Question de M. LEROY Jean-Claude (Pas-de-Calais - SOC) publiée le 29/11/2012

M. Jean-Claude Leroy attire l'attention de M. le ministre du redressement productif sur la situation de la filière de collecte des vieux papiers.

Contenant des fibres de cellulose, matière première d'origine végétale réutilisable pour fabriquer de nouveaux produits en papier et en carton, les vieux papiers sont en effet une matière précieuse. Première industrie de recyclage en France, l'industrie papetière compte 94 usines: 56 recyclent des papiers-cartons récupérés et 37 d'entre elles fabriquent des papiers-cartons exclusivement par recyclage. Mais alors que le taux de collecte des vieux papiers est passé de 40 % à 72 % en vingt ans, les usines rencontrent aujourd'hui d' importantes difficultés d'approvisionnement.

Cette pénurie est liée à la demande croissante de la Chine pour nos vieux papiers-cartons. La Chine, plus gros consommateur mondial de papier-carton avec 66 millions de tonnes, est aussi le plus grand importateur de papiers-cartons récupérés (PCR) au monde. Disposant de peu de forêts exploitables et d'un circuit de collecte quasi inexistant, elle accuse un déficit de fibres qui la rend fortement dépendante et très gourmande en vieux papiers qu'elle importe pour les recycler: de 3,7 millions de tonnes de PCR importés en 2000, elle est passée à 27,5 millions de tonnes en 2009, soit une croissance annuelle de 30 %, et les prévisions sont de 35 millions pour 2014. Cette forte demande chinoise entraîne une flambée des prix. Entre 2009 et 2011, la tonne de papiers-cartons-récupérés est passée de 70 à 180 euros. De ce fait, les collecteurs privilégient l'export à l'industrie papetière nationale, qui n'est plus assez approvisionnée. Ses besoins, de l'ordre de 5 à 6 millions de tonnes par an, ne sont aujourd'hui plus assurés.

Cette situation a des conséquences sociales et financières très importantes pour l'industrie papetière française, qui emploie 70 000 salariés. Ceci se traduit par des arrêts structurels, et dans certains cas des redressements judiciaires et des fermetures de sites. La papeterie de Türkheim dans le Haut-Rhin (110 salariés) a par exemple été fermée en octobre 2011 et l'entreprise de papier recyclé Vertaris, à Voreppe en Isère, a été placée en liquidation judiciaire en juillet dernier.

Ceci est d'autant plus inacceptable que nos vieux papiers exportés en Chine partent avec des financements publics. Le contribuable finance la collecte municipale via la taxe sur les ordures ménagères et les producteurs français de papier paient une éco-contribution. Pour mettre fin à ce phénomène, il serait opportun de prendre des mesures permettant la sécurisation des approvisionnements en PCR. Les papiers de bureau constituent notamment un gisement important: 900 000 tonnes sont ainsi utilisées par an, dont seulement 45 % sont triées et recyclées ( contre 75 % en Allemagne et 72 % en Suède), 500 000 tonnes partant en décharge ou à l'incinération. L'enjeu est également écologique, puisque à quantité égale, la production de papier recyclé consomme trois fois moins d'énergie et d'eau que celle du papier non recyclé et évite l'émission de 300 kilos de CO2 par tonne de papier recyclé. Par ailleurs, la collecte et le tri de papier de bureau usagé nécessite un emploi, forcément non délocalisable, pour 1 000 tonnes, et son recyclage nécessitera un nombre d'emplois supérieur à celui nécessaire pour la suppression par voie de stockage ou d'incinération.

Aussi, il lui demande de bien vouloir lui indiquer les mesures qu'il compte mettre en place pour remédier à ces problèmes et pour soutenir l'industrie papetière et maintenir les emplois du secteur.

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Réponse du Ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche publiée le 16/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 15/01/2013

M. Jean-Claude Leroy. Madame la ministre, ma question porte sur la situation de la filière de collecte des vieux papiers.

Contenant des fibres de cellulose, matière première d'origine végétale réutilisable pour fabriquer de nouveaux produits en papier et en carton, les vieux papiers sont en effet une matière précieuse. Première industrie de recyclage en France, l'industrie papetière compte quatre-vingt-quatorze usines : cinquante-six recyclent des papiers et cartons récupérés et trente-sept d'entre elles fabriquent des papiers et cartons exclusivement par recyclage.

Cependant, alors que le taux de collecte des vieux papiers est passé de 40 % à 72 % en vingt ans, les usines rencontrent aujourd'hui d'importantes difficultés d'approvisionnement. Cette pénurie est liée à la demande croissante de la Chine pour nos vieux papiers et cartons.

La Chine, plus gros consommateur mondial de papier et carton avec 66 millions de tonnes, est aussi le plus grand importateur de papiers et cartons récupérés, dits PCR, au monde. Disposant de peu de forêts exploitables et d'un circuit de collecte quasi inexistant, elle accuse un déficit de fibres qui la rend fortement dépendante et très gourmande en vieux papiers qu'elle importe pour les recycler : de 3,7 millions de tonnes de PCR importés en 2000, elle est passée à 27,5 millions de tonnes en 2009, soit une croissance annuelle de 30 %, et les prévisions sont de 35 millions pour 2014.

Cette forte demande chinoise entraîne une flambée des prix. Entre 2009 et 2011, la tonne de papiers et cartons récupérés est passée de 70 à 180 euros. De ce fait, les collecteurs privilégient l'export par rapport à l'industrie papetière nationale, qui n'est plus assez approvisionnée. Ses besoins, de l'ordre de 5 à 6 millions de tonnes par an, ne sont aujourd'hui plus assurés.

Cette situation a des conséquences sociales et financières très importantes pour l'industrie papetière française, qui emploie 70 000 salariés. Cela se traduit par des arrêts structurels et, dans certains cas, par des redressements judiciaires et des fermetures de sites. Ainsi, la papeterie de Turckheim, dans le Haut-Rhin, qui employait 110 salariés, a été fermée en octobre 2011, et l'entreprise de papier recyclé Vertaris, à Voreppe, en Isère, a été placée en liquidation judiciaire en juillet dernier.

C'est d'autant plus inacceptable que nos vieux papiers sont exportés en Chine avec des financements publics : le contribuable finance en effet la collecte municipale via la taxe sur les ordures ménagères et les producteurs français de papier paient une éco-contribution.

Pour mettre fin à ce phénomène, il serait opportun de prendre des mesures permettant la sécurisation des approvisionnements en PCR.

Les papiers de bureau constituent notamment un gisement important : 900 000 tonnes sont ainsi utilisées chaque an, dont 45 % sont triées et recyclées, contre 75 % en Allemagne et 72 % en Suède, 500 000 tonnes partant en décharge ou à l'incinération. L'enjeu est également écologique, puisque, à quantité égale, la production de papier recyclé consomme trois fois moins d'énergie et d'eau que celle du papier non recyclé et évite l'émission de 300 kilogrammes de CO2 par tonne de papier recyclé.

Par ailleurs, la collecte et le tri de papier de bureau usagé nécessitent un emploi, forcément non délocalisable, pour 1 000 tonnes, et son recyclage nécessitera un nombre d'emplois supérieur à celui que requiert la suppression par voie de stockage ou d'incinération.

Ma question est donc la suivante, madame la ministre : quelles mesures le Gouvernement peut-il mettre en place pour remédier à ces problèmes, soutenir l'industrie papetière et maintenir les emplois du secteur ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Geneviève Fioraso, ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord d'excuser Arnaud Montebourg, retenu par une mission à l'extérieur de Paris, qui m'a chargée de le représenter. Je partage complètement vos préoccupations et vous avez cité des papeteries, notamment l'entreprise Vertaris, que je connais bien pour les avoir soutenues dans un passé récent, et qui sont aujourd'hui en difficulté.

C'est un sentiment largement partagé sur ces travées dont vous vous faites l'écho ; le Gouvernement considère que la maîtrise de l'approvisionnement en fibres cellulosiques de récupération est un enjeu tout à fait stratégique pour l'ensemble de la filière de produits en papiers et cartons.

Depuis la fin des années quatre-vingt-dix, la demande extérieure croissante et la mondialisation des échanges ont rendu ces marchés plus volatils et ont suscité des spéculations - vous avez à juste titre évoqué le rôle essentiel de la Chine dans ce phénomène. Cela se traduit ponctuellement par des pénuries engendrant des ralentissements, voire des arrêts de production de certaines usines, alors même que la collecte progresse en France.

À ce titre, plusieurs mesures ont été prises, en concertation avec les professionnels de la filière, pour l'ensemble des déchets papiers et plus spécifiquement pour les papiers de bureau.

Dans le cadre du réagrément d'EcoFolio, organisme mis en place pour gérer la contribution financière destinée à participer aux coûts de collecte, de valorisation et d'élimination des imprimés et des papiers destinés à être imprimés, les pouvoirs publics ont pris deux mesures visant à favoriser la réduction des tensions sur les approvisionnements.

D'une part, ils ont décidé de modifier le barème des soutiens financiers versés aux collectivités locales afin d'accroître l'incitation au recyclage dans une perspective de renforcement de la filière. Ce barème aval privilégie d'ores et déjà le recyclage, conformément au principe de hiérarchie des modes de traitement des déchets. Les tonnages incinérés ou enfouis demeurent néanmoins majoritaires. Une modulation plus forte doit inciter au recyclage, économiquement plus intéressant, comme vous le soulignez, que l'incinération ou l'enfouissement.

D'autre part, le soutien d'EcoFolio va être étendu à d'autres types de déchets papiers que ceux qui sont aujourd'hui éligibles.

Par ailleurs, Arnaud Montebourg et Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, ont coprésidé le comité d'orientation stratégique des éco-industries, le COSEI, qui s'est tenu lors du salon Pollutec, à Lyon, le 27 novembre dernier. Ils ont demandé au COSEI de mettre en place des contrats de filières dans quatre grands domaines : le recyclage et la valorisation des déchets, les énergies renouvelables, l'eau et l'assainissement, l'efficacité énergétique.

Ces contrats de filières, dont la conclusion est prévue au printemps 2013, comprendront les engagements réciproques de l'État et des filières pour développer les solidarités entre entreprises, renforcer leur compétitivité et leur apport à la transition écologique.

La filière « déchets » doit optimiser sa performance globale, vous l'avez dit, notamment en matière de coûts financiers, d'impact environnemental, de maintien de l'emploi et de préservation de la santé des salariés. Un « pacte économie circulaire » associant les industriels et l'État va promouvoir la valorisation industrielle et le recyclage des déchets, mettre en place un cadre juridique adapté à une nouvelle économie circulaire et lutter contre les trafics illégaux de matières. Il doit contribuer notamment à garantir un approvisionnement stable et le paiement des industriels collecteurs.

Il s'agit de trouver des solutions bénéfiques à l'ensemble de la chaîne du recyclage, préservant l'emploi dans les papeteries et les sociétés de recyclage en difficulté aujourd'hui.

Trois autres mesures concernent plus spécifiquement les papiers de bureau.

Premièrement, une convention d'engagements volontaires pour la collecte de ces papiers a été signée par les représentants des collecteurs et des recycleurs et par le ministère de l'environnement le 6 février 2012. L'objectif est, à l'horizon 2015, d'augmenter la collecte de 200 000 tonnes et d'orienter préférentiellement ces tonnages vers un recyclage de proximité. Cela répond à votre préoccupation essentielle.

Deuxièmement, la Poste a lancé une offre de logistique inversée, dénommée « Recy'go papiers », afin de récupérer les déchets de 50 000 PME titulaires d'un contrat de distribution-collecte du courrier. Elle envisage de collecter 50 000 tonnes par an, lesquelles devraient alimenter des papeteries implantées en France dans le cadre de contrats à long terme. Elle emploierait pour cela une main-d'œuvre de jeunes formés à cet effet. Des emplois seront donc créés dans le secteur industriel, mais aussi dans les services à l'industrie.

Troisièmement, enfin, monsieur le sénateur, une étude est en cours sur l'opportunité d'instaurer une obligation de collecte sélective des papiers de bureaux pour les gros producteurs, à l'instar de celle qui a été instaurée pour les générateurs de bio-déchets.

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