Question de Mme BLANDIN Marie-Christine (Nord - ECOLO) publiée le 29/11/2012

Mme Marie-Christine Blandin interroge M. le ministre de l'intérieur sur les suites qu'il compte donner à la décision du Défenseur des droits (13 novembre 2012) qui lui a été adressée. Cette décision intervient suite à une saisine au sujet du harcèlement dont sont victimes les migrants présents dans le Calaisis de la part des forces de l'ordre. Dans son texte détaillé, le Défenseur des droits rappelle que les rapports se sont succédé ces dernières années pour interroger et/ou dénoncer le traitement policier réservé aux migrants dans la région, privilégié par rapport à leur traitement humanitaire. Ces rapports émanent tant d'associations que d'instances internationales. Le Défenseur des droits a ensuite décrit les phénomènes de harcèlement policier à l'endroit des migrants : les contrôles et interpellations (parfois même de demandeurs d'asile) se répètent (parfois dans la même journée), ils se déroulent y compris sur les lieux spécifiques de repas et de soins. Les opérations de visite sur les lieux de vie (y compris la nuit), d'expulsion (y compris hors cadre réglementaire) se répètent et sont suivies du non-respect de l'obligation d'hébergement des demandeurs d'asile. Les destructions de squats, d'effets personnels et de dons humanitaires sont nombreuses, dans une articulation entre services municipaux et forces de l'ordre en ce qui concerne les « expulsions de fait ». Le Défenseur des droits, après avoir constaté l'existence de pratiques vulnérabilisant les migrants et les privant de leurs droits, recommande qu'il y soit mis fin. La circulaire interministérielle du 26 août 2012 relative à l'anticipation et à l'accompagnement des opérations d'évacuation de campements illicites apporte des modalités d'action permettant de répondre en partie aux recommandations du Défenseur des droits (qui la cite).
Elle lui demande quelles mesures il compte prendre pour répondre aux recommandations du Défenseur des droits, apaiser la situation des migrants et respecter les droits de demandeurs d'asile dans le Calaisis.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 17/01/2013

Le nombre important d'étrangers en situation irrégulière dans la région de Calais et dans ses environs résulte de la conjugaison de facteurs économiques et géographiques. Ces migrants souhaitent se rendre au Royaume-Uni alors que la frontière commune devient de plus en plus hermétique grâce, notamment, au niveau élevé de coopération développé avec les autorités britanniques pour juguler le flux migratoire irrégulier vers leur État. Cette densité d'immigrants sur un espace restreint est source de difficultés. Le dénuement dans lequel ils se trouvent, les conditions de vie difficiles auxquelles ils sont confrontés génèrent, de fait, une certaine criminalité ainsi qu'une coexistence parfois tendue avec la population. Les campements sauvages établis dans le Calaisis occasionnent pour leurs occupants des conditions sanitaires dégradées et sont le lieu privilégié de recrutement des passeurs, qui imposent leur médiation rémunérée pour le franchissement illégal de la Manche. C'est dans ce contexte difficile que les forces de l'ordre sont amenées à exercer leurs missions, dont la lutte contre l'immigration illégale menée par les effectifs de la direction départementale de la police aux frontières du Pas-de-Calais. Des compagnies républicaines de sécurité (CRS) interviennent également en renfort dans l'ensemble de la circonscription de sécurité publique de Calais. Dans ce cadre, la mission de contrôle des migrants fait l'objet de consignes précises adressées aux unités, qui mentionnent des cadres d'intervention stricts. De même, des consignes orales sont transmises par la direction départementale de la police aux frontières aux cadres des CRS afin que soient évitées des interventions directes sur les lieux de distribution de repas ou d'aide d'urgence. Toutes les missions des policiers, dans le Calaisis comme ailleurs, doivent être - et sont - encadrées par le droit. Ainsi, les expulsions sont réalisées dans un cadre juridique précis (réquisition, arrêté préfectoral, flagrance). Les nouvelles directives du Gouvernement en matière d'évacuation des campements illicites sont également appliquées conformément à la circulaire interministérielle du 26 août 2012. Les autorités hiérarchiques y sont particulièrement attentives. Les policiers sont quotidiennement confrontés à la misère et à la détresse de nombre de migrants. Ils ont à cœur de mener à bien leur difficile mission dans le respect de la dignité des personnes. C'est dans cet esprit qu'il est veillé à ce que, dans la mesure du possible, les migrants aient accès aux lieux de prise de repas, de toilette et de soins médicaux sans craindre une intervention de police. Certaines situations, cependant, peuvent amener les forces de l'ordre à intervenir, par exemple en cas d'incident (bagarres entre migrants, racket...). Il convient en outre de préciser que les missions des forces de police s'effectuent sous la pression constante, et parfois les provocations, des membres des collectifs de soutien aux migrants ou de la mouvance No Border. En effet, leurs membres n'hésitent pas à perturber les interventions des forces de l'ordre en s'interposant physiquement. Photographiés et filmés, les policiers se retrouvent régulièrement, à visage découvert, sur le site internet Indymédia Lille où ils font l'objet de commentaires injurieux et diffamatoires alors qu'ils font application de la loi ou exécutent des décisions de justice. Plusieurs des faits mentionnés par le Défenseur des droits ont déjà été portés il y a plusieurs mois à la connaissance du ministère de l'intérieur. Il n'a pas été établi que ces comportements étaient constitutifs de manquement aux règles disciplinaires et déontologiques de la part des fonctionnaires de police. Ces faits n'ont pas non plus fait l'objet de poursuites judiciaires. Les faits nouveaux cités dans la décision du Défenseur des droits donneront lieu à examen attentif et, s'ils sont avérés, à des sanctions disciplinaires. La police nationale se doit d'être garante de la mise en œuvre des règles déontologiques et des valeurs républicaines, et davantage encore lorsque son action s'inscrit dans un contexte aussi difficile. Elle n'hésite pas à sanctionner tout manquement avéré de ses personnels. C'est ainsi qu'un fonctionnaire d'une CRS a été sanctionné pour des faits survenus le 29 juin 2010. Lors d'une opération d'évacuation d'une usine désaffectée, il avait endommagé la caméra d'une militante qui avait pénétré dans une zone interdite. Il a été traduit devant les instances disciplinaires et a fait l'objet d'une exclusion temporaire de fonctions. Le ministre de l'intérieur est très attentif à la qualité des relations entre les forces de l'ordre et la population et ce, quelle que soit la situation des personnes concernées. Dans cette perspective, un nouveau code de déontologie viendra prochainement moderniser et compléter les règles déontologiques qui s'appliquent déjà aux policiers. L'identification des policiers en intervention, que le Défenseur des droits appelle de ses vœux, est une préoccupation du ministre de l'intérieur, qui en a décidé le principe et en fait actuellement étudier les modalités.

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