Question de Mme LÉTARD Valérie (Nord - UDI-UC) publiée le 29/11/2012

Mme Valérie Létard attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille, sur la situation particulièrement préoccupante de la caisse d'allocations familiales du Nord.

Entre les mois d'octobre et de novembre, la CAF du Nord aura fermé son accueil au public pendant trois semaines. Une réduction des plages horaires d'ouverture de ces mêmes accueils est également envisagée pour faire face au retard de milliers de dossiers en attente de traitement. Dans l'immédiat, des publics fragiles sont renvoyés vers des plates-formes téléphoniques ou vers le site dématérialisé de la CAF, situation d'autant plus kafkaïenne que ces personnes n'ont bien souvent pas accès à Internet et ne disposent pas d'un ordinateur. Dans les faits, la réorganisation administrative engagée suite à la départementalisation de la caisse met ainsi en grande difficulté des milliers d'allocataires qui cherchent à déposer, actualiser ou renouveler leur accès aux droits. Ceci est d'autant plus préoccupant que la crise accélère actuellement la précarité, en particulier dans la région du Nord où le nombre d'allocataires du RSA reste préoccupant.

Dans son bilan de la convention d'objectifs et de moyens (COG) 2009-2012, la Caisse nationale des allocations familiales se félicite que « la départementalisation » du réseau des CAF ait été réalisée sur le plan politique à l'échéance fixée et qu'elle peut être considérée comme une réelle réussite sur le plan technique. Pour la CAF du Nord, ce bilan s'avère nettement moins positif pour les allocataires, tout comme pour les agents à la limite de l'épuisement.

Elle lui demande quelles mesures elle entend prendre, notamment dans le cadre de la négociation avec la CNAF de la prochaine convention d'objectifs et de moyens, afin de reconnaître la spécificité du département le plus peuplé de France et d'adapter, de manière adéquate, l'organisation administrative de cette caisse à sa réalité territoriale et sociale.

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Réponse du Ministère chargé de la famille publiée le 22/05/2013

Réponse apportée en séance publique le 21/05/2013

Mme Valérie Létard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je reprends aujourd'hui une question orale que des conditions climatiques exceptionnelles m'avaient obligée à annuler le 12 mars dernier, le Nord étant alors coupé de sa capitale.

Du mois de mars au mois de mai, la situation de la caisse d'allocations familiales du Nord a malheureusement continué à se dégrader. Fermée au public plus de quatre semaines au cours du dernier trimestre de 2012, la CAF du Nord suspend désormais son accueil au public tous les jeudis depuis le 1er janvier 2013, sans parvenir, malgré ses efforts, à rattraper son retard.

Ses indicateurs de résultats, hormis le traitement du RSA, sont tous au rouge. En avril 2013, le taux d'appels traités par un agent a encore baissé de 15 % par rapport au mois précédent et atteint son taux le plus bas, soit 37,9 %, à comparer au critère fixé par la convention d'objectifs et de gestion, la COG, de 90 %, et à un taux de 94 % en avril 2012.

Lors de la départementalisation de la CAF du Nord, qui comptait huit conseils d'administration pour 2,5 millions d'habitants, j'ai été la première parmi les élus à alerter sur le risque d'accoucher d'un « monstre administratif », où les gains de gestion attendus de la mutualisation se paieraient cher en termes de manque de proximité et de moindre réactivité dans un contexte social tendu.

Madame la ministre, j'avais fait valoir ce risque auprès de vos prédécesseurs. Il les avait amenés à considérer un aménagement spécifique pour ce département en raison de sa taille - plus de 530 000 familles allocataires -, de sa topographie et de sa situation sociale : un tiers des allocataires perçoivent une prestation versée au titre des minima sociaux ; on compte 130 000 bénéficiaires du RSA, 2 500 nouvelles demandes étant enregistrées par mois. D'où le principe d'une gouvernance aménagée avec la création de huit commissions territoriales, et la promesse d'un maintien d'une politique spécifique d'action sociale.

Dix-huit mois plus tard, le constat est sévère. La nouvelle organisation centralisée du travail allonge les circuits de décision et amoindrit la réactivité de la caisse. Le service aux usagers en a pâti. L'autonomie des commissions territoriales est grignotée constamment. Ces dernières n'ont désormais plus que deux directeurs responsables, chacun, de quatre antennes territoriales. L'engagement de tenir compte des spécificités territoriales, en particulier pour les crédits d'action sociale, s'efface, et la CAF affiche son souhait d'harmoniser tous les dispositifs d'action sociale. Cette gestion compromet le travail partenarial entrepris de longue date par les CAF avec leurs partenaires sur les territoires. C'est ainsi que, après sept ans de coopération fructueuse dans le repérage de l'habitat privé dégradé et la lutte contre l'habitat insalubre, la CAF a dénoncé la convention la liant à la communauté d'agglomération de Valenciennes métropole sur ce sujet. Un nouveau pan d'une action utile va disparaître, et ce sont les allocataires qui seront pénalisés.

Certes, la gravité de la crise accroît encore la charge de travail et la pression. Toutefois, la caisse n'a à l'évidence pas retrouvé un fonctionnement satisfaisant depuis la mise en œuvre de la départementalisation. Une grande opération de solidarité interservices conduite au mois d'avril a permis de réduire quelque peu le stock et d'améliorer la production. Mais cet effort ponctuel ne pourra pas être demandé en continu. Les agents se découragent et souhaitent qu'on leur accorde d'urgence des moyens supplémentaires pour faire face à une augmentation assez importante du nombre des dossiers.

Avec le recul dont nous disposons aujourd'hui, comment ne pas reconnaître que la départementalisation de la CAF du Nord mérite d'être ajustée ? La caisse est de toute évidence surdimensionnée par rapport à la moyenne des autres CAF. La négociation de la prochaine COG arrive à point nommé et pourrait permettre cet ajustement.

Madame la ministre, ma question est simple : l'État envisage-t-il, à l'occasion de cette négociation avec la Caisse nationale des allocations familiales, de repréciser le rôle des commissions territoriales et la prise en compte des spécificités locales dans la politique d'action sociale de la CAF du Nord ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Dominique Bertinotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée de la famille. Madame la sénatrice, la départementalisation du réseau des CAF était un objectif de la convention d'objectifs et de gestion pour la période 2009-2012 : elle a donc été décidée par le précédent gouvernement.

Cette opération a conduit à la création de treize CAF départementalisées à partir de trente-quatre CAF infradépartementales pour l'ensemble du territoire.

Dans le département du Nord, cette procédure a pris une ampleur particulière en raison de l'existence préalable de huit CAF. Elle a donné naissance à la plus grande caisse d'allocations familiales de France.

Pour tenir compte de la spécificité de ce département, le gouvernement précédent a accepté le maintien d'une gouvernance spécifique, dont j'ai eu l'occasion de m'entretenir avec la présidente du conseil d'administration de la CAF du Nord, Mme Librizzi, et avec son directeur, M. Forafo.

L'adoption d'un seul règlement d'action sociale permet aux allocataires de disposer des mêmes droits sur l'ensemble du département, ce dont nous devons nous féliciter.

Par ailleurs, je rappelle que les équipes de la CAF du Nord ont été en mesure d'assurer, dès le lendemain de la fusion, le 21 novembre 2011, leurs missions d'accueil physique et téléphonique. Le 5 décembre de la même année, dès la première échéance de paiement, l'ensemble des allocations et des minima sociaux était versé.

Les salariés de la CAF du Nord sont pour beaucoup dans ces réussites. Je tiens à saluer ici leur travail exemplaire, leur engagement et leur sens du service public, comme celui de l'ensemble du réseau de la branche famille.

Cela étant dit, nous ne pouvons pas ignorer les difficultés rencontrées par la CAF du Nord, mais elles sont la conséquence de l'augmentation de la charge de travail constatée dans l'ensemble du réseau. Depuis le début de la crise économique, cette charge de travail s'alourdit, et le Gouvernement en a pleinement conscience.

Je souligne néanmoins que la CAF du Nord a fait le choix, dans un premier temps, de maintenir l'ensemble des points d'accueil et des permanences existant sur son territoire.

L'analyse de la situation nous montre qu'il ne suffit plus d'assurer une présence physique : la qualité de l'offre d'accueil doit aussi être garantie. C'est pourquoi j'ai encouragé la Caisse nationale des allocations familiales à redéfinir sa politique en matière d'accueil du public. Cette nouvelle politique sera mise en œuvre dans le cadre de la prochaine convention d'objectifs et de gestion et elle en constituera l'un des éléments forts. Les CAF organiseront des rendez-vous des droits pour lutter contre le non-recours. Elles s'impliqueront davantage dans la prévention des expulsions locatives et elles proposeront des prises en charge adaptées en fonction des situations de vie : séparation, décès du conjoint ou d'un enfant.

Ces dispositions ne sont pas exclusives d'une réflexion sur les moyens affectés aux CAF.

La prochaine question, posée par M. Madrelle et portant également sur la question des CAF, me permettra de prolonger ma réponse. Elle me donnera l'occasion de vous faire connaître les pistes sur lesquelles nous devons travailler pour alléger, ou à tout le moins rendre plus supportable, la charge de travail des salariés des caisses d'allocations familiales, en particulier dans le Nord.

M. le président. La parole est à Mme Valérie Létard.

Mme Valérie Létard. Madame la ministre, j'ai bien entendu votre souhait de nous rassurer sur votre volonté d'améliorer les prestations de l'ensemble des CAF de France, avec un regard particulier sur la CAF du Nord.

Permettez-moi de vous encourager à bien prendre en considération la situation de ce département. Dans mon arrondissement, par exemple, le taux de chômage est passé de 10 % à 16 % pour 400 000 habitants. Cette réalité vaut pour toute la région Nord-Pas-Calais depuis la fin de 2008. On enregistre par ailleurs une accélération importante au cours de la dernière année, avec un fort impact sur les demandes de prestations sociales et de RSA.

En outre, la population est très peu mobile. Dans ce département frontalier qui s'étire en longueur, les allocataires sont souvent très éloignés de la CAF centrale. Il leur sera difficile de trouver des services de proximité si l'on ne maintient pas une réelle présence de la CAF.

J'ajoute que les territoires concernés sont au demeurant très différents. Les partenariats d'action sociale et les politiques de traitement de l'habitat indigne revêtent une importance majeure dans ce département où, comme dans l'ensemble de la région Nord-Pas-de-Calais, une part importante de la population vit dans un habitat ancien, dégradé.

Les huit commissions départementales nous permettent - et c'est une nécessité - de conduire des politiques spécifiques d'action sociale sur chacun de ces territoires, qu'ils soient urbains ou ruraux. Dans certaines zones très impliquées dans la politique de la ville, il existe un besoin d'accompagnement d'action sociale très fort. À cette fin, il faut conserver de la souplesse et adapter, avec les élus de terrain, nos politiques de solidarité aux besoins de grande proximité des populations.

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