Question de M. PLACÉ Jean-Vincent (Essonne - ECOLO) publiée le 04/04/2013

M. Jean-Vincent Placé attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes âgées et de l'autonomie, au sujet de l'hébergement des personnes âgées dépendantes. Dans l'Essonne, il a participé, le 25 novembre 2011, à la pose de la première pierre du premier établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en France, à Morangis.

Plus généralement, si la France connaît un taux de fécondité relativement élevé comparé à ses voisins européens, il n'en reste pas moins que sa structure démographique est sur le point de changer radicalement. En trente ans, les hommes ont gagné huit ans d'espérance de vie, les femmes sept ans. La part des personnes âgées de 60 ans et plus est passée de 16 % en 1950 à 24 % de la population totale en 2012 et elle devrait atteindre 32 % en 2060. Les enjeux en matière de lutte contre la dépendance sont très importants et vont le devenir de plus en plus.
Or, la France reste en retard en termes d'adaptation des logements au vieillissement de leurs occupants. Selon l'Agence nationale de l'habitat, ce sont deux millions de logements qui nécessiteraient des travaux afin d'être adaptés à l'âge de leurs occupants. C'est également le constat tiré par le rapport de Luc Broussy sur l'adaptation de la société française au vieillissement de la population : 6 % des logements français sont aménagés pour les plus de 65 ans contre 16 % aux Pays-Bas. L'Espagne, l'Allemagne et le Danemark sont aussi largement mieux équipés.
Le nombre de places dans les établissements d'accueil spécialisés nécessite d'être également adapté aux besoins. L'Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) a recensé 531 927 lits dans des établissements publics d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en 2011. Les collectivités territoriales ont, en effet, un rôle déterminant à jouer ; toutefois cette problématique relève d'un enjeu majeur de politique publique nationale. En 2010, on estime que le nombre de personnes dépendantes s'élevait à 1,1 million, et pourrait atteindre 2 millions en 2040.

Au total, la France ne paraît pas, actuellement, assez préparée au vieillissement de sa population et à la sécurisation des seniors. Il lui demande donc quelle est la stratégie du Gouvernement en matière d'hébergement des personnes âgées.

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Réponse du Ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 10/07/2013

Réponse apportée en séance publique le 09/07/2013

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la France connaît un taux de fécondité relativement élevé comparé à ses voisins européens, ce dont on ne peut que se réjouir. Pourtant, sa structure démographique est sur le point de changer radicalement. En trente ans, les hommes ont gagné huit ans d'espérance de vie, et les femmes sept ans. La part des personnes âgées de 60 ans et plus est passée de 16 % de la population totale en 1950 à 24 % en 2012, et elle devrait atteindre 32 % en 2060. Les enjeux en matière de lutte contre la dépendance sont donc très importants et vont le devenir de plus en plus.

Or, la France reste en retard en termes d'adaptation des logements au vieillissement de leurs occupants. Selon l'Agence nationale de l'habitat, ce sont deux millions de logements qui nécessiteraient des travaux afin d'être adaptés à l'âge de leurs occupants. C'est également le constat tiré par le rapport de Luc Broussy - c'est un grand spécialiste des questions de la dépendance et de l'intergénérationnel - sur l'adaptation de la société française au vieillissement de la population : 6 % des logements français sont aménagés pour les plus de 65 ans, contre 16 % aux Pays-Bas. L'Espagne, l'Allemagne et le Danemark sont aussi largement mieux équipés que notre pays.

Dans mon département, l'Essonne, j'ai participé le 25 novembre 2011, à Morangis, à la pose de la première pierre du premier établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, ou EHPAD, en France. Cette opération s'inscrivait dans le cadre d'une politique extrêmement volontariste souhaitée par le président du conseil général, mon ami Jérôme Guedj. Je sais, madame la ministre, que vous êtes venue dans l'Essonne pour visiter d'autres établissements. (Mme la ministre acquiesce.) Vous connaissez très bien le sujet, comme l'ensemble du secteur dont vous avez la charge.

Le nombre de places dans les établissements d'accueil spécialisés nécessite d'être adapté aux besoins. L'INSEE a recensé 531 927 lits dans les EHPAD en 2011. Or, on estime qu'en 2010 le nombre de personnes dépendantes s'élevait à 1,1 million. Ce nombre pourrait s'élever à 2 millions en 2040.

La France, quels que soient les gouvernements en place depuis vingt ans - j'ai évoqué des chiffres et n'entend nullement engager une quelconque polémique politicienne -, ne paraît pas suffisamment préparée au vieillissement de sa population et à la sécurisation des seniors.

Madame la ministre, quelle est la stratégie du Gouvernement en matière d'hébergement des personnes âgées ? Je le sais, le temps imparti pour votre réponse ne vous permettra pas d'être exhaustive.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, permettez-moi de répondre à la place de Michèle Delaunay, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence.

Comme vous le savez, deux plans de développement arrivent à échéance : le plan Alzheimer et le plan Solidarité grand âge. Cependant, à l'heure actuelle, de nombreuses places qui relèvent de ces plans restent encore à installer sur la période 2014-2016. Il existe en effet, vous le savez, un délai entre le moment où le dossier est autorisé et l'ouverture réelle de la structure.

Afin de répondre immédiatement et dans l'urgence aux besoins non satisfaits, nous allons ouvrir 26 000 places d'EHPAD d'ici à la fin du quinquennat, avec une exigence de justice renforcée.

L'exigence de justice vise, d'abord, à réparer les inégalités entre les territoires aujourd'hui plus ou moins bien pourvus en établissements. Il y a, de ce point de vue, une énorme disparité que nous voulons rattraper.

L'exigence de justice vise aussi les personnes âgées et leur famille en offrant à tous une meilleure accessibilité, une transparence de l'information et un encadrement des tarifs. Il s'agit là d'une vraie rupture par rapport à l'action du gouvernement précédent, qui n'était pas à la hauteur des besoins actuels de notre pays.

L'analyse des schémas régionaux des agences régionales de santé, les ARS, comme les contacts avec le terrain et les représentants des établissements et financeurs mettent en exergue la nécessité de consolider l'existant plutôt que d'investir massivement en vue de la création de nouvelles places, même si cela paraît nécessaire.

Cette consolidation passe par une politique de médicalisation ambitieuse des structures - à cette fin, 155 millions d'euros seront attribués dès cette année -, par une meilleure inscription des EHPAD dans les filières de soins afin d'améliorer les parcours de santé des personnes âgées, et, enfin, par une plus grande accessibilité financière à cette offre : rien ne sert en effet d'augmenter et d'améliorer le parc si celui-ci reste inaccessible au plus grand nombre !

Ces analyses et ces contacts de terrain, monsieur le sénateur, soulignent aussi la nécessité d'agir, en utilisant trois leviers incontournables et prioritaires.

Il faut d'abord agir sur la prévention pour retarder la perte d'autonomie et mieux gérer les conséquences des maladies chroniques. Afin de préparer l'avenir face à la révolution de l'âge, le Gouvernement investit massivement dans une politique active de prévention de la perte d'autonomie. Nous engageons la transformation nécessaire du système de santé afin de garantir le droit au maintien au domicile grâce à une médecine de parcours qui sera mieux organisée et fondée sur des services médicosociaux renforcés.

Il faut ensuite agir sur le renforcement de l'offre. À cette fin et pour mieux accompagner les personnes âgées en établissement, il importe de renforcer la présence humaine. Nous allons donc recruter plusieurs milliers de postes destinés aux EHPAD déjà existants dans le cadre de la médicalisation des structures que je viens d'évoquer.

Il faut enfin agir sur l'attractivité du secteur de la gérontologie et de la gériatrie pour le doter de professionnels formés, compétents, engagés et en grand nombre. Sans une action forte pour rendre attractif ce secteur d'activité porteur, nous ne pourrons pas faire face et couvrir l'ensemble des besoins. Il y a là un potentiel d'emplois très important. Nous engageons donc un vaste plan « métiers » pour mieux recruter, former et soutenir les personnels qui sont quotidiennement auprès de ces personnes âgées.

La loi d'adaptation de la société au vieillissement, qui sera prête pour la fin de l'année - vous le savez, ma collègue Michèle Delaunay y travaille - viendra renforcer l'ensemble des dispositifs évoqués. Elle s'inscrit dans le droit-fil des engagements pris par Mme la ministre et que le Gouvernement a commencé à mettre en œuvre.

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Madame la ministre, je vous remercie de cette réponse que vous m'avez transmise de la part de votre collègue Michèle Delaunay, dont je salue le travail très volontariste réalisé sur ce dossier. Je ne peux que me réjouir des propos très dynamiques, sérieux et extrêmement argumentés que vous avez tenus tant sur la prévention que sur les moyens et la formation.

J'ai écouté avec un intérêt particulier votre propos sur les inégalités entre les territoires. Je veux plaider à cet égard pour mon département situé en Île-de-France : cette région, que l'on croit toujours riche et puissante, est en réalité très contrastée.

La grande couronne, dont je suis l'élu, compte des territoires ruraux : parce qu'ils sont proches de l'Île-de-France et pas vraiment situés en province, on peut les croire richement dotés en services publics. Or tel n'est pas le cas. Les personnes âgées, les personnes en grande difficulté qui ont besoin de la puissance publique éprouvent, au-delà d'un sentiment d'isolement, la réalité de l'isolement.

Le conseil général, présidé par mon ami Jérôme Guedj, fait déjà beaucoup. Cependant, nous avons besoin de l'action puissante de l'État, d'une action de solidarité et de justice. Les propos que vous avez tenus à cet égard me rassurent fortement, madame la ministre.

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