Question de M. HUE Robert (Val-d'Oise - RDSE) publiée le 25/01/2013

Question posée en séance publique le 24/01/2013

M. Robert Hue. Monsieur le Premier ministre, le 11 janvier dernier, le Président de la République a pris la courageuse décision d'engager nos forces armées au Mali. Il l'a fait dans le respect de la souveraineté de cet État à l'appel de son président et dans celui du droit international, en vertu d'une résolution du Conseil de sécurité des Nations unies.

Il s'agit incontestablement d'une rupture avec la période que nous souhaitons désormais révolue de la « Françafrique ». Comme la France est liée à l'Afrique et qu'elle défend partout dans le monde les valeurs de liberté et d'humanisme, elle a répondu présent à l'appel d'un pays ami qui aurait tout simplement pu sombrer et devenir un État terroriste.

Je veux ici rappeler, au nom de mes collègues du RDSE, le soutien sans réserve que nous apportons à nos troupes et à leurs familles.

Ce qui se joue en ce moment au Mali, c'est la sécurité de ce pays, celle d'une partie du continent africain, mais aussi celle de l'Europe. Alors que nous venons de célébrer le cinquantième anniversaire du traité d'amitié franco-allemande, l'Union européenne, dans son ensemble, se montre-t-elle suffisamment présente à ce rendez-vous majeur ?

Si les aides matérielles et logistiques commencent à arriver, il apparaît aux yeux de l'opinion publique que, aux côtés de la France, la réponse européenne n'est pas suffisamment à la hauteur des enjeux que représentent la stabilité et le développement de l'Afrique pour le destin de nos deux continents.

À ce titre, et parce qu'au bruit des armes doit succéder celui de la reconstruction et de la paix – le plus tôt sera le mieux –, l'Europe devra enfin prendre ses responsabilités envers ce continent qui, à bien des égards, est rongé par une terrible pauvreté, laquelle sert, on le sait, de terreau au terrorisme et aux extrémismes les plus violents.

Monsieur le Premier ministre, pouvez-vous informer le Sénat des dernières évolutions de la situation militaire au Mali, de la mise en place de la Mission internationale de soutien au Mali, la MISMA, et de notre coopération avec l'Algérie ?

Quelles nouvelles dispositions vous apprêtez-vous à prendre pour inciter nos partenaires européens à engager un partenariat de type nouveau avec l'Afrique ?

Par ailleurs, que pouvez-vous dire des intentions de la France en faveur d'une politique d'aide au développement, une politique concrète permettant de stabiliser cette région, de consolider la démocratie, et surtout de lutter à la source contre la misère et la pauvreté ? (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du groupe CRC.)



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Réponse du Premier ministre publiée le 25/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2013

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous avez décrit avec une grande précision la situation telle qu'elle se présente aujourd'hui au Mali. Vous avez eu raison de rappeler que la décision du Président de la République d'engager nos forces au Mali était certes grave, mais surtout courageuse et nécessaire.

Le 20 décembre 2012, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté une résolution - à l'unanimité, il faut le rappeler - visant à mettre en place une force militaire africaine, la MISMA, mais il a bien fallu constater le 11 janvier dernier que celle-ci n'était pas en mesure d'arrêter le cours des choses.

Nous avons été informés de ce que les différentes factions terroristes étaient en train d'entreprendre. Voyant se préparer la mise en place de cette force africaine, elles avaient décidé de pénétrer beaucoup plus avant dans le territoire malien, de déstabiliser totalement ce pays et de lui ôter toute sa souveraineté.

Certains se sont parfois demandé pourquoi il y avait, d'un côté, une résolution et, de l'autre, une intervention de la France. Notre pays n'a pas prétendu substituer son action à celle qui doit être conduite et qui se prépare : la mise en place de la force multinationale africaine, dont l'état-major est à Bamako. Les premières troupes arrivent et, d'ici à la fin du mois de janvier, ou au plus tard à la mi-février, plusieurs milliers de soldats de différents pays africains, de la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest, la CEDEAO, mais aussi d'États qui n'en sont pas membres - je pense au Tchad -, seront sur place et opérationnels.

Par ailleurs, l'Union européenne a spontanément décidé non seulement d'apporter son soutien matériel à la France, résultat des décisions prises par plusieurs États, mais surtout d'accélérer la mise en place de l'unité de formation de l'armée malienne et de la force internationale. L'état-major est également sur place.

Le Président de la République a pris la décision, qui, je l'ai dit, n'était pas facile, d'engager nos soldats le 11 janvier dernier après un conseil de défense.

Si nous n'étions pas intervenus, la mise en œuvre de la résolution du 20 décembre 2012 aurait été impossible et le Mali serait aujourd'hui totalement dans les mains des terroristes.

Comme ce pays est situé au cœur de l'Afrique de l'Ouest, c'est toute cette partie du continent qui aurait été ébranlée, ce qui aurait fait peser des menaces non seulement sur l'indépendance du Mali, mais aussi sur la stabilité de l'Afrique de l'Ouest, sur l'Europe, et plus particulièrement sur la France. Ne nous y trompons pas !

Le chef de l'État par intérim du Mali, le Président Traoré, a appelé au secours le Président de la République et a fait une demande officielle de soutien de la France.

La France a consulté tous ses partenaires, et d'abord ses partenaires africains, qui, tous, à l'unanimité, lui ont témoigné non seulement leur soutien - ils l'ont encore confirmé samedi dernier à la réunion d'Abidjan, à laquelle notre pays était représenté par le ministre des affaires étrangères, Laurent Fabius -, mais aussi leur reconnaissance. Et, en effet, si la France n'était pas intervenue, ce ne serait même plus la peine de parler aujourd'hui de la MISMA !

L'objectif, qui était d'arrêter la progression des groupes terroristes, est donc atteint. Nos troupes, avec les troupes maliennes, progressent déjà.

Néanmoins, comme je l'ai déjà indiqué hier à l'Assemblée nationale, la France n'a pas vocation à rester au Nord-Mali. La force africaine doit la suppléer le plus rapidement possible, et c'est ce remplacement que nous préparons.

Au-delà, il faudra également réussir la transition politique. Le Mali a des institutions provisoires, des dirigeants transitoires. Il est très important que la France, avec la communauté internationale et le Conseil de sécurité, veille attentivement à la réussite de cette transition. Ce n'est pas facile ! Bien sûr, il faudra exclure de la discussion les groupes terroristes et dialoguer avec les différentes composantes de la communauté nationale malienne et l'ensemble des forces politiques, mais il faudra aussi prendre en compte les spécificités territoriales - je pense au Nord-Mali et aux Touareg. Nous devons donc engager ce travail le plus vite possible et, surtout, faire en sorte de favoriser sa réussite.

Puis il y a un autre volet, que vous avez eu parfaitement raison d'évoquer, monsieur le sénateur, celui du développement. La plupart des pays concernés sont particulièrement pauvres. Dans ces conditions, il est de la responsabilité non seulement de la France, mais aussi de l'Europe de tout faire pour assurer le développement du continent africain, tout particulièrement de l'Afrique de l'Ouest.

Le ministre délégué chargé du développement, Pascal Canfin, pilote les Assises du développement et de la solidarité internationale, dont la clôture interviendra prochainement ; j'espère que cet événement contribuera également à mobiliser l'ensemble de nos partenaires européens.

C'est, nous en sommes convaincus, une nécessité, rappelée par le Président de la République, François Hollande, dans son discours de Dakar ; pour ma part, je crois qu'il est de notre responsabilité d'être en première ligne. (Marques d'impatience sur les travées de l'UMP.)

Mme Natacha Bouchart. Temps de parole encore dépassé ! Ce n'est pas normal !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Hue, vous avez évoqué un passé révolu, celui de la Françafrique, bien loin de nos convictions. Pour autant, comme vous l'avez parfaitement déclaré, cela ne signifie pas que la France doive se désintéresser de l'Afrique !

Au-delà, c'est la responsabilité de toute l'Europe qui est engagée.

Le continent africain a un bel avenir devant lui : cet avenir passe par la démocratie et par des institutions stables, mais aussi par le développement, un développement qui doit être durable et donner des perspectives à tous les peuples africains. Ce développement, c'est aussi le nôtre, car il sert à la fois l'intérêt des Africains, celui des Français et, plus largement, celui des Européens. Soyons donc à la hauteur de l'histoire.

Pour conclure, je veux adresser à nos soldats - et je suis sûr que vous y serez sensibles, mesdames, messieurs les sénateurs - un message de solidarité et de soutien dans la mission difficile qui est la leur, au service de la paix et de la liberté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - M. Hugues Portelli applaudit également.)

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