Question de M. ANTOINETTE Jean-Étienne (Guyane - SOC-A) publiée le 20/09/2012

M. Jean-Étienne Antoinette attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur la garantie de l'autonomie financière de la cour d'appel de Guyane et, plus généralement, des cours d'appel dans les départements d'outre-mer.

Le 1er janvier 2012, la cour d'appel de Cayenne a été créée et installée. Cependant, force est de constater que cet événement n'a pas assuré l'indépendance financière des juridictions de Guyane, pourtant garantie et affirmée, laquelle dépend toujours d'un centre de décision situé à plus de 1 500 kilomètres. En effet, la nouvelle cartographie des budgets opérationnels de programmes (BOP), mise en œuvre au 1er janvier 2012, fait du service administratif régional (SAR) de Fort-de-France (Martinique) un arbitre des moyens budgétaires pour les cours d'appel de Guyane et de Guadeloupe, dont les SAR locaux sont des unités opérationnelles (UO).
Fort-de-France dicte donc la politique budgétaire et ses effets induits sur sa politique judiciaire à la Guyane et à la Guadeloupe alors que la création de la cour d'appel de Cayenne était pourtant censée assurer une indépendance réelle sur le plan judiciaire de la Guyane afin de lui permettre d'avoir une perception directe des besoins en matière de justice de ce territoire, sans le filtre de Fort-de-France qui existait antérieurement, et de disposer ainsi de moyens budgétaires et financiers adaptés pour relever les défis constatés. Si cette tutelle pouvait se comprendre lorsque les juridictions de première instance de Guyane étaient comprises dans le ressort de la cour d'appel de Martinique, elle n'est plus acceptable avec l'autonomie judiciaire de la région Guyane à l'égard de la juridiction d'appel de Martinique.
La Guyane continue ainsi à être privée de la possibilité d'exprimer ses besoins réels et la voix de la cour d'appel de Cayenne ne peut être entendue dans le schéma organisationnel actuel. Alors même que les cours d'appel situées dans les régions métropolitaines sont chacune responsable d'un BOP et que le législateur a préféré, au regroupement des départements d'outre-mer (DOM) dans une entité régionale, instaurer une collectivité régionale pour chaque DOM en considérant tant leur éloignement que leurs caractères propres, il est impensable que la cour d'appel de Guyane ou même celle de Guadeloupe ne disposent pas de leur propre BOP et soient dans l'incapacité de gérer, avec leur SAR, l'ensemble des ressources dont elles doivent disposer.

Il lui demande donc de bien vouloir indiquer les moyens financiers qui seront mis spécifiquement à la disposition de la Cour d'appel de Cayenne pour assurer le fonctionnement optimal des juridictions de son ressort et quelles dispositions elle envisage de prendre pour assurer l'autonomie financière de ladite Cour par rapport à Fort-de-France.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 07/03/2013

La garde des sceaux, ministre de la justice, est particulièrement sensible au fonctionnement de la justice dans les collectivités d'Outre-mer. La création de la cour d'appel de Cayenne, le 1er janvier 2012, a donné une plus grande autonomie budgétaire à la Guyane. En effet, les chefs de la cour d'appel de Cayenne sont devenus ordonnateurs de leurs dépenses et ont obtenu la qualité de pouvoir adjudicateur conformément aux dispositions du code de l'organisation judiciaire en la matière (articles R. 312-65 et R. 312-66). Par ailleurs, un service administratif régional (SAR) localisé à Cayenne a été créé pour assister les chefs de cour dans l'exercice de leurs prérogatives budgétaires. Toutes les cours d'appel, en Outre-mer comme dans l'hexagone, ne sont pas constituées en budgets opérationnels de programme (BOP) mais parfois en unités opérationnelles de programme (UO) afin d'optimiser les circuits de gestion des programmes considérés, tout en préservant l'autonomie budgétaire des chefs de cour, au sein de leur ressort. Il existe ainsi 36 cours d'appel et seulement 14 BOP (dont 4 pour les 6 cours d'appel d'Outre-mer). Les collectivités territoriales d'Outre-Mer réunies au sein du BOP « Atlantique » sont aussi constituées en unités opérationnelles (UO) de BOP au périmètre élargi à la même date. Dans ce nouveau dispositif, la cour d'appel de Cayenne est dotée d'un budget propre, appelé « unité opérationnelle » (UO), lequel est rattaché au BOP « Atlantique » dont le siège se trouve être à la cour d'appel de Fort-de-France. Consciente du risque qui pouvait exister que le responsable d'UO voit son action juridictionnelle dépendre du responsable de BOP, dès juin 2012 la garde des sceaux a décidé d'ajuster les modalités d'organisation du dialogue budgétaire entre les différents responsables du programme 166 « justice judiciaire » que sont le responsable de programme, les responsables de BOP et les responsables d'UO. Ainsi, si l'arbitrage des demandes au titre de la préparation budgétaire continue d'être piloté par les responsables de BOP dans le cadre des comités de pilotage stratégique, certaines natures de dépenses qui sont directement transmises par les responsables d'UO pour arbitrage au responsable de programme, puis notifiées par ce dernier aux UO. Ces dépenses concernent les emplois (ETPT) des agents non-titulaires, avec mention indicative de la masse salariale correspondante, les dépenses inéluctables et non obligatoires d'entretien immobilier, les éventuels achats de véhicule, ainsi que certaines dépenses « autres titres » présentant des enjeux spécifiques et pouvant également être fléchées par le responsable de programme aux UO (procès sensibles, indemnités de changement de résidence, etc). Au cours de l'exécution budgétaire, les demandes d'ETPT d'agents non titulaires et de crédits complémentaires afférents à des dépenses « graves et urgentes » sont par ailleurs directement soumises au responsable de programme. Enfin, on relèvera que si le comité de pilotage joue un rôle prépondérant dans la préparation du dialogue de gestion entre les responsables de BOP et le responsable de programme, les chefs de cour, responsables d'UO, participent également aux dialogues de gestion préparatoires à l'exercice 2013. S'agissant des moyens financiers mis spécifiquement à la disposition de la cour d'appel de Cayenne pour assurer le fonctionnement optimal des juridictions de son ressort, la garde des sceaux a été attentive à doter cette nouvelle juridiction de moyens humains et matériels à la hauteur des enjeux. Aussi, la cour d'appel de Cayenne fonctionne dans des conditions propres à satisfaire le justiciable ressortissant de la compétence de cette nouvelle cour.

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