Question de M. DUBOIS Daniel (Somme - UCR) publiée le 11/10/2012

M. Daniel Dubois attire l'attention de Mme la ministre des affaires sociales et de la santé sur la nouvelle organisation de la permanence de soins dans le département de la Somme, menée par l'agence régionale de santé (ARS) de Picardie et qui est inadaptée aux contraintes liées à la ruralité du département.

En effet, sur 32 secteurs géographiques de garde de nuit existant actuellement, l'ARS préconise de maintenir 15 secteurs voire 10 secteurs d'ici un an, obligeant le patient à se déplacer obligatoirement pour se rendre au cabinet du médecin de garde et, à terme, sur un périmètre agrandi, dans les maisons médicales de garde à proximité ou dans les hôpitaux du département.

Quant aux gardes en nuit profonde (0h-8h), elles sont dorénavant assurées par seulement quatre médecins effecteurs volontaires pour tout le département ! Les conséquences en sont la dégradation de l'offre de soins et l'aggravation de la désertification médicale dans les départements ruraux.

Il souhaite savoir comment le Gouvernement compte adapter le système afin qu'il réponde aux besoins de la population en milieu rural en matière de soins la nuit et les dimanches.

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Réponse du Ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 21/11/2012

Réponse apportée en séance publique le 20/11/2012

M. Daniel Dubois. Madame la ministre, l'ARS, l'agence régionale de santé, de Picardie a arrêté, le 3 août 2012, son cahier des charges régional de la permanence des soins ambulatoires. Je souhaite vous alerter sur les conséquences de cette nouvelle organisation pour le milieu rural dans le département de la Somme.

L'ARS propose de passer de trente-deux secteurs géographiques de garde de nuit à quinze secteurs, voire à dix d'ici à un an.

Cette proposition est inadaptée aux contraintes liées au milieu rural : elle risque non seulement de dégrader l'offre de soins, mais aussi d'aggraver la désertification médicale, bien connue dans les territoires ruraux, voire de mettre, une fois de plus, les collectivités locales à contribution.

En premier lieu, en ce qui concerne le patient et la dégradation de l'offre de soins, la nouvelle permanence de soins effectuée par les médecins généralistes est fixée de vingt heures à vingt-quatre heures, tous les jours de la semaine, y compris le week-end. En revanche, la garde de ces mêmes médecins généralistes est supprimée en nuit profonde, de minuit à huit heures du matin.

L'ARS contraint donc le patient à se déplacer obligatoirement pour se rendre au cabinet du médecin de garde.

On ne tient pas compte des personnes qui ne peuvent se déplacer : les personnes âgées ou isolées, les mères ou pères vivant seuls avec des enfants en bas âge, les personnes sans voiture, sans permis ou celles qui sont en fin de vie.

Aussi, baisser le nombre de secteurs revient à augmenter leur taille, donc à accroître la distance d'accès aux soins par les routes de campagne.

En second lieu, l'ARS préconise que, à terme, les gardes soient assurées dans « des lieux fixes de consultation tels que les maisons médicales de garde, de préférence adossées aux structures hospitalières ». Toutefois, de quelles structures hospitalières parle-t-on, puisqu'il n'en existe quasiment plus en milieu rural ? Et qu'appelle-t-on proximité ? L'ARS la définit comme « une limite d'accès aux soins maximale de quarante minutes »…

Madame la ministre, la problématique n'est pas la même en milieu rural et en ville, où l'on peut compter sur les services d'urgence des hôpitaux et des structures telles que SOS Médecins.

J'entrevois donc deux conséquences, dont l'une, malheureusement, est bien connue.

Première conséquence : la désertification de la démographie médicale en milieu rural.

Pour assurer la permanence de soins, un jeune médecin devra intervenir sur un plus grand secteur et, à terme, se rendre dans une maison médicale à proximité d'un hôpital très éloigné de son domicile, dans les mêmes conditions que s'il était étudiant interne salarié de l'hôpital !

Quant aux gardes en nuit profonde, de minuit à huit heures du matin, elles étaient, jusqu'alors, effectuées par les médecins généralistes, chacun dans leur secteur. Dorénavant, seuls quatre médecins volontaires pourront effectuer les gardes de nuit profonde dans tout le département !

Deuxième conséquence : la mise à contribution les collectivités.

En effet, selon vous, qui va devoir répondre aux diverses impossibilités de se déplacer ? Très certainement les ambulanciers, mais aussi les sapeurs-pompiers, payés par les collectivités : la boucle est ainsi bouclée.

Dès lors, madame la ministre, quelles mesures le Gouvernement a-t-il l'intention de prendre pour assurer la permanence des soins en milieu rural ? Comment envisagez-vous d'intervenir sur cette nouvelle proposition d'organisation de l'ARS dans le domaine que je viens d'évoquer ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, vous le savez, la nouvelle organisation de la permanence des soins, en phase de lancement dans la plupart des régions, est le résultat de la mise en œuvre des dispositions de la loi HPST. Les agences régionales de santé ont construit une réponse aux besoins, dans ce cadre.

Cependant, ces réponses sont très largement dépendantes de la question de la désertification médicale. En effet, il est très difficile de trouver des médecins volontaires dans les zones démédicalisées, alors que ces praticiens sont déjà surchargés en journée pour répondre aux besoins de leur patientèle. L'amélioration de la permanence des soins est donc très liée à notre capacité à traiter la question des déserts médicaux.

Une réforme globale de la permanence des soins ambulatoires ne doit pas intervenir immédiatement. Tout d'abord, les nouvelles organisations viennent d'être lancées et il est souhaitable que nous disposions d'un peu de recul pour en analyser le fonctionnement. Ensuite, il me semble important que les mesures qui seront prises pour les territoires en voie de démédicalisation aient commencé à produire leurs premiers effets.

À court terme, il faut s'assurer que les organisations mises en œuvre par les ARS offrent la meilleure réponse en fonction de chaque situation régionale.

Concernant la Picardie, qui est l'une des régions les plus touchées par la désertification médicale, l'exercice était particulièrement difficile. Les mesures prises visent à améliorer la situation : sur les 82 secteurs de garde qui existaient jusqu'à présent, seuls 51 étaient couverts avant minuit, soit 62 %, et 43 l'étaient après minuit, soit 53 %.

Ainsi, l'agrandissement des territoires de garde permet de limiter le nombre de médecins à mobiliser et, néanmoins, de couvrir l'ensemble du territoire. Dans les zones les plus défavorisées, l'activité en nuit profonde, de minuit à huit heures, était tellement faible qu'il a été décidé de renforcer la capacité de la régulation médicale téléphonique, qui permet de répondre aux demandes des patients et d'envoyer si nécessaire une intervention médicale d'urgence.

Ainsi, les médecins libéraux ne sont plus mobilisés en nuit profonde et sont davantage disponibles sur les plages horaires qu'attendent les patients, avant minuit et le dimanche. L'agence régionale de santé de Picardie va mettre en place un comité de suivi de la permanence des soins dans les prochains jours, pour vérifier que le système répond correctement aux besoins.

À moyen terme, c'est-à-dire à la fin de l'année 2013, le dispositif sera évalué pour améliorer ces organisations de manière tangible pour tous les Français. Comme pour la question des déserts médicaux, je pense que nous devrons être inventifs pour créer de nouveaux dispositifs, qui doivent permettre de mieux assurer, en complémentarité entre la ville et l'hôpital, la réponse médicale aux besoins de nos concitoyens, aux heures de fermeture des cabinets.

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Je vous remercie de votre réponse, madame la ministre, même si je ne suis pas tout à fait d'accord avec vos propos.

Vous nous dites finalement que le système ne fonctionnait pas bien, puisque seules 62 % des permanences étaient tenues en journée, et 53 % en nuit profonde.

Pour répondre à ce problème, vous avez décidé d'agrandir les secteurs. J'ai plutôt tendance à penser qu'il aurait fallu faire le contraire. Si l'on veut vraiment apporter une réponse pour les territoires ruraux, ce n'est pas, me semble-t-il, en éloignant le médecin du patient que l'on y parviendra !

Vous nous dites par ailleurs : on va évaluer. Vous me rassurez ! Il est toujours bon en effet de se demander si un système fonctionne. Toutefois, je serais presque tenté de vous donner dès aujourd'hui la réponse : à mon avis, ce système ne fonctionnera pas, tout simplement.

Je voudrais surtout vous dire deux mots à propos du département de la Somme. Avec 782 communes, 544 de moins de 500 habitants et 750 de moins de 1 000 habitants, c'est le troisième département français en nombre de communes.

Mettre en place un système sans tenir compte de ces spécificités, c'est, encore une fois, ne pas répondre à la problématique de santé qui se pose dans les territoires ruraux.

Effectivement, je pense qu'il conviendra d'évaluer très sérieusement le dispositif et je vous demande, madame la ministre, de suivre attentivement ce dossier.

En attendant, j'espère qu'il n'arrivera rien à un parent qui vit seul avec ses enfants ou à une personne âgée. En tout état de cause, je ne vois pas comment on pourra attirer de jeunes médecins en leur disant : le jour où vous serez de garde, vous ne resterez plus chez vous, vous n'irez pas au cabinet médical qui se situe à proximité de votre domicile, mais vous serez contraint d'aller dormir dans une petite chambre, à cinquante kilomètres de chez vous, pour assurer trois ou quatre consultations par nuit, comme lorsque vous étiez interne !

Évidemment, la problématique n'est pas la même en milieu urbain, où tous les services sont disponibles, notamment l'hôpital ou SOS Médecins.

Pour conclure, si le problème est réel, madame la ministre, la réponse que vous lui apportez ne me semble pas adaptée.

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