Question de Mme LABORDE Françoise (Haute-Garonne - RDSE) publiée le 19/10/2012

Question posée en séance publique le 18/10/2012

Concerne le thème : L'égalité professionnelle entre les hommes et les femmes

Mme Françoise Laborde. Madame la ministre, c'est notamment grâce à Yvette Roudy, en 1983, que la bataille législative contre les inégalités professionnelles a été engagée dans notre pays. Vingt-six ans après, nous sommes ravis d'avoir avec vous un ministère de plein exercice.

Toutefois, à ce stade, multiplier les dispositifs législatifs contraignants ou incitatifs n'est sans doute pas le plus urgent. Il faudrait déjà appliquer l'existant !

Les efforts déployés n'ont pas suffi à briser le fameux « plafond de verre », cet ensemble d'obstacles qui empêchent les femmes d'accéder aux plus hautes responsabilités professionnelles.

Comment lever les freins qui maintiennent une représentation sociale inégalitaire du rôle des femmes dans notre pays ? Selon Louis Maurin, directeur de l'Observatoire des inégalités, « au moment de l'arrivée dans le monde du travail, il est déjà trop tard ». Je partage son diagnostic.

Le concours d'entrée à l'ENA illustre cette discrimination positive en faveur des hommes. Entre 2006 et 2010, 45,5 % des candidats au concours externe étaient des femmes, alors que, après le grand oral, elles ne formaient plus que 34,5 % des admis. Une ancienne présidente du jury tente une explication : les garçons sont, dès l'école primaire, plus couramment interrogés et mis en confiance à l'oral que les petites filles, invitées à se tenir discrètement sur la réserve.

Madame la ministre, ce sont bien les stéréotypes qui déterminent la représentation sociale du rôle des femmes. Pour les faire tomber, nous devons les combattre à la source et inculquer à tous les enfants le principe d'égalité entre les filles et les garçons. Le chantier de la refondation de l'école lancé par le ministre de l'éducation nationale est à cet égard une formidable occasion.

Dans cette perspective, deux grands axes doivent être privilégiés : la refonte complète du parcours d'orientation des élèves tout au long de la scolarité et l'introduction d'un module pédagogique spécifique dans le cursus de formation des enseignants.

Aussi, madame la ministre, je vous demande, avec les membres du groupe RDSE, quelles sont les propositions concrètes que vous comptez faire au ministre de l'éducation nationale pour aller dans ce sens.

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Réponse du Ministère des droits des femmes publiée le 19/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 18/10/2012

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre. Madame Laborde, je vous remercie de cette question qui me permet de revenir sur le travail que nous avons d'ores et déjà entrepris avec Vincent Peillon et le ministère de l'éducation nationale.

Bien entendu, je vous rejoins dans votre diagnostic : les choses se mettent en place dès le plus jeune âge. C'est donc bien dès le plus jeune âge qu'il faut agir à la fois sur les mentalités, les stéréotypes, les représentations qui cantonnent les femmes et les hommes, les filles et les garçons, dans des rôles bien spécifiques et souvent inégalitaires.

Il ne s'agit pas de remettre en cause le fait qu'une fille est une fille et qu'un garçon est un garçon, car il existe évidemment une différence entre les sexes. Mais cette différence d'ordre physiologique ne justifie en rien les inégalités qu'elle engendre encore trop souvent aujourd'hui.

Il n'y a pas de raison, en particulier, d'apprendre dès le plus jeune âge aux petites filles à ne développer que certaines qualités ou à ne rêver que de certaines professions, restreignant ainsi leur panel de perspectives, qui est, de fait, bien plus contraint que celui des hommes. On le constate notamment au moment de l'orientation, lorsque se dessinent les destins professionnels, puis plus tard, puisque la moitié des femmes actives sont finalement concentrées sur seulement douze des quatre-vingt-sept familles professionnelles.

Il est une difficulté que nous devons prendre à bras-le-corps : apprendre l'égalité, cela passe aussi par les enseignants. Mais il n'est pas simple de déconstruire les stéréotypes avec lesquels on vit toute la journée ! Aussi, dans la future loi sur la rénovation de l'école, la formation des enseignants comprendra-t-elle un module de déconstruction des stéréotypes non seulement pour les enseignants, mais aussi pour tous les personnels d'orientation et de direction des établissements scolaires.

Il faut également apprendre l'égalité aux élèves, et cela dès le plus jeune âge. C'est pourquoi j'aime beaucoup l'expérimentation qui a lieu à la crèche Bourdarias de Saint-Ouen, où l'on traite les petits garçons et les petites filles de la même manière, et où on leur apprend à jouer avec les mêmes jeux.

Un peu plus tard, au collège, au lycée, il convient de parler d'éducation à la sexualité, afin de traduire l'égalité dans les faits et pas simplement dans la loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour la réplique.

Mme Françoise Laborde. Je vous remercie, madame la ministre. Compte tenu du temps qui m'était imparti, je n'avais pas abordé le problème de la petite enfance. Mais nous sommes d'accord pour dire que le changement des mentalités ne sera possible que si la « bonne éducation » - j'entends par là celle qui permet de lutter contre les stéréotypes de genre - est entreprise dès le départ dans la famille, à la crèche, chez la nourrice et, bien sûr, à l'école maternelle si elle prend ensuite le relais.

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