Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - UMP) publiée le 14/03/2013

M. Jean-Claude Carle appelle l'attention de Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur l'avenir de la compétence en matière d'instruction des dossiers relevant du droit des sols.
Des maires de son département l'ont informé que, lors d'une récente réunion organisée en préfecture de la Haute-Savoie, ils se sont vu annoncer qu'à compter du 1er janvier 2014, les services de la direction départementale des territoires (DDT) ne seraient plus en mesure d'instruire les dossiers de droit des sols émanant des communes, et ce pour cause de rigueur budgétaire.
Plus grave encore, si ces communes ne mettent pas en œuvre les moyens pour reprendre à leur compte cette instruction, de quelque manière que ce soit, leurs différents dossiers d'urbanisme se verront agréés de manière « tacite », avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer. Il a été suggéré à ces maires d'organiser ce service au niveau des intercommunalités auxquelles ils appartiennent.
Or, cette évolution engendre un transfert de charges financières non négligeable vers ces intercommunalités, donc sur le compte des contribuables. À titre d'exemple, un premier chiffrage a révélé que le coût de ce service s'élèverait à environ à 200 000 € annuels pour la seule Communauté de communes du Canton de Rumilly. Pourtant, le code de l'urbanisme impose toujours à l'État d'assurer ce service aux communes de moins de 10 000 habitants sans contrepartie financière.
Par ailleurs, les élus locaux ont été surpris de s'entendre dire que les services de l'État, qui n'auraient plus le temps d'assurer l'instruction des dossiers, auraient en revanche tout le temps nécessaire pour mieux accompagner les collectivités dans cette transmission de compétence et dans l'élaboration de leurs documents d'urbanisme, entre autres de type PLU ou SCOT.
Il s'agit là, à son sens, d'un désengagement patent de l'État. Il est pour le moins surprenant de la part d'un Gouvernement dont l'un des axes principaux de sa politique était justement la restauration du service public. Ce désengagement frappe très durement les petites collectivités qui ne disposent que de structures légères et de faibles moyens financiers pour recruter du personnel spécialisé.Il est d'autant moins admissible qu'il se fait sans aucune compensation financière.
Enfin, la DDT n'ayant plus à assumer la gestion des routes, transférée aux départements, elle aurait pu se concentrer sur ces missions d'urbanisme. En réalité, il s'agit d'un nouveau coup porté aux territoires ruraux ! Un coup très grave car, sauf à alourdir notablement la fiscalité locale, ceux-ci ne pourront pas reprendre cette compétence.
Au regard de ces éléments et des conséquences d'une telle décision, il lui demande de bien vouloir entendre les élus locaux et lui indiquer les mesures qu'elle serait susceptible de mettre en œuvre afin de les rassurer quant à l'avenir et à la pérennité des missions d'instruction du droit des sols.

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Réponse du Ministère de l'égalité des territoires et du logement publiée le 11/09/2013

Réponse apportée en séance publique le 10/09/2013

M. Jean-Claude Carle. Madame la ministre, je souhaite appeler votre attention sur l'avenir de la compétence en matière d'instruction des dossiers relevant du droit des sols.

Des maires de mon département m'ont informé que, lors d'une réunion organisée à la préfecture de la Haute Savoie, ils se sont vu annoncer qu'à compter du 1er janvier 2014 les services de la direction départementale des territoires ne seraient plus en mesure d'instruire les dossiers de droit des sols émanant des communes, et ce pour cause de rigueur budgétaire.

Plus grave encore, si ces communes ne mettent pas en œuvre les moyens pour reprendre à leur compte cette instruction de quelque façon que ce soit, leurs différents dossiers d'urbanisme se verront agréés de manière tacite, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer.

Il a été suggéré à ces maires d'organiser ce service à l'échelon de l'intercommunalité dont ils relèvent. Cette proposition est a priori fondée, la mutualisation des moyens dans ce secteur paraissant en effet intéressante.

Mais cette évolution engendre un transfert de charges financières non négligeable vers ces intercommunalités, ce qui pèse par conséquent sur les contribuables. À titre d'exemple, un premier chiffrage a révélé que le coût de ce service s'élèverait à environ 200 000 euros annuels pour la seule communauté de communes du canton de Rumilly.

Pourtant, le code de l'urbanisme impose toujours à l'État d'assurer ce service au bénéfice des communes de moins de 10 000 habitants sans contrepartie financière.

Par ailleurs, les élus locaux ont été étonnés de s'entendre dire que les services de l'État, qui n'auraient plus le temps d'assurer l'instruction des dossiers, disposeraient en revanche de tout le temps nécessaire pour mieux accompagner les collectivités dans cette transmission de compétence et dans l'élaboration de leurs documents d'urbanisme, de type plan local d'urbanisme ou schéma de compétence territoriale, entre autres.

Il s'agit là à mon sens d'un désengagement patent de l'État. Ce désengagement est pour le moins surprenant de la part d'un gouvernement dont l'un des axes principaux de la politique était précisément la restauration du service public.

Ce désengagement frappe très durement en particulier les petites collectivités qui disposent seulement de structures légères et de faibles moyens financiers afin de recruter du personnel spécialisé.

Il est d'autant moins admissible qu'il se fait sans compensation financière aucune. N'est-ce pas votre actuelle majorité, madame la ministre, qui reprochait naguère vertement au précédent gouvernement de compenser insuffisamment les transferts de compétences auquel il procédait ? Que de fois n'ai-je entendu, au conseil régional Rhône-Alpes, les élus de la majorité dénoncer les carences du précédent gouvernement ?

Enfin, la direction départementale du territoire n'ayant plus à assumer la gestion des routes, transférée aux départements, aurait pu se concentrer sur ses missions d'urbanisme.

En réalité, il s'agit d'un nouveau coup porté aux territoires ruraux ! Un coup grave car, sauf à alourdir notablement la fiscalité locale, ceux-ci auront des difficultés à reprendre cette compétence. C'est tout simplement un nouveau signe d'abandon des territoires ruraux, ce que nous ne pouvons accepter !

Madame la ministre, au regard de ces éléments et des conséquences d'une telle décision, je vous demande de bien vouloir entendre la voix des élus locaux et de m'indiquer quelles mesures vous seriez susceptible de mettre en œuvre afin de les rassurer quant à l'avenir et à la pérennité des missions d'instruction du droit des sols.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Monsieur le sénateur, vous évoquez dans votre question une réforme que j'ai décidé d'engager pour mon ministère : celle de l'instruction du droit des sols.

Vous parlez justement de transfert de compétence. Ces missions ont en effet été transférées par la loi de décentralisation de 1982, qui confie une compétence pleine et entière aux communes en matière de délivrance d'autorisations d'urbanisme, et notamment de permis de construire. Aujourd'hui, plus de trente ans après cette loi, l'instruction des permis de construire par les services de l'État pour le compte des communes repose sur des dispositions de transition introduites dans le code de l'urbanisme pour accompagner la décentralisation de l'urbanisme ; ces dispositions sont devenues pérennes sans raisons valables. Elles ont d'ailleurs pour effet d'éloigner les lieux d'instruction des lieux de décision et créent dans un certain nombre de cas des tensions, des élus ayant tendance à considérer que c'est l'État qui accorde ou refuse certains permis de construire.

Dans un cadre de nécessaires économies et de rationalisation des finances publiques, j'ai souhaité, plutôt que de réaliser une diminution généralisée et homogène des effectifs - c'est ce qui avait été fait au sein des directions départementales des territoires notamment au titre de la révision générale des politiques publiques, fragilisant les personnels, les mettant dans une situation ne leur permettant pas d'assumer les missions pour lesquelles ils étaient mandatés alors qu'il leur était demandé parallèlement d'assurer le même niveau de service que précédemment -, j'ai souhaité, disais-je, renoncer de manière claire et assumée à cette mission, qui est une mission pleine et entière des collectivités territoriales, mais accompagner ce transfert et la montée en compétence des intercommunalités.

L'État continuera naturellement à instruire les permis dont il a légalement la charge. Il ne s'agit bien entendu pas, par ce redimensionnement de l'application du droit des sols, de faire disparaître la filière métier. Je considère que la compétence en matière de droit des sols comporte un certain nombre de missions qui sont d'ordre régalien. Celles-ci seront poursuivies. L'État continuera d'exercer un contrôle de légalité ou de remplir ses missions fiscales.

Mais je le redis et je vous le confirme, après l'avoir indiqué voilà maintenant près d'un an, monsieur le sénateur : l'instruction pour le compte des petites communes sera recentrée sur celles qui sont membres d'intercommunalités ne disposant pas de la taille critique pour structurer au niveau intercommunal un service d'instruction. Nous n'abandonnons pas les toutes petites intercommunalités qui, aujourd'hui, ne seraient pas matériellement en situation de procéder à ce service.

Mais nous allons maintenant franchir une nouvelle étape dans la reconnaissance de la capacité des communes ou des intercommunalités à exercer pleinement les compétences qui leur ont été dévolues par le législateur. Dans une logique d'anticipation et de lisibilité, j'ai prévu d'encourager la prise de l'instruction par les communes avant la fin de l'année 2015, soit directement, soit via la constitution de services mutualisés à l'échelle d'une ou de plusieurs intercommunalités - je réponds là à votre interrogation - qui pourront se rassembler.

Pour les collectivités qui sont tenues de mettre fin au recours aux services de l'État, une convention de transition pourra être établie en vue de définir les modalités d'accompagnement de l'État pour la mise en place de ces services.

Parallèlement, la filière « application du droit des sols » sera restructurée pour faire face à toutes les responsabilités de l'État en matière de droit des sols, notamment les actes pour le compte de l'État ; cette restructuration permettra également à l'État d'être à la hauteur des enjeux - vous avez évoqué ce point en parlant des schémas de cohérence territoriale et des plans locaux d'urbanisme - réaffirmés d'animation, d'expertise ou de contrôle.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je tiens tout d'abord à remercier Mme la ministre des informations qu'elle a apportées. Je rappelle que ce mouvement s'inscrit dans le processus de décentralisation auquel les élus locaux ne sont pas hostiles. Ces derniers ne sont en effet pas opposés à une évolution de la situation et au fait d'assumer cette mission, à condition bien sûr d'en avoir les moyens financiers. Je note bien que ce point fera l'objet de conventions, et notamment d'un appui de l'État pour les très petites collectivités. Je souhaite aussi que l'État puisse apporter son ingénierie et ses compétences techniques au bénéfice de ces petites collectivités qui n'ont pas les moyens humains et financiers de faire face à cette mission, mission qu'elles ne refusent pas, je le répète, mais qu'elles aimeraient avoir la capacité d'assumer.

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