Question de M. HUE Robert (Val-d'Oise - RDSE) publiée le 28/03/2013

M. Robert Hue attire l'attention de M. le ministre de la défense sur les économies substantielles que certains syndicats considèrent comme réalisables, par transformation des emplois militaires non opérationnels en emplois civils, processus dit de « civilianisation ».
En effet, le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 a défini le rôle respectif des personnels militaires et civils au ministère de la défense et prévoyait, ainsi, le recentrage des postes militaires sur l'opérationnel et la montée en puissance des personnels civils dans les missions de soutien. Le ratio de personnels civils par rapport au nombre global de personnels est passé de 28,6 % en 2002 à 22,4 % en 2011, démontrant ainsi que l'objectif de « civilianisation » n'est pas une réalité à ce jour.
Nombre de postes civils sont actuellement occupés par des personnels militaires, alors que ces derniers devraient être concentrés sur les postes opérationnels. Or, compte-tenu de leur régime de pension et du poids de leur formation pour entretenir leur capacité opérationnelle, les militaires coûtent plus cher que les personnels civils.
Réserver les postes civils au personnel civil permettrait ainsi un gain estimé à près de 3 milliards d'euros par des syndicats de personnels civils.
Il souhaiterait donc connaître les intentions du ministère sur l'objectif, sans cesse repoussé, de « civilianisation » qui permettrait, pourtant, de dégager des marges de manœuvre budgétaires non négligeables, sans obérer notre capacité de défense nationale.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 19/06/2013

Réponse apportée en séance publique le 18/06/2013

M. Robert Hue. Les Livres blancs sur la défense et la sécurité nationale se succèdent, avec pour point commun de viser à adapter notre outil militaire aux nouvelles menaces, dans un contexte de contraintes budgétaires fortes.

La question centrale est de savoir comment contenir nos dépenses militaires sans porter atteinte à nos capacités d'action. Une des pistes, déjà envisagée dans le Livre blanc de 2008, est celle de la « civilianisation ».

Déjà préconisée dans le précédent Livre blanc, et sans cesse repoussée, cette démarche a pour objet de recentrer les militaires sur leurs fonctions opérationnelles, pour lesquelles ils ont été recrutés et formés, et de confier les fonctions administratives et de soutien à des personnels civils.

On constate en effet que de nombreux postes civils sont actuellement occupés par des militaires. Or, compte tenu de leur régime de pension et du poids de leur formation pour entretenir leur capacité opérationnelle, les militaires représentent une plus large part des dépenses du ministère de la défense. Selon l'estimation de certains syndicats de personnels du ministère de la défense, la politique de « civilianisation » permettrait un gain de près de 3 milliards d'euros par an.

Je veux insister sur le fait que ce processus ne vise pas à opposer les personnels militaires et les personnels civils. Il s'agit de recentrer chacune des catégories sur son cœur de métier. Le dernier Livre blanc, rendu public le mois dernier, affirme que « ce rééquilibrage doit être poursuivi de façon volontariste ».

Que pense M. le ministre de la défense de ce processus de « civilianisation », qui pourrait permettre de dégager des marges de manœuvre budgétaires non négligeables, sans obérer notre capacité de défense nationale ? Quelles mesures envisage-t-il de prendre pour atteindre cet objectif ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser mon collègue Jean-Yves Le Drian, ministre de la défense, retenu par la cérémonie de célébration du soixante-treizième anniversaire de l'appel du 18 juin 1940, qui se déroule au Mont-Valérien en présence du Premier ministre.

Effectivement inscrit dans le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008, l'objectif de « civilianisation » de l'administration générale et du soutien commun, l'AGSC, s'est bien traduit par un effort particulier d'accroissement de la place du personnel civil dans ce type de fonctions.

Le personnel civil représente environ 23 % des effectifs du ministère de la défense, soit un ratio stabilisé depuis 2008.

Hors gendarmerie, les personnels civils de la défense représentent, au 31 décembre 2012, environ 65 000 équivalents temps plein, ou ETP, 64 957 pour être très précis.

L'ensemble des effectifs civils et militaires a diminué entre 2008 et 2012 de plus de 40 000 ETP, et la part des personnels civils est globalement restée stable, à 23 %. Ils ont donc contribué à la déflation des effectifs du ministère dans la même mesure que les personnels militaires, ni plus ni moins.

De fait, si le processus de « civilianisation » n'a, à ce stade, permis que de stabiliser le poids relatif des civils au sein du ministère de la défense, l'effort a, en réalité, été amorcé dans les corps administratifs et techniques des catégories A, B et C. Ainsi, ces derniers ont vu leurs effectifs progresser de 14,7 % à 15,5 % de la population ministérielle.

En revanche, l'arrêt des recrutements des ouvriers de l'État explique la stabilité globale des effectifs civils.

En effet, avec plus de 20 000 ETP - 20 613 exactement au 31 décembre 2012 -, les ouvriers de l'État représentent près du tiers des personnels civils du ministère. Ils étaient plus de 28 000 au 1er janvier 2008 et, pour l'essentiel, les 11 655 emplois civils supprimés sur la période 2008-2012 l'ont été dans cette catégorie. Cette évolution masque donc le fait que les recrutements de personnels civils ont progressé de 1 379 en 2008, hors ouvriers d'État, à 1 850 en 2012, soit une augmentation de 34 %.

Il faut noter également que les effectifs civils de catégorie A ont progressé de près de 30 %, passant de 8 397 ETP au début de 2008 à 10 691 ETP à la fin de 2012. Cela s'explique largement par des mesures de requalifications et de créations d'emplois, qui traduisent une montée en compétence et l'accès de ces personnels à des postes de plus en plus qualifiés.

Malgré ces évolutions significatives, les objectifs de « civilianisation » restent encore devant nous. Le processus de « civilianisation » devra naturellement être poursuivi et renforcé, sur la base des orientations du nouveau Livre blanc, qui en a réaffirmé la volonté.

Ainsi, une analyse fonctionnelle des postes du ministère a été lancée, qui devra définir, pour chaque poste, s'il est à vocation civile, militaire ou indifférenciée. Cette caractéristique sera inscrite dans le répertoire emploi-métiers et, dès la fin de l'année 2013, des règles très claires d'affectation des postes seront mises en œuvre pour que chacun trouve sa place et que la complémentarité - la synergie, même - entre civils et militaires joue pleinement son rôle.

Vous interrogez M. le ministre de la défense sur l'écart de coût entre personnels civils et personnels militaires. Les coûts moyens des militaires et des civils sont très variables selon leurs statuts et employeurs : ce n'est donc pas la seule logique budgétaire qui détermine la volonté de « civilianisation » ; elle est le fruit d'une politique de gestion des compétences et de durée d'occupation des emplois. C'est ce que le ministre de la défense exprime en parlant de recentrage de chacun sur son corps de métier.

M. le président. La parole est à M. Robert Hue.

M. Robert Hue. Madame la ministre, je vous remercie de vous être faite le porte-parole de M. le ministre de la défense. Cette réponse sera étudiée avec intérêt par les syndicats qui m'ont sollicité.

Sur le fond, l'objectif de « civilianisation » semble avoir été bien pris en compte par le ministère de la défense, du moins si l'on se réfère à de récentes déclarations et au Livre blanc.

Un diagnostic territorial a été lancé, mais il ne porte que sur environ 3 000 postes qui pourraient être occupés par des personnels civils. Nous sommes encore loin des 100 000 postes qu'évoquent les organisations syndicales.

Pour atteindre vraiment l'objectif de « civilianisation », il pourrait être utile de lancer un audit prenant en compte aussi bien les emplois que l'organisation effective du ministère de la défense.

Dans cette attente, je suivrai de près les avancées du processus de civilianisation, qui, j'y insiste, constitue incontestablement un levier important pour l'amélioration de la qualité de nos armées et l'optimisation de nos dépenses publiques, même si celle-ci n'est pas l'objectif premier.

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