Question de Mme BLANDIN Marie-Christine (Nord - ECOLO) publiée le 14/02/2013

Mme Marie-Christine Blandin attire l'attention de Mme la garde des sceaux, ministre de la justice, sur un risque grave de rupture dans les instructions du pôle santé du tribunal de grande instance de Paris. Parmi les dossiers instruits, il y en a un qui est particulièrement dense, douloureux et complexe : celui de l'amiante.
L'usage de l'amiante est le résultat d'une erreur de choix technologique, suivie d'une volonté de le prolonger malgré des alertes et des expertises précisant sa haute toxicité et les pathologies mortelles engendrées. Les victimes réclament justice et constatent la lenteur et l'impasse de l'instruction de leurs plaintes.
Elle lui demande de garantir le bon déroulement des instructions, en toute indépendance : pour ce faire elle lui demande de veiller à ce que des moyens conséquents permettent le bon fonctionnement du pôle santé et à ce que la connaissance des dossiers ne soit pas perdue au gré de mutations de magistrats compétents et résolus.
La question de la rétroactivité de l'application des textes visant à limiter la durée dans le temps de la fonction de juge d'instruction spécialisé (loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 relative au statut des magistrats et au Conseil supérieur de la magistrature) est, dans le cas précis de l'instruction de l'amiante, soumise à interprétations diverses. En effet, en son article 13 la loi organique prévoit que ne sont concernés par la limite dans le temps que les magistrats dont la nomination intervient après le 1er janvier 2002. Or, si la juge Bertella-Geffroy a été nommée vice-présidente chargée de l'instruction par décret du 26 février 2003, cela n'a pas changé, dans les faits, ni le grade, ni la fonction, ni le traitement, ni les dossiers en charge, qui résultaient de sa nomination comme première juge d'instruction par décret du 6 novembre 1990. Il serait souhaitable non seulement que la bonne interprétation soit tranchée par une autorité indépendante, mais encore qu'elle soit confrontée à ses conséquences quant à l'aboutissement des procédures pénales de la plus grande catastrophe sanitaire que notre pays ait connue.
Elle lui demande comment le Gouvernement compte étayer les moyens et ressources humaines de la justice en matière de plaintes dans le domaine sanitaire. Et plus précisément s'il est possible de surseoir au déchargement de la juge en charge de ces dossiers sensibles, au moins le temps que soit garantie la transmission de la parfaite maîtrise de ce dossier.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 20/06/2013

Mme Bertella-Geffroy, le magistrat, en charge des dossiers d'instruction relatifs à l'amiante, a été nommée vice-présidente chargé de l'instruction au tribunal de grande instance de Paris par décret du 26 février 2003 et installé le 3 mars 2003. L'article 28-3 de l'ordonnance n° 58-1270 du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature modifié par la loi organique n° 2001-539 du 25 juin 2001 limite l'exercice des fonctions de juge d'instruction au sein d'une même juridiction à une durée de 10 ans pour les nominations intervenues à compter du 1er janvier 2002. Compte tenu du débat juridique et statutaire initié par Mme Bertella-Geffroy, la garde des sceaux, ministre de la justice, a pris la décision le 22 février dernier de saisir sur le fondement de l'article 65 de la Constitution, la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature afin qu'elle donne son avis sur la manière dont on peut interpréter les règles statutaires applicables à sa situation. La garde des sceaux avait déjà demandé l'avis du secrétaire général du Gouvernement. Après avoir pris acte de l'avis du Conseil supérieur de la magistrature du 13 mars 2013, la garde des sceaux n'a pu que constater que les conclusions émises rejoignaient celles formulées par le secrétaire général du Gouvernement le 24 décembre 2012. En effet, dans son avis rendu le 13 mars 2013 le Conseil supérieur de la magistrature a considéré que les magistrats du premier grade qui occupaient au 1er janvier 2002 la fonction de premier juge spécialisé et qui, postérieurement à cette date, ont été nommés dans la même fonction spécialisée sur un autre poste dans le même tribunal, doivent se voir appliquer les dispositions de l'article 28-3 de l'ordonnance du 22 décembre 1958. En conséquence, ils sont, du fait de la loi, déchargés automatiquement de leurs fonctions spécialisées à l'échéance des 10 ans. Le président de la République a ainsi constaté la décharge d'activités de Mme Bertella-Geffroy par décret en date du 27 mars 2013 publié au Journal Officiel de la République Française le 29 mars 2013. Il n'existe pas d'exception à l'application de cette règle du statut de la magistrature et il ne s'agit pas d'une mutation mais d'une décharge des fonctions de juge d'instruction. Comme la garde des sceaux s'y était engagée, Mme Bertella-Geffroy a été immédiatement remplacée afin d'assurer un suivi dans la conduite de ses dossiers. Par ailleurs, des cosaisines ont été mises en place pour chacun des dossiers concernés. Enfin, la ministre de la justice a fait savoir au premier président de la Cour d'appel de Paris son souhait d'être informée de toute difficulté en termes d'effectifs ou de moyens qui empêcheraient le déroulement normal de la procédure afin d'y répondre dans les plus brefs délais. La bonne administration de la justice sera ainsi assurée de même que la continuité du service public de la justice. Ainsi qu'elle y veillera, l'instruction des dossiers relatifs à l'amiante ne devrait dans ce cas pas connaître de retard.

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