Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 08/11/2012

M. Jean Louis Masson attire l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur le fait que de nombreuses études incriminent une famille de pesticides neurotoxiques, les néonicotinoïdes, pour expliquer le déclin des abeilles. Cela vient d'être confirmé par une étude décisive de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et du Centre national de la recherche scientifique (CNRS), qui prouve que les néonicotinoïdes désorientent et tuent les abeilles d'une façon insoupçonnée jusqu'ici. Pourtant, sous la pression des firmes agrochimiques, ils sont toujours largement utilisés dans les cultures à travers tout le territoire. De plus, cette étude montre que les tests de dangerosité des pesticides, menés par les firmes agrochimiques et les autorités sanitaires avant de mettre un produit sur le marché, sont largement insuffisants et ne prennent pas en compte l'effet résultant de l'utilisation de plusieurs pesticides différents. Il lui demande si elle ne pense pas qu'il conviendrait d'appliquer en l'espèce, le principe de précaution.

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Transmise au Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie


Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 06/03/2014

Mis sur le marché français en 1994, les insecticides de la famille des néonicotinoïdes sont, depuis, largement utilisés dans la protection des cultures contre les insectes ravageurs. Ces substances actives, notamment utilisées en traitement des semences, ont très vite été suspectées de fortement contribuer au phénomène de déclin des populations d'abeilles en raison de leur toxicité à très faible dose sur les abeilles et les pollinisateurs sauvages, de leurs propriétés systémiques ainsi que de leur persistance d'action. L'imidaclopride a ainsi été interdit sur tournesol en 1999, puis sur maïs en 2002. Depuis, de nombreuses études sont venues étayer cette hypothèse et, dernièrement, une étude menée par des chercheurs de l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et de l'Association de coordination technique agricole (ACTA) sur 653 abeilles, publiée dans la revue Science en avril 2012, a mis en évidence l'effet néfaste d'une des molécules actives du Cruiser OSR, le thiamétoxam, sur la survie des ruchers lorsqu'il est utilisé en traitement des semences de colza. Cette étude tend à démontrer l'impact d'une dose sublétale de thiaméthoxam sur le comportement des abeilles butineuses, en particulier sur leur capacité à retourner à la ruche. Le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, après saisine de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (ANSES), a donc pris le 24 juillet 2012 une mesure d'urgence consistant à retirer la spécialité commerciale Cruiser OSR et à interdire l'utilisation des semences traitées avec ce produit. Dans le même temps, la Commission européenne, sur l'invitation du Gouvernement français, a saisi l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA), dont le rôle est d'évaluer les substances actives au niveau européen, pour procéder à une revue des dossiers des trois substances néonicotinoïdes (imidaclopride, thiamétoxam, clothianidine) les plus préoccupantes pour les abeilles et compléter le cadre d'évaluation des substances et des produits, qui montre à l'évidence des lacunes sur cette thématique. Les avis de l'EFSA sur ces trois substances actives ont été rendus le 16 janvier 2013. Ils ont mis en évidence des risques potentiellement élevés concernant la toxicité aigüe sur des cultures majeures (maïs, colza, tournesol) et des manques d'informations sur les risques chroniques pour les populations d'abeilles. Ils ont également confirmé les craintes de toxicité sur les pollinisateurs sauvages, particulièrement vulnérables, et dont la contribution au service de la pollinisation des cultures reste largement sous évaluée. L'action conjointe du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie et du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, a finalement permis que la Commission européenne décide, le 24 mai 2013, de restreindre drastiquement l'utilisation de ces trois néonicotinoïdes pour une durée de deux ans à compter du 1er décembre 2013. La question des effets des mélanges de produits est également prise en compte. La France est notamment un des seuls États membres à avoir mis en place des mesures d'évaluation et de restriction de l'utilisation des mélanges extemporanés. Ses dispositions prévoient à titre d'exemple que, durant la floraison, les insecticides pyréthrinoïdes et les fongicides des familles des triazoles et des imidazoles ne puissent être appliqués à moins de 24 heures d'intervalle. Ces mesures ont vocation à être renforcées en fonction des nouvelles suspicions d'effets néfastes des mélanges de produits phytopharmaceutiques. Enfin, le ministère de l'écologie prépare actuellement, en complément du « plan abeille » du ministère de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, un « plan pollinisateurs sauvages », conformément à la feuille de route issue de la conférence environnementale de septembre 2012. Celle-ci préconisait en effet la nécessaire prise en compte de la préservation de ces pollinisateurs, longtemps délaissés, dans les décisions européennes relatives à ces substances actives et dans le processus de révision des procédures d'évaluation. Ces initiatives s'inscrivent dans l'effort global résolument conduit par les pouvoirs publics français pour réduire le recours aux pesticides et infléchir l'évolution des modèles les plus intensifs vers des pratiques alternatives moins dépendantes des intrants de synthèse, garantes d'une agriculture préservatrice des ressources naturelles et durablement performante.

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