Question de M. CAPO-CANELLAS Vincent (Seine-Saint-Denis - UCR) publiée le 04/10/2012

M. Vincent Capo-Canellas attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'inquiétante recrudescence des vols à l'arraché de colliers en or, constatée depuis le début de l'été dans de nombreuses villes de la Seine-Saint-Denis comme dans d'autres grandes villes du territoire national.

Les raisons de ce phénomène en forte croissance sont connues : flambée du cours de l'or, explosion des officines de rachat de métal précieux dont certaines, peu scrupuleuses, reprennent des colliers cassés en échange d'argent, publicités et réclames des sociétés spécialisées dans le commerce et le rachat d'or qui démontrent la facilité avec laquelle ces matières peuvent être écoulées.

Les victimes de cette nouvelle forme de délinquance lucrative sont exclusivement des femmes, parfois âgées. Certaines d'entre elles ont été violemment agressées, en plein jour, sur la voie publique, par de jeunes individus, souvent mineurs.

Il lui demande d'indiquer les mesures que le Gouvernement entend mettre en œuvre pour lutter contre les filières d'écoulement des bijoux volés, encadrer ces transactions et assurer la sécurité, première des libertés, de nos concitoyens face à un tel fléau.

- page 2111


Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 19/10/2012

Réponse apportée en séance publique le 18/10/2012

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la ministre de la culture et de la communication, je sais que M. le ministre de l'intérieur, à qui ma question s'adresse, est actuellement retenu par des obligations en province. Je vous remercie donc par avance de bien vouloir me répondre en son nom.

Depuis le début de l'été, au moins, de nombreuses villes de Seine-Saint-Denis, comme d'autres sur l'ensemble du territoire, sont confrontées à une inquiétante recrudescence des vols à l'arraché de bijoux et autres colliers en or.

Ce phénomène a un précédent, les attaques de bijouteries. Ainsi, le président de la Fédération nationale des horlogers, bijoutiers, joailliers, orfèvres, Guy Subra, déclarait, le 6 juillet dernier, dans la presse quotidienne régionale : « En 2011, les braquages de bijouterie ont explosé de plus de 50 %. On attend les chiffres du premier semestre, mais, a priori, on enregistre encore une hausse. Désormais, des bandes sévissent aussi dans la rue. »

Cette réalité ne peut que nous interpeller, d'autant qu'elle est vécue douloureusement et qu'elle frappe toutes les catégories sociales, les bijoux arrachés dans la rue pouvant être non seulement des objets de valeur, mais aussi de simples souvenirs. Dans tous les cas, l'agression est un choc et entraîne des suites souvent graves.

Si le phénomène n'est pas nouveau, les raisons de sa forte croissance sont connues : la flambée du cours de l'or, le développement des officines de rachat de métal précieux, dont certaines, peu scrupuleuses, reprennent des colliers cassés en échange d'argent ; les publicités et réclames des sociétés spécialisées dans le commerce et le rachat d'or, qui démontrent à une petite délinquance avec quelle facilité de tels objets peuvent malheureusement être écoulées.

Les auteurs de cette nouvelle forme de délinquance lucrative ont des profils très différents. Leur but est, en toute hypothèse, la recherche d'un gain immédiat, obéissant à des modes opératoires occasionnels. Il s'agit souvent de jeunes individus, encore mineurs, commettant leurs actes soit seuls, soit en bande organisée. Certains revendeurs n'hésitent pas à partir en Belgique ou aux Pays-Bas pour échanger les bijoux et éviter ainsi d'être repérés sur le territoire national.

Les victimes sont quasi exclusivement des femmes, souvent âgées, parfois seules, toujours sans défense. Certaines d'entre elles ont été violemment agressées, en plein jour, sur la voie publique. Au-delà même du préjudice matériel subi, elles sont traumatisées durablement par des agressions violentes et lâches.

Madame la ministre, la recrudescence des vols à l'arraché de bijoux suscite un vif émoi et une réelle inquiétude auprès des populations des villes concernées. Le phénomène a d'ailleurs tendance à s'étendre.

Je veux, bien sûr, saluer le travail des forces de l'ordre, en particulier de la police nationale et de la gendarmerie, qui s'efforcent d'interpeller les auteurs. Je tiens cependant à souligner la forte incompréhension qui peut parfois exister face à certaines décisions de justice, interprétées comme trop clémentes. À cet égard, il y aurait sans doute lieu d'ouvrir une réflexion sur la qualification pénale de tels actes.

Madame la ministre, la sécurité de nos concitoyens est l'une des libertés premières, à laquelle nous sommes tous, ici, attachés, quelles que soient les travées sur lesquelles nous siégeons.

Quelles mesures le Gouvernement entend-il mettre en œuvre pour lutter contre les filières d'écoulement de bijoux volés, encadrer ces transactions et faire preuve de la plus grande fermeté face à des actes intolérables, qui inquiètent légitimement nos concitoyens ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je vous prie, tout d'abord, de bien vouloir excuser l'absence du ministre de l'intérieur, qui m'a demandé de répondre à sa place.

Manuel Valls a enjoint aux préfets et aux forces de l'ordre de faire de la lutte contre les vols avec violences, particulièrement les vols à l'arraché de bijoux, un axe majeur de leur action.

La première réponse face à la recrudescence de cette délinquance est d'assurer une présence accrue des policiers sur le terrain, notamment aux heures et dans les lieux les plus sensibles. Tel est l'un des objectifs de la mise en place des zones de sécurité prioritaires. Le Gouvernement a, de plus, pris la décision de renforcer les effectifs, avec la création, chaque année pendant le quinquennat, de 500 postes de policiers et de gendarmes.

Diverses actions sont également menées pour accroître l'efficacité de l'action policière, particulièrement pour améliorer le taux d'élucidation. Je citerai, notamment, une meilleure diffusion de l'information, notamment pour identifier les modes opératoires d'infractions sérielles, le développement des cartographies de la délinquance, ainsi que le recours systématique à la police technique et scientifique.

La vidéoprotection, reliée à une présence humaine sur le terrain, est un autre outil important : elle a un effet dissuasif et facilite l'identification des délinquants. Si son usage doit être professionnalisé, le ministre de l'intérieur est favorable à la poursuite de son développement. Les maires ont un rôle essentiel à jouer en la matière. Il ne faut pas oublier, non plus, le travail important des polices municipales, qui, ici comme ailleurs, s'inscrit dans un partenariat avec la police nationale.

Face à cette délinquance, il importe aussi de songer aux victimes, lesquelles doivent être au cœur des préoccupations des policiers et des gendarmes. Le ministre, qui en a fait l'une de ses priorités, a demandé que soit renforcée la fonction d'accueil et de prise en charge des victimes dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. Le dispositif de pré-plainte en ligne, de nature à faciliter les démarches, sera en outre prochainement généralisé.

Le ministre a également demandé aux préfets et aux forces de l'ordre d'être particulièrement mobilisés dans la lutte contre le recel et les filières d'écoulement des bijoux volés. Dans le cadre des GIR, les groupes d'intervention régionaux, policiers, gendarmes et douaniers ont intensifié les contrôles ciblés de police administrative en direction des négociants en métaux précieux, afin de s'assurer que ces opérations se déroulent dans le respect de la réglementation et d'éviter que le réseau des professionnels - bijoutiers, comptoirs spécialisés, officines, sites internet, marchands itinérants intervenant dans les hôtels ou sur les marchés - ne soit exploité par certains malfaiteurs pour écouler des objets précieux.

Au-delà des mesures strictement policières, le phénomène que vous évoquez, monsieur Capo-Canellas, appelle évidemment une réponse plus large, impliquant diverses administrations, notamment la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. Au demeurant, il convient de le rappeler, l'activité de rachat d'or auprès des particuliers est déjà encadrée par des dispositions générales du code de la consommation.

À cet égard, diverses mesures ont été prises.

D'abord, le paiement en espèces de tout achat au détail de métaux ferreux ou non ferreux, dont l'or, est interdit depuis le 1er août 2011.

Ensuite, les professionnels ont été accompagnés dans la rédaction d'un « guide du vendeur », destiné à ceux qui souhaitent vendre leur or, afin qu'ils prennent les précautions nécessaires en vue de se prémunir des agissements d'acheteurs peu soucieux des droits des consommateurs. Cela concerne notamment certains sites internet.

Enfin, l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité a élaboré, en avril dernier, une fiche sur la « publicité en faveur de l'activité de rachat d'or », qui fixe les règles essentielles pour la protection des consommateurs.

Il convient toutefois d'aller plus loin. Le ministre de l'intérieur a donc engagé, dès le mois de juillet, un travail de fond avec les organisations professionnelles du secteur de la bijouterie, ainsi qu'avec les autres acteurs concernés, pour mieux encadrer et sécuriser les opérations de rachat d'or aux particuliers. Il a été décidé d'expertiser un ensemble de mesures destinées à sécuriser les activités liées au rachat d'or, que celui-ci ait lieu dans des boutiques spécialisées, par correspondance ou de manière itinérante. Ces mesures feront l'objet d'un examen interministériel, avec les ministères de l'économie et des finances et de la justice, avant qu'une nouvelle rencontre soit organisée avec les professionnels pour faire un point sur l'avancée des travaux.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le sénateur, le Gouvernement est pleinement engagé pour apporter une réponse efficace à cette forme particulière de délinquance.

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Vous l'avez rappelé, la lutte contre un tel phénomène est une priorité de terrain. Elle appelle non seulement une présence policière ciblée, mais aussi des mesures d'ensemble, car il s'agit de s'attaquer à de véritables filières.

Vous avez bien voulu détailler un certain nombre de points importants. Je souhaite que toutes les actions menées conduisent au succès. Cette forme de délinquance est particulièrement traumatisante et son ampleur est telle qu'elle ne saurait être minorée. Je partage donc l'engagement que vous avez évoqué au nom du ministre de l'intérieur.

J'espère que les mesures annoncées permettront de mettre un coup d'arrêt aux vols à l'arraché ou, en tout cas, d'inverser fortement la tendance. Il importe de rassurer les populations et de faire en sorte que ce phénomène soit effectivement enrayé.

Madame la ministre, vous avez évoqué plusieurs objectifs, que je partage : le renforcement de la vidéoprotection, la prise en charge des victimes, la lutte contre le recel, qui est l'un des points clés du développement de ces filières. Puisse tout cela déboucher sur des actions concrètes et pérennes !

- page 3937

Page mise à jour le