Question de Mme ANGO ELA Kalliopi (Français établis hors de France - ECOLO) publiée le 08/02/2013

Question posée en séance publique le 07/02/2013

Mme Kalliopi Ango Ela. Ma question s'adresse à Mme la ministre des droits des femmes.

Madame la ministre, hier, 6 février, c'était la Journée internationale contre les mutilations génitales féminines.

La lutte contre ces crimes que constituent l'excision, l'infibulation ou toute autre mutilation génitale dont sont victimes les femmes, jeunes filles et petites filles, nous concerne toutes et tous. Pour mener efficacement ce combat, il est avant tout nécessaire qu'il soit visible, notamment dans cet hémicycle.

Ces pratiques inacceptables concernent plus de 135 millions de femmes dans le monde. Cette situation dramatique concerne directement la France, où le nombre de femmes excisées est estimé à 50 000.

Il me semble indispensable de rappeler que ces combats se mènent depuis des années dans plusieurs pays en Afrique, en Indonésie et ailleurs, grâce au courage de femmes exceptionnelles qui se mobilisent en vue de l'éducation des filles et qui luttent aussi contre « l'économie de l'excision ».

Nous devons comprendre que les ressortissants des États concernés sont, plus que jamais, mobilisés contre ces tortures. Les discours de Thomas Sankara contre l'excision sont bien connus. Plus récemment, le musicien et interprète ivoirien Tiken Jah Fakoly chantait « Non à l'excision ! Ne les touchez plus, elles ont assez souffert ! »

Femmes, hommes, chefs d'État, tous s'impliquent donc dans cette lutte nécessaire.

Je citerai, par exemple, le Protocole de Maputo, signé le 11 juillet 2003 par cinquante-trois chefs d'État de l'Union africaine et dont l'article 3 dispose que les mutilations génitales féminines doivent être interdites et sanctionnées.

Je tiens à saluer ici l'immense travail qu'accomplit en France depuis trois décennies le GAMS, le Groupe pour l'abolition des mutilations sexuelles, des mariages forcés et autres pratiques traditionnelles néfastes à la santé des femmes et des enfants, notamment en matière de prévention et d'information. Il mène aussi et surtout un combat judiciaire, ayant permis de faire progresser à la fois les esprits et notre droit.

À l'échelon international, diverses résolutions ont été prises par l'ONU sur ce « problème de santé publique prioritaire », comme ce fut également le cas, à l'échelon communautaire, par le Parlement européen.

Enfin, le Conseil de l'Europe appelle à une attention particulière pour les demandes d'asile liées au genre. Sa Convention dite « d'Istanbul », du 5 mai 2011, consacre son article 38 à la lutte contre les mutilations génitales féminines.

Madame la ministre, j'apprécie et j'encourage évidemment votre engagement dans la lutte contre les violences faites aux femmes, et plus particulièrement sur ces questions. Pour autant, quelles nouvelles initiatives le Gouvernement envisage-t-il de prendre pour accompagner ce mouvement en faveur de la lutte contre les mutilations génitales féminines ? Quand la France ratifiera-t-elle la Convention d'Istanbul et procédera-t-elle aux adaptations préalables nécessaires en droit pénal français ? (Applaudissements.)

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Réponse du Ministère des droits des femmes publiée le 08/02/2013

Réponse apportée en séance publique le 07/02/2013

Mme Najat Vallaud-Belkacem, ministre des droits des femmes, porte-parole du Gouvernement. Madame la sénatrice, vous avez raison de le souligner, plus de 100 millions de femmes à travers le monde sont victimes de cette pratique barbare, intolérable, violente, dangereuse, pour laquelle aucune justification culturelle ou religieuse ne peut être avancée.

Nous devons d'abord nous réjouir du fait que, le 20 décembre dernier, l'Assemblée générale des Nations unies a adopté une résolution pour en finir une fois pour toutes avec cette pratique et s'en donner enfin les moyens. Sachez que la France a compté pour beaucoup dans ce combat qui est mené depuis des années et qu'elle reste mobilisée aux côtés du Secrétaire général des Nations unies.

Regardons aussi ce qui se passe sur notre sol. La France est l'un des premiers pays à avoir saisi ce sujet à bras-le-corps, dès 1983, notamment grâce à l'action du GAMS, que vous avez eu raison de citer et auquel il faut rendre hommage, madame la sénatrice. Oui, notre pays est l'un des premiers à avoir jugé et condamné les familles responsables des mutilations sexuelles féminines. Je rappelle que, dans notre code pénal, l'excision, qu'elle ait été commise en France ou à l'étranger, est un crime, jugé donc en cour d'assises.

Nous comptons renforcer encore la sanction prévue pour ces faits.

Le Gouvernement vient d'élaborer un projet de loi visant à adapter notre droit pénal aux dispositions de la convention d'Istanbul. Ce texte a été très récemment adressé au Conseil d'État et sera présenté en conseil des ministres d'ici à la fin de ce mois. Il sera ensuite sans délai présenté au Parlement et déposé sur le bureau de votre assemblée. Il prévoit en particulier de faire de l'incitation à subir une mutilation sexuelle féminine une infraction autonome. Ce sera un progrès supplémentaire.

Mais, au-delà du droit et de la vertu dissuasive des grands procès, c'est la qualité de la prévention qui fera reculer ces pratiques. C'est pourquoi nous devons toujours plus informer les populations les plus exposées, en particulier lorsqu'elles s'apprêtent à se rendre à l'étranger. Le Gouvernement y travaille.

Il faut également veiller à ce que ces cas d'excision soient détectés le plus précocement possible, afin de pouvoir intervenir à temps, notamment pour protéger les filles qui sont dans l'entourage des victimes signalées.

Le Parlement a déjà amélioré la loi pour que le secret médical ne s'oppose plus à ce que les médecins signalent les infractions de ce type.

Les professionnels de la protection maternelle et infantile jouent un rôle absolument majeur dans cette action de prévention. Les pays étrangers suivent de très près leur travail et nous envient ces structures. Cette participation doit se poursuivre. Il faut en particulier veiller à ce que, dans le cadre de la formation qui sera conduite par l'Observatoire national des violences faites aux femmes qui vient d'être mis en place, l'excision et les mutilations sexuelles féminines soient considérées comme des violences à part entière. Ce sera le cas.

Je veux enfin insister sur l'importance de l'après. La France compte des professionnels qui, comme Pierre Foldes, sont spécialisés dans la réparation des dommages causés par l'excision. Cela permet de dire aux victimes que leur souffrance n'est pas définitive.

Madame la sénatrice, le meilleur service à rendre aux victimes est de les faire parler et de parler de ces pratiques. Alors, comme le Gouvernement s'apprête à le faire, soutenons l'initiative du collectif « Excision, parlons-en ! » qui va se dérouler tout au long de l'année 2013. (Applaudissements.)

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