application de l‘article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales, que « la commune ne saurait contrôler le contenu des articles publiés dans ce cadre, qui n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs ».
Il en résulte que le maire, en qualité de directeur de la publication, ne pourrait plus s'opposer à la publication d'un article diffamant, injurieux ou portant des propos condamnables.
En toute hypothèse, un maire ne pourrait donc s'opposer par exemple à la parution de propos racistes visés par la loi du 29 juillet 1881.
Aussi, il lui demande de quels moyens dispose désormais un maire pour prévenir la parution de propos légalement répréhensibles dans les bulletins municipaux et l'interroge sur l'opportunité de modifier la législation en vigueur.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 25/04/2013

L'article L. 2121-27-1 du code général des collectivités territoriales impose de réserver, dans les bulletins d'information générale diffusés par les communes, un espace d'expression aux conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale. Ce droit d'expression sur les affaires communales doit être exercé par leurs titulaires dans le respect des règles fixées par le code électoral et par la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse. L'article 42 de la loi précitée définit le directeur de publication comme auteur principal des crimes et délits commis par voie de presse. La responsabilité du maire, en tant que directeur de la publication, doit être appréciée à l'aune de la jurisprudence administrative, mais également de la jurisprudence judiciaire. Le juge judiciaire attribue au directeur de publication, dans le cadre de ses fonctions, un devoir de vérification et de surveillance des propos insérés ou diffusés dans un média (Cass. Crim. , 22 octobre 2002, n° 01-86908 ; Cass. Crim. , 27 novembre 2001, n° 01-81390 ; Cass. Crim. , 8 juillet 1986, n° 85-94458). Du point de vue judiciaire, tout en restant soumise au contrôle du juge, une action préventive du maire, directeur de la publication, par une demande de modification des propos litigieux ou un refus de les publier, peut toujours être envisagée s'il estime que ces propos sont de nature à constituer, notamment, une provocation aux crimes et délits, un délit contre la chose publique ou des personnes tels que punis par les dispositions du chapitre IV de la loi du 29 juillet 1881. Sa responsabilité de directeur de publication, en tant qu'auteur principal de crimes et délits commis par voie de presse (article 42 de la loi du 29 juillet 1881), peut être dégagée si la publication de l'article en cause est liée au respect d'une obligation légale (Cass. Crim. , 17 octobre 1995, n° 93-85440) ; en l'espèce, il s'agissait d'une annonce légale et non du droit d'expression de l'opposition. Le juge administratif rappelle ainsi dans une décision récente (CAA Nancy, 15 mars 2012, n° 11NC01004) que : « le maire d'une commune, dès lors qu'il assure les fonctions de directeur de la publication du bulletin d'information municipal, est susceptible de voir sa responsabilité pénale engagée à raison des textes publiés par les conseillers n'appartenant pas à la majorité municipale ; qu'à ce titre il doit être en mesure, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de s'opposer à la publication d'un texte qui serait de nature à engager sa responsabilité ; que le maire d'une commune diffusant un bulletin municipal est ainsi en droit de refuser de publier un écrit qu'il estime, sous le contrôle du juge, diffamatoire, injurieux ou discriminatoire ou portant atteinte à l'ordre public et aux bonnes mœurs ». Dans la décision du 7 mai 2012, n° 353536, le Conseil d'État juge qu'une tribune publiée par une élue d'opposition, si elle peut constituer un élément de propagande électorale, ne saurait être considérée comme un don de la commune au sens de l'article L. 52-8 du code électoral. Il estime en effet que : « la commune ne saurait contrôler le contenu des articles publiés dans ce cadre [le bulletin d'information municipale], qui n'engagent que la responsabilité de leurs auteurs. » La commune ne peut donc avoir effectué un don au profit de la campagne électorale d'un élu d'opposition. Cette décision de la haute juridiction administrative, dans un contentieux électoral, ne peut être interprétée comme remettant en cause la possibilité pour le maire, en sa qualité de directeur de publication au sens de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, de s'opposer à la parution de propos susceptibles d'engager sa responsabilité pénale.

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