Question de M. PLACÉ Jean-Vincent (Essonne - ECOLO) publiée le 02/08/2012

M. Jean-Vincent Placé attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'investissement dans la vidéosurveillance et son efficacité.

Les dispositifs de vidéosurveillance sur l'ensemble du territoire national prennent une place croissante. L'année 2010 et le début de l'année 2011 ont vu l'accélération des mesures de déploiement de la vidéosurveillance. Ainsi, à la fin du premier semestre 2011, en zone police, le nombre de caméras dédiées à la surveillance de la voie publique a augmenté de 7,55 % au cours des six premiers mois de l'année. Tandis qu'en zone gendarmerie, 8 100 nouvelles caméras ont été installées.

Depuis 2007, l'État prend en charge, via le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), les raccordements des systèmes vidéo vers les unités de gendarmerie et les services de police ainsi qu'une partie des matériels. Depuis 2011, il a consacré 30 millions d'euros sur les 50 millions de son budget total à la vidéosurveillance, soit plus de 60 %. Le plan de déploiement le plus massif de caméras se trouve à Paris, avec 1 106 caméras de voie publique pour un coût total, sur quinze ans, de 251,9 millions d'euros, sous la forme du versement d'un loyer annuel.

Face à ces investissements très coûteux, en pleine période de difficulté budgétaire, nous ne bénéficions que de très peu de détails sur l'atteinte des objectifs et l'impact de ces dispositifs attentatoires aux libertés publiques.
La CNIL (Commission nationale de l'informatique et des libertés) qui a procédé à 150 contrôles de dispositifs de vidéosurveillance en 2011 a révélé des lacunes et des manquements, notamment concernant la clarification du régime juridique et l'information des personnes.
Leur efficacité est loin d'être reconnue. Par exemple, dans le cas de la RATP, le comité interministériel de prévention de la délinquance (CIPD) explique que la régie possède un réseau de 27 135 caméras (métro, RER, bus et tramway), utilisées 6 000 fois par an par les forces de police, dans le cadre de réquisition. Soit le chiffre mirobolant de 0,22 réquisition par caméra par an. Au vu de ces résultats, nous pouvons nous interroger sur la pertinence de l'investissement dans la vidéosurveillance, plutôt que dans des dispositifs de prévention et de présence humaine.
Dans son rapport sur « L'organisation et la gestion des forces de sécurité publique », la Cour des comptes regrette également qu'« aucune étude d'impact, réalisée selon une méthode scientifiquement reconnue, [n'ait] encore été publiée. Contrairement au Royaume-Uni, la France n'a pas encore engagé un programme de recherche destiné à mesurer l'apport de la vidéosurveillance dans les politiques de sécurité publique ».

Il lui demande quelle est sa doctrine en matière de vidéosurveillance. Il lui demande également s'il envisage d'intégrer des indicateurs de performance dans les prochains projets annuels de performance (PAP) et s'il compte engager une étude scientifique indépendante sur les apports véritables de la vidéosurveillance en termes de sécurité.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 22/11/2012

Le développement de la vidéoprotection s'inscrit dans le cadre de la modernisation des outils au service de la sécurité. Ce développement répond d'une part, aux besoins exprimés par les services opérationnels et d'autre part, à l'intérêt de la population très majoritairement favorable à l'installation de ces dispositifs. C'est dans ce contexte et bien évidemment en raison d'une exploitation ayant démontré l'utilité de cet outil tant en matière de prévention-dissuasion que d'élucidation de faits de délinquance que le développement de cet outil a été encouragé notamment sur un plan financier afin d'aider les collectivités locales ou d'autres partenaires à s'équiper. En effet, les forces de sécurité intérieure et les polices municipales utilisent cet outil dès lors qu'ils en disposent, soit de façon pro-active en temps réel, comme aide à la gestion d'un événement ou en appui à des patrouilles sur le terrain, soit à posteriori par le biais de réquisitions pour nourrir les éléments d'enquête. Par ailleurs, les magistrats sont aujourd'hui quasi systématiquement demandeurs des éventuelles images extraites des dispositifs de vidéoprotection dès lors qu'une affaire leur est confiée. Les dispositifs mis en place font l'objet d'un examen a priori par les commissions départementales avant d'être autorisés par les préfets, et sont, par ailleurs, régulièrement contrôlés. La CNIL a effectivement effectué 150 contrôles en 2011 ce qui ne peut que renforcer l'exercice des contrôles réalisés par les préfectures et les commissions départementales de vidéoprotection (584 en 2011) et conduire à la mise en demeure des propriétaires afin qu'ils régularisent la situation quand une anomalie est révélée. Par ailleurs, une vigilance particulière a été mise en place pour s'assurer du meilleur emploi des deniers publics : les projets présentés au financement du FIPD doivent avoir fait l'objet d'un avis favorable des référents sûreté (police et gendarmerie) et du préfet concerné, tous les porteurs de projets qui sollicitent une subvention sont tenus de s'engager à évaluer régulièrement leurs dispositifs afin d'apporter les corrections nécessaires si besoin, enfin, les bases de calcul des subventions ont été plafonnées afin d'éviter la mise en place de projets trop dispendieux. Si dans les prochaines années, l'État souhaite continuer à accompagner le développement de projets de vidéoprotection, un effort de rigueur devra cependant être réalisé. Il sera procédé à un ciblage des aides sur les dossiers les plus aboutis, qui loin de reposer sur la seule technique, intègrent véritablement la vidéoprotection parmi un ensemble organisationnel cohérent et associant la présence humaine, au service de la sécurisation des espaces publics. Par ailleurs, une réflexion est en cours sur la réalisation d'une étude scientifique sur les apports de la vidéoprotection, après définition des impératifs méthodologiques d'une telle démarche.

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