Question de M. BEAUMONT René (Saône-et-Loire - UMP) publiée le 08/02/2013

Question posée en séance publique le 07/02/2013

M. René Beaumont. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le ministre du redressement productif. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

Monsieur le ministre, je vais vous parler de culture cet après-midi, d'une « guerre des anciens et des modernes » réinventée en l'occurrence, une guerre aux effets contradictoires, où se mêlent en quelque sorte le bien mais aussi le mal !

Amazon, le distributeur américain aux 50 milliards d'euros de chiffre d'affaires annuel, expression même de la modernité numérique et du commerce dématérialisé, arrive chez vous, monsieur le ministre, et chez nous !

Ce sont 1,12 million d'euros d'aides publiques qui ont été débloquées pour la création de 250 emplois fermes, voire un millier à terme – aucune date n'est précisée –, dans un nouvel entrepôt, à Sevrey, en Saône-et-Loire.

Dans le contexte économique ultra-déprimé actuel, quand les licenciements succèdent aux licenciements, dans tous les secteurs et partout en France, quelle que soit la taille des entreprises – de surcroît, ces dernières mettent le plus souvent la clé sous la porte sans crier gare ! –, une telle implantation peut apparaître comme une bonne nouvelle.

Mais, comme vous le savez aussi, plus rien n'est simple dans notre monde compliqué : la médaille a un revers et la mariée n'est pas si belle…

Dans le même temps, en effet, les vingt-six magasins de Virgin – un « grand » de la distribution de produits culturels dans notre pays – ont été placés en redressement judiciaire pour une période de quatre mois, le temps de trouver éventuellement une solution pour le millier de salariés encore en poste.

Prompte à réagir, votre collègue ministre de la culture, Mme Aurélie Filippetti, a fait un parallèle entre cette situation et la nouvelle implantation du mastodonte américain, le rendant en partie responsable des difficultés des Virgin stores !

Mais la ministre n'est pas la seule à souligner que cette société est à l'origine d'une concurrence déloyale : Amazon n'est en effet pas soumise aux mêmes contraintes sociales, et surtout fiscales, que les autres.

M. David Assouline. C'est vrai !

M. René Beaumont. Un véritable « front anti-Amazon » des distributeurs se développe, qui va de la FNAC aux enseignes de toute la grande distribution, pour dénoncer le fait que cette société paie peu ou pas d'impôts en France.

Eux-mêmes acteurs du commerce électronique,…

M. le président. Veuillez poser votre question, mon cher collègue.

M. René Beaumont. … ils estiment cependant scandaleux que l'on accorde des subventions à une entreprise qui ne le mérite pas ou si peu.

Monsieur le ministre, quelle incohérence gouvernementale que ce gaspillage d'euros ! Qu'envisagez-vous donc pour éviter ces coûteuses bavures ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

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Réponse du Ministère du redressement productif publiée le 08/02/2013

Réponse apportée en séance publique le 07/02/2013

M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif. Monsieur Beaumont, il est vrai que le dossier Amazon montre de façon éclatante les contradictions de la société actuelle.

Nous vivons en effet un véritable changement sociétal, qui voit de plus en plus de nos concitoyens faire leurs courses depuis chez eux, sans se déplacer, et attendre un service très rapide de livraison à domicile.

Il est vrai que le commerce classique, petit, moyen ou grand, n'échappe pas à cette mutation généralisée et mondiale - on pensait que cette évolution nuirait avant tout au petit commerce de détail, mais, en réalité, elle impacte aussi la grande distribution.

Nous avons deux solutions : nier cette mutation, ou l'accompagner. Nous avons fait le choix de ne pas la nier et de l'accompagner, tout en contestant ses excès.

Je vais me faire le porte-parole temporaire et amical de ma collègue Aurélie Filippetti. Fallait-il ne pas accueillir Amazon sur les quatre territoires où cette société souhaitait s'installer en France, à savoir Montélimar, dans la Drôme, Saran, dans le Loiret, Sevrey, en Saône-et-Loire, et Douai, dans le Nord ?

Je vous rappelle que nous parlons d'environ 2 500 emplois au total créés d'ici à 2015.

Nous pourrions en effet dire à Amazon : nous ne voulons pas de vous, quittez la France ! Ce n'est pas la stratégie qu'a choisie le ministère du redressement productif, qui est aussi celui de l'hospitalité économique et industrielle. (Sourires.)

Les collectivités locales peuvent-elles résister à la tentation, légitime, humaine et naturelle, d'accueillir cette société qui entend créer des emplois ? La réponse est non, ce ne serait pas sérieux et, en tant qu'ancien président d'un département que je connais bien, monsieur le sénateur, vous seriez le premier à attaquer ceux qui se comporteraient de cette manière !

M. Didier Guillaume. Ces implantations créent des emplois !

M. Arnaud Montebourg, ministre. Des règles sont déjà applicables, dans toutes les collectivités locales, pour la totalité des emplois qui viennent s'implanter sur nos territoires, quels qu'ils soient.

Toutefois, monsieur le sénateur, le Gouvernement a entrepris des démarches visant à soumettre les géants de l'internet à une fiscalité concurrentielle, en tout cas de même niveau et de même nature que celle qui s'applique à leurs concurrents. C'est bien le minimum ! Nous ne souhaitons pas que l'Union européenne se transforme en immense paradis fiscal pour les géants de l'internet ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

C'est la raison pour laquelle la France a pris l'initiative, dans une négociation motrice, monsieur le président, de faire évoluer le taux d'imposition, en liaison avec nos partenaires européens. Cette négociation, nous l'espérons, devrait aboutir dès 2015.

Ne pas rejeter ce qui est utile, mais éliminer ce qui est mauvais : voilà une ligne sur laquelle nous devrions tous pouvoir nous mettre d'accord ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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