Question de M. SAVIN Michel (Isère - UMP) publiée le 28/03/2013

M. Michel Savin attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les milliers de personnes que l'État à l'obligation d'héberger en raison de leur statut de demandeurs d'asile, de déboutés du droit d'asile ou de sans papiers.

Maire d'une commune qui accueille, pendant la période hivernale, une quarantaine d'adultes et d'enfants, il est inquiet et s'interroge face à la demande en constante augmentation des demandeurs d'asile et de sa gestion.

L'hébergement de ces familles pendant la période hivernale n'est, en effet, qu'une réponse face à l'urgence. Cette situation démontre la nécessité de mettre en œuvre un dispositif sanitaire et social spécifique pour répondre aux problèmes de délai d'instruction des dossiers par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA), de gestion des flux à l'échelle des départements, de places en centre d'accueil, de sécurité, de prostitution, de scolarité.

Ces questions se posent à la France mais les réponses dépassent largement les frontières du territoire national.

Or, les récentes mesures prises par certains pays de l'Union européenne, visant à réduire les entrées migratoires, confirment qu'il y a urgence à revoir notre politique communautaire si l'on souhaite faire preuve d'efficience en matière d'accueil des populations dont la sécurité n'est pas assurée dans leurs pays d'origine et si l'on veut éviter ce que l'on pourrait appeler un « appel d'air ».

Il souhaite savoir si le Gouvernement envisage de mobiliser les instances européennes afin de rendre plus efficiente la politique communautaire d'accueil des demandeurs d'asile et s'il peut solliciter ces mêmes instances, afin de créer un statut des minorités garantissant leur protection dans leurs pays d'origine, quand celui ci est membre de l'Union européenne. Il souhaite également savoir quand pourra être opérée, au niveau national, une réduction des délais d'instruction des dossiers traités par l'OFPRA, la procédure pouvant s'avérer souvent longue (12 à 18 mois). Enfin, il souhaite savoir si le Gouvernement a l'intention de proposer une gestion de l'accueil, de l'hébergement et de l'accompagnement des demandeurs d'asile, à l'échelle départementale, pour une meilleure prise en charge des demandes, en dotant les préfectures de moyens et de matériels adaptés.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 24/07/2013

Réponse apportée en séance publique le 23/07/2013

M. Michel Savin. Monsieur le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les milliers de personnes que l'État a l'obligation d'héberger en raison de leurs statuts de demandeurs d'asile, de déboutés du droit d'asile ou de sans-papiers.

Maire d'une commune qui accueille, pendant la période hivernale, une quarantaine d'adultes et d'enfants, je m'inquiète face à la constante augmentation des demandeurs d'asile et à la gestion d'une telle situation.

Dernièrement, les vingt-huit maires de la communauté d'agglomération de Grenoble ont reçu un courrier du président de l'intercommunalité, dans lequel celui-ci écrivait :

« Les lieux d'accueil, gérés par l'État, sont totalement saturés et ne peuvent plus faire face à ces arrivées régulières.

« Le corollaire de cet état de fait est une situation de précarité, qui se diffuse à l'ensemble du territoire, au-delà des zones urbaines prioritairement concernées.

L'État, compétent dans ce dossier, m'a officiellement annoncé son impossibilité de maintenir son effort financier lié à ses obligations, faute de crédits disponibles. »

Cette situation démontre la nécessité de mettre en œuvre un dispositif sanitaire et social spécifique pour répondre aux problèmes de délai d'instruction des dossiers par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, l'OFPRA, de gestion des flux à l'échelle des départements, de places en centre d'accueil, de sécurité, de prostitution, de scolarité.

Si ces questions se posent à la France, les réponses dépassent largement les frontières du territoire national. Les récentes mesures prises par certains pays de l'Union européenne en vue de réduire les entrées migratoires confirment qu'il y a urgence à revoir notre politique communautaire si l'on souhaite faire preuve d'efficience en matière d'accueil des populations dont la sécurité n'est pas assurée dans leur pays d'origine, et si l'on veut éviter ce que l'on pourrait appeler un « appel d'air ».

J'aimerais savoir si le Gouvernement envisage de mobiliser les instances européennes afin de rendre plus efficiente la politique communautaire d'accueil des demandeurs d'asile et s'il peut solliciter ces mêmes instances afin de créer un statut des minorités garantissant leur protection dans leur pays d'origine, quand celui-ci est membre de l'Union européenne.

Par ailleurs, quand une réduction des délais d'instruction des dossiers traités par l'OFPRA pourra-t-elle être opérée au niveau national ? La procédure s'avère en effet souvent longue : de douze à dix-huit mois.

Enfin, le Gouvernement a-t-il l'intention de proposer une gestion de l'accueil, de l'hébergement et de l'accompagnement des demandeurs d'asile à l'échelle départementale, pour une meilleure prise en charge des demandes, en dotant les préfectures de moyens et de matériels adaptés ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez fait part de vos préoccupations, que je partage en grande partie, quant aux modalités d'accueil et d'hébergement des demandeurs d'asile.

Le droit d'asile est un droit fondamental, et la France doit honorer ses engagements internationaux de protection des personnes persécutées et menacées dans leur pays d'origine. Nous devons d'ailleurs transcrire dans notre droit le « paquet asile », négocié depuis plusieurs années au sein de l'Union européenne. Le droit d'asile est donc non pas un droit à l'immigration, mais un droit à la protection. Toutefois, il convient de veiller à ce que la politique d'asile ne soit pas dévoyée : les demandeurs déboutés, après qu'ils ont fait valoir leur droit de recours, n'ont pas a priori le droit de se maintenir sur le territoire.

Entre 2008 et 2012, le nombre de demandeurs d'asile a augmenté de 73 %, et cette progression continue. En Europe, la France se situe au deuxième rang, après l'Allemagne, des pays de destination des demandeurs d'asile.

Cette évolution a provoqué une augmentation importante, que vous avez signalée, des délais d'instruction des demandes. Grâce au recrutement de 45 officiers de protection supplémentaires à l'OFPRA, ces délais commencent à diminuer. Mais le rythme est insuffisant. Ce phénomène se combine avec des effets de concentration des flux dans certaines régions et certains départements, dont le vôtre, ainsi que dans l'agglomération grenobloise et près de Lyon. Comme vous le souligniez, il résulte d'une telle situation une très forte pression sur les dispositifs d'hébergement.

Disons les choses simplement, notre politique de l'asile a atteint ses limites, si bien que, pour la préserver - je dirai même pour la sauver -, il nous faut la réformer profondément. Vous avez raison, il convient évidemment de mener cette discussion au niveau européen, tout en agissant au niveau national.

Le Premier ministre a annoncé la création de 4 000 places supplémentaires en centres d'accueil de demandeurs d'asile, ou CADA, dont 2 000 sont d'ores et déjà disponibles. Toutefois, compte tenu des contraintes budgétaires, nous ne pourrons pas multiplier à l'infini les hébergements. Si le fonctionnement de notre système d'asile reste inchangé, ces efforts seront vains, avec le risque, que vous évoquiez, monsieur le sénateur, d'un appel d'air et d'une confusion des publics. Je pense notamment à ceux qui se retrouvent sans papiers, également présents au sein de ces dispositifs.

Il est donc urgent d'agir, d'autant que la France devra transposer très prochainement des directives européennes. Celles-ci visent à contribuer à l'achèvement du régime d'asile européen commun, fondé sur une harmonisation accrue des politiques des États membres et un haut niveau de protection. La mise en œuvre de cet objectif doit assurer à tout demandeur d'asile, quel que soit l'État membre dans lequel sa demande est examinée, qu'il bénéficie des mêmes droits, des mêmes garanties et de la même qualité d'examen. Si nous ne nous réformons pas, nous rencontrerons donc des difficultés supplémentaires.

Par ailleurs, il faut dire clairement les choses au niveau européen ; mon collègue allemand et moi-même menons des initiatives en ce sens. Face à un grand nombre de demandeurs d'asile en provenance d'un certain nombre de pays n'appartenant pas à l'Union européenne - je pense notamment aux pays des Balkans, et plus particulièrement à l'Albanie ou à la Macédoine -, il est nécessaire de formuler une réponse européenne appropriée.

Enfin, j'ai lancé, lundi 15 juillet, une concertation nationale sur la réforme de l'asile, et nommé deux médiateurs, Mme la sénatrice Valérie Létard et M. le député Jean-Louis Touraine, deux élus locaux aux expériences professionnelles, politiques et personnelles que je crois complémentaires. Tous les acteurs du droit d'asile sont autour de la table : associations, Haut-commissariat des Nations unies pour les réfugiés, administration ; l'Assemblée des départements de France, ou ADF, l'Association des maires de France, ou AMF, ainsi que des villes concernées par les problématiques de l'asile - nous en avons choisi deux parmi d'autres, Mulhouse et Rennes - s'impliqueront dans la concertation, et plusieurs déplacements sur le terrain sont prévus. J'ai enfin demandé à quatre préfets dont les territoires sont en première ligne de nous accompagner. L'angle européen ne sera évidemment pas oublié.

À partir des recommandations présentées - elles devraient intervenir fin octobre au plus tard -, c'est une vraie refonte du dispositif d'asile en France qui vous sera soumise, mesdames, messieurs les sénateurs, notamment pour mieux répartir l'accueil sur le territoire, comme le font déjà un certain nombre de pays. C'est l'une des pistes proposées, mais je ne veux pas conclure aujourd'hui cette concertation alors qu'elle vient à peine de commencer.

Quoi qu'il en soit, monsieur le sénateur, soyez certain de mon souci d'apporter des réponses rapides et fortes à ce qui est en train de devenir un vrai problème risquant d'aboutir à une remise en cause du droit fondamental que constitue le droit d'asile. En effet, si les choses continuent ainsi, ce droit sera dévoyé. Nos concitoyens se poseront forcément des questions, lesquelles seront relayées par leurs élus, comme vous l'avez fait, monsieur le sénateur. Vous voyez donc que je suis conscient de la situation.

M. le président. La parole est à M. Michel Savin.

M. Michel Savin. J'entends bien, monsieur le ministre, votre souhait de réformer le système du droit d'asile. Sachez que, personnellement, je suis prêt à soutenir toutes les propositions faites en vue d'une telle réforme.

Vous l'avez rappelé, notre pays enregistre une hausse très importante du nombre de demandeurs d'asile, avec 60 000 dossiers supplémentaires en 2012. Vous l'avez rappelé également, la plupart de ces personnes viennent de pays de la péninsule balkanique. C'est un phénomène qui risque de s'accentuer encore dans les semaines et mois à venir si aucune décision n'est prise rapidement.

Je suis d'accord avec vous : face aux conditions inhumaines d'installation et aux risques engendrés en termes tant de sécurité que d'hygiène, il est urgent de passer aux actes. Pour cela, il faut adapter notre politique du droit d'asile afin qu'elle soit compatible - vous l'avez précisé - avec notre capacité d'accueil. Nous attendons donc avec impatience que des dispositions soient prises en ce sens.

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