Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - SOC) publiée le 25/01/2013

Question posée en séance publique le 24/01/2013

M. Martial Bourquin. Monsieur le Premier ministre, vous avez fait de la lutte contre la pauvreté une priorité gouvernementale. Sachez que vous avez notre soutien le plus total pour rendre leur dignité à des millions de personnes.

La précarité dans notre pays est le fait d'une crise extrêmement violente et d'un chômage de masse inacceptable, mais c'est aussi le résultat de décisions politiques prises par les gouvernements précédents.

M. Alain Gournac. C'est toujours leur faute !

M. Martial Bourquin. Parmi ces décisions, il en est une qui est particulièrement inique, celle qui concerne les bénéficiaires potentiels de l'AER, l'allocation équivalent retraite, qui ont quitté leur emploi avant le 1er janvier 2009 ; il s'agit de personnes nées en 1952 et en 1953.

Souvenons-nous : en 2008, des dizaines de milliers de personnes ont accepté des plans sociaux au terme de quarante années de travail en pensant être protégées par l'AER. Leurs employeurs et l'administration la leur avaient promise ! (M. Alain Gournac s'exclame.)

Non seulement le gouvernement Fillon a mis fin à cette allocation au 1er janvier 2009, mais il a en outre prolongé de deux ans le supplice des anciens bénéficiaires potentiels en les ignorant totalement lors de la réforme des retraites de 2010. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Ils ont été méprisés, jetés dans la précarité et la pauvreté ! Au Sénat, nous avons, à deux reprises, obtenu la prolongation de ce dispositif. Lors de l'examen de la loi de finances pour 2013, nous avons fait voter, avec l'ensemble des groupes de la majorité, une contribution exceptionnelle de solidarité pour prendre en compte la situation de ces classes d'âge.

M. Alain Gournac. Programme nul !

M. Martial Bourquin. Une délégation formée de moi-même, Ronan Kerdraon et Alain Néri s'est rendue à Matignon, où nous avons reçu une écoute de qualité. Je sais aussi que les principales centrales syndicales vous ont, encore très récemment, alerté sur la situation de ces personnes, monsieur le Premier ministre.

Je connais votre attachement à la justice sociale. Je veux vous sensibiliser au drame humain, au véritable calvaire que vivent quotidiennement ces personnes. Ma question est simple : allez-vous réparer les erreurs des gouvernements Fillon et aider cette classe d'âge qui vit dans le dénuement et la précarité la plus complète ? Ces hommes et ces femmes, qui ont travaillé si longtemps, ont le droit de retrouver la dignité et l'espoir ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du Premier ministre publiée le 25/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2013

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur, je vous remercie d'abord de votre soutien au Gouvernement dans sa lutte contre la pauvreté et en faveur de l'inclusion sociale. J'aimerais que les sénatrices et sénateurs de l'opposition qui ironisent s'engagent également pour soutenir la lutte contre les injustices.

Mme Natacha Bouchart. Mais enfin, on fait quoi d'autre ?

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Aujourd'hui, 9 millions de personnes vivent, en France, sous le seuil de pauvreté. Cela mérite bien un combat et une mobilisation générale.

M. Éric Doligé. Payée par les départements !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur le sénateur, vous avez signalé une situation particulièrement injuste parce qu'il y a eu en quelque sorte tromperie envers ces trop nombreux salariés, aujourd'hui sur le carreau, qui, ayant perdu leur emploi ou accepté de bonne foi un départ volontaire en 2009 ou en 2010, pensaient pouvoir bénéficier de l'allocation équivalent retraite.

Puis, vous l'avez rappelé, le précédent gouvernement leur a fermé la porte au moment où il devenait encore plus difficile pour les salariés d'atteindre l'âge de la retraite...

M. François Rebsamen. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. ... puisque la réforme des retraites de 2010 venait d'augmenter la durée légale de cotisations. Ainsi, les personnes concernées par l'AER nées en 1952 et en 1953 se sont trouvées doublement pénalisées.

Le gouvernement précédent a mis en place, en catastrophe, une allocation dite « allocation transitoire de solidarité », ou ATS, dont le versement dépend de conditions tellement draconiennes que ce ne sont que quelques centaines de personnes qui peuvent en bénéficier. Le problème demeure donc entier.

M. Jean-Claude Carle. Eh oui !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Monsieur Bourquin, avec le président de votre groupe, François Rebsamen, vous faites partie de ceux qui m'ont alerté voilà déjà plusieurs semaines, et je vous sais aussi mobilisé que le sont, effectivement, toutes les organisations syndicales représentatives des salariés.

Vous avez raison, il faut trouver une solution à ce problème et mettre fin à cette injustice. Le Gouvernement s'y est engagé devant votre assemblée, le 26 novembre dernier, lors de la discussion de la loi de finances pour 2013.

À cette occasion, vous et vos collègues avez livré une analyse précise de la situation. Plus d'une dizaine de milliers de personnes nées en 1952 ou en 1953 et qui n'ont toujours pas atteint l'âge légal de la retraite à taux plein vivent ainsi actuellement avec le revenu de solidarité active ou l'allocation spécifique de solidarité.

Ces personnes vivent douloureusement leur situation : elles ont travaillé toute leur vie, ont toutes leurs annuités, mais, pendant les quelques mois - au maximum un an - qui doivent encore s'écouler avant que leur retraite puisse être liquidée, elles sont au RSA !

Mme Catherine Procaccia. Ce n'est pas une réponse !

M. Jean-Marc Ayrault, Premier ministre. Nous allons donc régler ce problème. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

J'ai en effet décidé de répondre à l'urgence sociale que vous dénoncez, monsieur Bourquin. J'ai décidé, à titre dérogatoire, de mettre en place une prestation d'un montant équivalent à l'AER. Pourront en bénéficier tous les chômeurs ayant de faibles ressources, âgés de cinquante-neuf ans et de soixante ans, inscrits à Pôle emploi avant le 31 décembre 2010, et qui n'ont pu bénéficier de l'AER. Cette prestation complétera leur revenu pour le porter à 1 030 euros par mois.

À cet effet, nous allons prendre un décret simple qui permettra l'ouverture de ce droit à partir du 1er mars 2013, c'est-à-dire dans quelques semaines désormais. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Ainsi, la justice sera rétablie : ces personnes pourront attendre l'âge de la retraite à taux plein dans la dignité, grâce à la solidarité nationale.

Je rappelle que cette mesure vient compléter une autre décision que le Gouvernement a prise après l'élection présidentielle et conformément aux engagements du Président de la République : le 2 juillet 2012, un droit de départ à taux plein a été ouvert aux salariés âgés de soixante ans ayant commencé à travailler avant vingt ans. Dépassant largement le nombre nécessaire d'annuités, ces salariés étaient injustement pénalisés.

Nous avons voulu donner un signal fort, ce qui ne règle bien entendu ni la question de l'avenir du financement de notre système de retraite ni les injustices, mais donne le sens, le ton de l'action du Gouvernement, montre notre souci de prendre à bras-le-corps les problèmes économiques et financiers, en marquant toujours nos décisions du sceau de la justice ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. - Protestations sur les travées de l'UMP.)

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