Question de M. POINTEREAU Rémy (Cher - UMP) publiée le 11/10/2012

M. Rémy Pointereau attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale sur le retour envisagé par le Gouvernement à la semaine de quatre jours et demi, et l'ajout d'une demi-journée supplémentaire de cours le mercredi matin.

Une concertation préparatoire à la loi d'orientation et de programmation pour l'école a été lancée le 5 juillet 2012. Dans ce cadre, le ministre annonçait fin juillet qu'il ressortait des premiers résultats de ladite concertation qu'un consensus existait entre les participants sur ce principe. "Tous les acteurs sont favo­rables à ce que le cadre soit fixé
par le minis­tère et de manière assez stricte", affirmait alors un conseiller auprès du ministre.

Il souhaiterait savoir quels sont les acteurs évoqués comme étant favorables. En effet, la consultation menée dans les 300 écoles du Cher, à laquelle la plupart ont répondu, représentant huit cent professeurs des écoles et mille deux cent personnes au total, laisse apparaître que, bien au contraire, il existe un rejet du retour à la demi-journée supplémentaire de cours.

Dans les faits, le passage à quatre jours et demi va raccourcir les journées et la question de la prise en charge des enfants se posera de toute évidence. Elle se posera dans les villes où les familles les plus aisées trouveront plus facilement des modes de garde. Elle se posera également dans les zones rurales, où les communes seront inévitablement sollicitées pour investir dans le périscolaire. Et là encore les moyens divergeront selon les communes.

Il souhaiterait savoir dans quelle mesure les résultats de ces consultations seront pris en compte dans la décision du ministre et, plus spécifiquement, si des déro­ga­tions au mer­credi matin tra­vaillé pour­raient être accor­dées aux établis­se­ments pour tenir compte des spécificités locales, en particulier en zone rurale.

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Réponse du Ministère chargé de la réussite éducative publiée le 13/03/2013

Réponse apportée en séance publique le 12/03/2013

M. Rémy Pointereau. Madame la ministre, ma question, qui s'adresse au ministre de l'éducation nationale, M. Vincent Peillon - et je remercie par avance Mme Pau-Langevin, ministre chargée de la réussite éducative, de bien vouloir me répondre -, concerne la réforme des rythmes scolaires, avec notamment le retour de la semaine à quatre jours et demi qui pose quelques difficultés, non pas sur le fond mais surtout sur la forme.

Tout d'abord, en termes de concertation, on nous dit qu'un consensus existait, mais je n'en suis pas tout à fait sûr. Ainsi, en octobre, une consultation dans les 300 écoles de mon département, le Cher, représentant 1 200 personnes au total dont 800 professeurs des écoles et 400 parents d'élèves, laissait apparaître au contraire un rejet du retour à la demi-journée supplémentaire de cours.

En outre, une réunion a été organisée à l'intention des élus du Cher le 18 février dernier à la demande du directeur académique et sous la présidence du préfet du Cher, réunion à laquelle l'association des maires du Cher que je préside a bien voulu s'associer. Plus de 200 élus étaient présents lors de cette réunion, et je peux vous dire que tous étaient inquiets. J'ai rappelé qu'une motion avait été adoptée lors de notre dernière assemblée générale extraordinaire réunie sur ce sujet. Compte tenu des délais extrêmement contraints, les élus présents ont demandé à l'unanimité le report de la réforme à la rentrée de 2014.

Les élus sont bien sûr conscients de la nécessité de mettre en avant l'intérêt de l'enfant et du fait qu'il ne s'agit en aucun cas d'une position politique, de nombreux élus de toutes sensibilités, de droite comme de gauche, partageant le même avis.

Toutefois, il faut permettre aux communes de s'organiser dans les meilleures conditions, s'agissant notamment du temps périscolaire ; elles seront obligées de recruter du personnel adapté, ce qui entraînera pour elles un coût financier important, estimé à environ 150 euros par élève.

Par ailleurs, s'agissant des transports scolaires, dont les conseils généraux ont la charge, le coût supplémentaire est estimé entre 500 000 euros et 1,2 million d'euros pour le département du Cher.

En outre, une telle mesure risque de créer des inégalités territoriales dans la mesure où il faudra mettre à disposition des locaux supplémentaires afin de mettre en place des activités culturelles, sportives et autres. En milieu rural, ce sera beaucoup plus difficile.

Enfin, le Gouvernement a décidé au mois de décembre d'accorder une aide de 50 euros par élève, avec une majoration pouvant aller jusqu'à 40 euros dans les « communes urbaines ou rurales les plus en difficulté », afin d'inciter les communes à appliquer la réforme dans l'enseignement primaire dès 2013.

Madame la ministre, comment ce fonds de 250 millions d'euros pour les rentrées 2013 et 2014 sera-t-il financé et que va-t-il se passer ensuite pour les rentrées suivantes ? Comment allez-vous identifier les communes rurales et urbaines les plus en difficulté ? Enfin, allez-vous compenser « à l'euro près » cette dépense nouvelle imposée aux conseils généraux ?

L'Association des maires de France a fait savoir depuis que nombre de communes ou d'intercommunalités ne seraient pas en mesure d'appliquer la réforme des rythmes scolaires avant 2014, malgré sa volonté - je la cite - de « sauver » la réforme. Elle a estimé, je le répète, à 150 euros par enfant le coût réel de la réforme.

Alors même que des réductions de dotations aux collectivités de 4,5 milliards d'euros en 2014 et en 2015 viennent d'être annoncées, comment comptez-vous faire pour rassurer les maires sur le soutien pérenne de l'État ?

Écoutez les élus locaux : ils sont suffisamment sollicités ! Ne leur mettez pas la pression pour une application anticipée qu'ils ne peuvent pas assumer !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée auprès du ministre de l'éducation nationale, chargée de la réussite éducative. Monsieur le sénateur Rémy Pointereau, il importe de nous remémorer tout d'abord pourquoi nous engageons cette réforme. Je vous rappelle que notre pays n'est actuellement pas en très bonne place dans les évaluations internationales, que notre système éducatif n'est plus aussi performant que nous le souhaiterions et que cela serait nécessaire pour maintenir la compétitivité indispensable au maintien des emplois notamment. Par conséquent, il est urgent que nos enfants disposent à nouveau de bonnes conditions pour étudier.

Tel est le constat auquel était parvenue la concertation menée notamment sous l'égide de Luc Chatel entre 2010 et 2012, à savoir la nécessité de revoir l'organisation de notre système éducatif, en particulier les rythmes scolaires. Il y eut ensuite « l'appel de Bobigny ». Bref, toutes les personnes qui ont étudié le sujet s'accordent à dire que nous devons rapidement revoir l'organisation de notre semaine scolaire, qui n'offre plus à nos enfants de bonnes conditions, et surtout le temps nécessaire, pour étudier. Prévoir une matinée de classe supplémentaire est indispensable pour que les enfants puissent travailler correctement.

Dès lors, il y aura un certain nombre de difficultés à affronter, comme à chaque changement.

Nous savons que les élus ont des préoccupations et nous convenons qu'il est légitime de leur part de se demander comment ils feront pour mettre en œuvre la réforme. À partir du moment où nous sommes conscients du caractère utile voire indispensable de cette réforme, cela change la donne, et nous pouvons débattre de ses modalités de mise en application. Et si nous sommes en outre convaincus que cette réforme doit être menée pour le bien des enfants, en vue de les aider à étudier, il ne semble dès lors guère souhaitable de la retarder d'année en année.

Comme vous le savez, le calendrier a été assoupli. Les élus ont la possibilité d'appliquer la réforme en 2013 ou en 2014. La demi-journée d'école supplémentaire n'est plus obligatoirement le samedi matin, et les élus peuvent donc désormais choisir de la mettre en place le mercredi matin, si c'est plus facile pour eux.

Vous avez par ailleurs évoqué les inquiétudes des élus quant au financement de cette réorganisation. C'est la raison pour laquelle un fonds d'amorçage a été créé. Les communes se verront allouer une dotation de 50 euros par élève, majorée de 40 euros pour les communes les plus en difficulté. Ces dernières sont définies selon un critère objectif, puisque ce sont celles qui bénéficient de la dotation de solidarité urbaine ou de la dotation de solidarité rurale dites « cible ». Nous n'aurons donc aucun « tri » à opérer.

Les services de l'éducation nationale, les élus, mais aussi les associations seront concernés. Tous les acteurs qui interviennent dans l'éducation de nos enfants seront amenés à s'organiser. C'est un aspect important, et nous sommes intimement persuadés que, ce faisant, nous pourrons améliorer la démocratie locale.

Cette nouvelle manière de travailler demandera sans doute un effort aux uns et aux autres, mais le bien-être de nos enfants vaut bien que nous le réalisions.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si elle ne me satisfait pas entièrement. La semaine scolaire était autrefois organisée sur quatre jours et demi : si cela avait procuré du bien-être à nos enfants, nous le saurions, et les résultats auraient été au rendez-vous.

Les élus sont conscients, je l'ai dit, que l'intérêt de l'enfant prime dans cette réforme. Toutefois, les conditions de l'application de cette dernière doivent être optimales, et la rentrée de 2013 est une échéance trop proche compte tenu des moyens à mettre en œuvre : je pense aux locaux supplémentaires dont il faut disposer et, surtout, aux moyens financiers.

Vous évoquez la dotation de 50 euros par élève pour les communes qui appliqueront la réforme dès 2013. Qu'en sera-t-il en 2014 et les années suivantes avec des budgets contraints, des dotations qui vont baisser de 4,5 milliards d'euros en 2014 et en 2015, ce qui équivaut à près de 5 % de dotation globale de fonctionnement pour les communes concernées ?

Comment cette réorganisation sera-t-elle financée, y compris par les conseils généraux dont les budgets sont déjà très sollicités ? Je rappelle que le coût de la réforme est estimé, pour le département du Cher, entre 500 000 euros et 1,2 million d'euros. Vous n'avez pas répondu à cette question, madame la ministre : allez-vous compenser les dépenses des conseils généraux « à l'euro près », comme les élus de la majorité actuelle n'ont cessé de le demander depuis des années dans les deux assemblées parlementaires ? Je voudrais savoir qui va financer la réforme !

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. Monsieur le sénateur, je voudrais simplement rappeler que le nombre d'heures passées à l'école par les enfants sera strictement le même. Il s'agit par conséquent, de la part de l'État, non d'une diminution de ses obligations, mais d'une réorganisation. (M. Philippe Dallier s'exclame.) Si cette réforme ne crée pas d'inégalités, elle souligne cependant celles, significatives, qui existent aujourd'hui entre les communes en matière d'organisation d'activités périscolaires. Au fond, cela nous donne à réfléchir !

MM. Philippe Dallier, Alain Gournac et Rémy Pointereau. Ce sera pareil !

Mme George Pau-Langevin, ministre déléguée. La part de l'État sera exactement la même. Vous soulignez les efforts financiers demandés aux collectivités territoriales, mais l'État engage lui aussi un effort financier considérable pour répondre à cet objectif prioritaire qu'est l'éducation. Des économies sont demandées partout, dans de nombreux ministères ; il est clair que le maintien de la priorité accordée à l'éducation se fera en réalisant des économies par ailleurs.

Par conséquent, si nous sommes d'accord sur le caractère essentiel que revêt l'avenir de nos enfants, je pense que l'État accomplit largement sa part en respectant sa parole et cette priorité. Il est évident qu'un effort sera demandé aux collectivités locales, mais je suis persuadée que la plupart d'entre elles sont prêtes à le faire parce qu'elles sont convaincues qu'il en va de l'avenir de notre pays.

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