Question de M. GOURNAC Alain (Yvelines - UMP) publiée le 07/03/2013

M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les circonstances de l'assassinat de deux policiers de la BAC (brigade anti-criminalité) par un chauffard sur le périphérique le jeudi 21 février. Le directeur de la police judiciaire parisien a révélé que le Range Rover Evoque qui avait percuté la voiture des fonctionnaires avait été loué à une société de location de voitures de luxe qui faisait « l'objet d'une enquête ». Si de nombreux petits délinquants versés dans les trafics en tous genres et roulant carrosse sont dans le collimateur de la police, il ne serait pas sans intérêt que celui-ci soit désormais systématiquement braqué sur les sociétés de location ou sur les concessionnaires qui estiment que leur devoir s'arrête à la défense d'un intérêt compris un peu trop étroitement. Sans doute conviendrait-il de proscrire tout d'abord le versement des cautions en liquide. Nombreux sont nos concitoyens qui régulièrement s'étonnent de voir de luxueuses voitures conduites par des voyous. Nombreux sont ceux également qui abordent leurs élus pour s'étonner que l'achat de certaines voitures stationnées sur des aires réservées aux gens du voyage ait pu être financé par ces derniers. Aussi il lui demande quelles mesures il envisage de prendre pour que toute la lumière soit faite sur ces situations qui sautent quotidiennement aux yeux de chacun.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 20/06/2013

Depuis une dizaine d'années, les malfaiteurs tendent à recourir à la location de véhicules de courte durée, non seulement pour protéger leur patrimoine contre les saisies mais également pour commettre des infractions. Une nouvelle stratégie apparaît cependant depuis quelques années : de plus en plus souvent, des délinquants créent leur propre société de location, à la fois pour blanchir l'argent sale et pour dissimuler leur identité (paiement en espèces, conclusion de contrats sans « qualification », c'est-à-dire sans élément d'identification du client...). Face à cette situation, les forces de l'ordre, notamment l'office central de lutte contre le crime organisé de la direction centrale de la police judiciaire, sont mobilisées et adaptent leur action. Les services de police et de gendarmerie exercent une vigilance accrue sur le secteur de la location de véhicules de luxe, aussi bien dans le cadre de la lutte contre le trafic international de véhicules volés que dans le cadre de la lutte contre les trafics liés à l'économie souterraine (stupéfiants, armes, êtres humains...). Il en est ainsi par exemple des groupes d'intervention régionaux (GIR), notamment chargés de l'identification du patrimoine des délinquants. À Paris et dans les départements de petite couronne en particulier, les GIR sont fortement impliqués sur ce sujet. Les quatre GIR rattachés à la préfecture de police de Paris ont ainsi contribué, en 2012, à la saisie de 91 véhicules de luxe représentant un montant de près de 3 millions d'euros. Près de la moitié de ces véhicules provenaient d'affaires de trafics de stupéfiants. Le partenariat avec les professionnels de cette branche professionnelle s'est également intensifié. L'office central de lutte contre le crime organisé, chargé notamment de lutter contre le trafic international de véhicules volés, entretient des relations avec de nombreux loueurs de véhicules de courte durée, membres du Conseil national des professionnels de l'automobile. Ce partenariat permet notamment des échanges sur l'évolution des pratiques criminelles et sur les mesures de prévention et de riposte les plus efficaces. Sur le plan juridique, les conditions de création de sociétés de location de véhicules de courte durée sont peu encadrées et pourraient faire l'objet d'une réglementation adaptée. Une réflexion est engagée avec les professionnels afin de mieux sécuriser leur activité. Diverses pistes sont examinées. Les conditions de création d'une société de location pourraient être durcies, pour que l'objet social de la société soit sans équivoque et son capital social en lien avec l'investissement requis pour ce type d'activité. L'instauration d'une obligation de « qualification » du client (justificatif de domicile, cautionnement réglé par carte bancaire...) est également à l'étude, car la seule obligation imposée sur ce point aux sociétés de location est de veiller à la validité du permis de conduire du client. À cet égard, et afin de détecter les faux permis de conduire, les agents de ces sociétés reçoivent une formation sur l'identification des faux documents dispensée par la direction centrale de la police aux frontières, spécialisée dans la lutte contre la fraude documentaire. Ces formations ciblent en priorité les sites sensibles (aéroports...). Les réflexions en cours portent aussi sur l'éventuelle instauration d'un registre de police, afin de faciliter les contrôles et l'action préventive des forces de l'ordre. L'interdiction des règlements en espèces, afin de permettre la traçabilité des paiements et le suivi des flux financiers, est une autre piste examinée. En l'état du droit, les loueurs de véhicules ne peuvent en effet pas refuser de la part d'un particulier le paiement en espèces d'une location pour un montant n'excédant pas les seuils fixés par l'article D. 112-3 du code monétaire et financier : 3 000 euros lorsque le débiteur a son domicile fiscal en France ou agit pour les besoins d'une activité professionnelle, 15 000 euros lorsque le débiteur justifie qu'il n'a pas son domicile fiscal en France et n'agit pas pour les besoins d'une activité professionnelle. D'ores et déjà, le Comité national de lutte contre la fraude a décidé, lors de sa réunion du 11 février 2013, que les seuils de paiement en liquide seraient abaissés d'ici la fin de l'année 2013 à 1 000 euros pour les résidents et à 10 000 euros pour les non-résidents.

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