Question de M. BUFFET François-Noël (Rhône - UMP) publiée le 25/01/2013

Question posée en séance publique le 24/01/2013

M. François-Noël Buffet. Monsieur le président, ma question s'adresse à M. le ministre de l'intérieur.

La semaine dernière, le Sénat a rejeté le projet de loi rebaptisant conseillers départementaux les conseillers généraux et modifiant leur mode d'élection. C'est incontestablement un camouflet pour le Gouvernement. (C'est faux ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Gournac. Il y en a eu d'autres !

M. Alain Néri. C'est excessif !

M. François-Noël Buffet. C'est d'autant plus remarquable que l'opposition sénatoriale n'est pas la seule à avoir combattu cette réforme. En effet, monsieur le ministre, tous les partenaires de votre majorité – les élus radicaux, écologistes et communistes – ont mêlé leurs voix aux nôtres pour empêcher son adoption.

M. Alain Gournac. C'est vrai !

M. François-Noël Buffet. Ils l'ont fait, car cette réforme, qui constitue une atteinte grave à la représentation des territoires ruraux, n'a d'autre but que de favoriser électoralement les membres d'un parti politique, en l'occurrence le parti socialiste.

M. Alain Gournac. Exactement !

M. François-Noël Buffet. Après vos déclarations d'amour aux collectivités locales – mais je vous rappelle qu'« il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour » –, nous étions en droit d'espérer de votre gouvernement qu'il formule des propositions pour accompagner la décentralisation et améliorer les conditions d'exercice, toujours plus complexes, des mandats locaux.

Au lieu de cela, vous avez préféré matraquer financièrement les collectivités locales dans le projet de loi de finances. Faut-il rappeler que vous leur avez ponctionné plus de 2 milliards d'euros ?

À présent, vous voulez modifier les règles des élections locales,…

M. Alain Néri. Vous êtes des spécialistes !

M. François-Noël Buffet. … à la seule fin de tenter d'empêcher l'inévitable sanction dans les urnes de la politique actuellement menée par le Gouvernement.

M. Yves Daudigny. N'importe quoi !

M. François-Noël Buffet. L'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux est un objectif légitime, que nous partageons bien évidemment,…

Mme Éliane Assassi. Ce n'est pas ce que vous disiez la semaine dernière !

M. François-Noël Buffet. … mais il ne doit pas être poursuivi au détriment d'autres objectifs aussi légitimes, comme le pluralisme et la représentation de tous les territoires de la République.

Sous couvert de la parité, vous avez inventé un mode de scrutin à vos mesures qui n'a d'équivalent nulle part ailleurs – le monde nous l'envie ! – et dont le seul objet est d'affaiblir la représentation des territoires ruraux.

Dans certains départements, la population moyenne des cantons pourra dépasser 75 000 habitants, ce qui conduira à couper tout lien entre l'élu et les administrés.

Dans mon département, le Rhône, les cantons compteront en moyenne 64 000 habitants. Dans le nord de ce département, la fusion de six cantons au minimum sera nécessaire pour constituer un seul nouveau canton, lequel couvrira un tiers du département !

À présent que le Sénat, à qui la Constitution confère le rôle de représentant des collectivités territoriales de la République, a rejeté le texte, il serait de toute évidence contraire à l'esprit de nos institutions que le Gouvernement persiste dans son aveuglement et tente de faire passer en force un projet de loi sur les collectivités territoriales à l'Assemblée nationale, contre l'avis du Sénat, étant une fois encore rappelé qu'il ne s'agit pas de n'importe quel avis puisque des voix de votre majorité se sont mêlées à son rejet.

Personne ne veut de votre réforme ! Nous vous demandons donc de retirer ce projet de loi de l'ordre du jour et de nous présenter une autre copie, si tant est que vous le souhaitiez, plus conforme aux intérêts de nos territoires, et singulièrement des territoires ruraux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 25/01/2013

Réponse apportée en séance publique le 24/01/2013

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, prolongeons de quelques minutes les trente-deux heures que nous avons déjà consacrées ensemble à ce débat, qui fut d'ailleurs d'une très grande qualité.

M. Jean-Pierre Sueur. Très riche !

M. Manuel Valls, ministre. Le texte a été rejeté, c'est incontestable.

M. Gérard Larcher. Ce fut clair !

M. Manuel Valls, ministre. Ce n'est pas la première fois que cela se produit au Sénat et, à l'instar de M. Rebsamen ce matin, on peut le regretter.

En tout cas, je constate que, même si le texte n'a pas été voté - et ne s'applique bien évidemment pas à ce stade -, le Sénat a adopté des mesures qui me paraissent importantes, notamment la suppression du conseiller territorial, en faveur de laquelle une majorité s'est dégagée, réforme qu'il nous faut donc bien poursuivre (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.), le report des élections départementales et régionales en 2015 ou encore les nouvelles règles pour l'élection directe des conseillers communautaires.

Une élection démocratique, c'est d'abord une élection permettant à la société d'être correctement représentée. Le scrutin départemental doit donc être strictement paritaire, et l'objectif du Gouvernement est qu'il en soit ainsi. Qui peut se satisfaire du fait que la représentation des femmes dans les conseils généraux soit limitée à 13,5 % ? (Mmes Dominique Gillot et Laurence Rossignol désignent les membres de l'opposition.)

Mme Éliane Assassi. Eux là-bas !

M. Manuel Valls, ministre. Qui peut admettre que trois départements ne comptent toujours aucune femme au sein de leurs conseils généraux ? (M. Alain Gournac s'exclame.)

De même, nous ne voulions pas d'un scrutin strictement proportionnel, car il n'aurait pas permis une bonne représentation des différents territoires composant un département.

De toute façon, même si le mode de scrutin actuel était conservé, un redécoupage serait nécessaire. Le découpage actuel date de 1801. Je veux bien concevoir que l'on soit attaché au Consulat - je le suis moi-même à certaines mesures prises par Bonaparte (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.) -,...

M. Jean-Vincent Placé. Lesquelles ? (Sourires.)

M. Manuel Valls, ministre. ... mais il faut vivre avec son temps ! (M. Alain Gournac s'exclame.) Or notre temps appelle un certain nombre de changements.

La représentation démographique doit être claire, simple, compréhensible par tous. La représentation cantonale ne devra pas s'écarter de la règle fixée par le Conseil d'État, c'est-à-dire de la règle des plus ou moins 20 %, même si, pour ma part, je suis prêt à desserrer cet étau en introduisant une série d'éléments garantissant une bonne représentation géographique des territoires ruraux et de la montagne. C'est donc un sujet sur lequel je pense que nous allons pouvoir progresser.

Monsieur Buffet, l'ancienne majorité avait introduit de la confusion entre le département et la région. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste. - Protestations sur les travées de l'UMP.) Ce gouvernement redonne sa place au département.

M. Yves Daudigny. C'est vrai !

M. Ladislas Poniatowski. Ce n'est pas très solide !

M. Manuel Valls, ministre. Vous ne teniez pas compte de la population. Vous aviez oublié qu'en démocratie, un homme ou une femme, c'est une voix, et vous aviez choisi un mode de scrutin qui pénalisait les femmes. Nous, nous mettons en œuvre la parité ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

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