Question de M. BOURQUIN Martial (Doubs - SOC) publiée le 25/04/2013

M. Martial Bourquin attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation, sur les conséquences, en matière de droit des sols, de la réforme de l'organisation territoriale prévue en 2013.

Lors du conseil des ministres du 10 avril, ont, en effet, été présentés trois projets de loi : un projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles; un projet de loi de mobilisation des régions pour la croissance et l'emploi et de promotion de l'égalité des territoires; et un projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale.

Or, ce dernier projet de loi, qui devrait être discuté à l'automne de 2013 au Sénat, suscite déjà des réactions très vives parmi les élus. Il rappelle que le Sénat, avait déjà, dans la phase de concertation préalable, mis au jour les difficultés d'un texte initial pour les maires et s'était prononcé pour un étalement du calendrier d'examen de ce texte, ce qui a pu être obtenu.

Il se fait l'écho des inquiétudes marquées de la très grande majorité des élus de son département, sur la nouvelle répartition des compétences en matière d'urbanisme proposée par ce texte.

Les élus, ruraux comme urbains, refusent, en effet, avec vigueur la perspective du transfert automatique de la gestion du plan local d'urbanisme à l'échelon intercommunal, tel que prévu par ce projet de loi.
Ces maires n'acceptent pas de perdre la capacité d'aménager leur commune et de se contenter de délivrer des permis de construire. Ils souhaitent avoir la possibilité de choisir librement de déléguer cette compétence à l'intercommunalité.

La force de la décentralisation et de l'intercommunalité, en particulier, s'appuie, en effet, sur une communauté de destin choisie et non subie, qui paraît menacée par cette disposition.

De plus, il souligne que des élus ruraux, quant à eux, considèrent que cette mesure d'automaticité sonne le glas de beaucoup de petites communes qui n'auraient plus que le rôle de « chambre d'enregistrement », sans capacité de décision ou d'opposition possibles.

Il se réjouit que du temps pour la concertation et la confrontation des points de vue soit prévu, bien en amont de la discussion de ce projet de loi au Sénat. Il lui demande de prendre en compte la volonté des communes de pouvoir conserver ou déléguer en toute liberté cette compétence territoriale essentielle.

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Transmise au Ministère de l'égalité des territoires et du logement


Réponse du Ministère chargé des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion publiée le 18/12/2013

Réponse apportée en séance publique le 17/12/2013

M. Martial Bourquin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l'année 2013 a été une année de réformes importantes, qui ont fait évoluer l'organisation territoriale de notre pays.

Le projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, tout d'abord, le projet de loi pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, dit « projet de loi ALUR », ensuite, et la réforme de la politique de la ville, enfin, prévoient de renforcer le rôle des intercommunalités et des métropoles pour favoriser la construction, le logement et l'initiative économique. Ces réformes - je pense notamment au projet de loi ALUR - ont suscité parfois de très vives inquiétudes parmi les maires et nos concitoyens, lesquels, dans un contexte de crise économique, ont plus que jamais besoin de savoir qui fait quoi. Les maires, notamment les maires ruraux, ont ainsi très peur que la compétence relative au droit des sols ne soit, dans un futur proche, sous couvert d'économies de bouts de chandelle et d'efficacité supposée, transférée d'autorité à l'intercommunalité.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Martial Bourquin. Or, dans notre assemblée, chacun sait, quelles que soient les travées sur lesquelles il siège, qu'une ville ou un village ne disposant plus de cette compétence et de la capacité à la transférer ou non est une commune sans moyens d'agir.

M. Roland Courteau. Eh oui !

M. Martial Bourquin. Dans cette enceinte, nous le savons également tous, pour être efficace, l'intercommunalité doit être choisie et non subie.

J'en parle d'autant plus librement que je suis maire d'une ville de 15 000 habitants qui aménage, construit et bâtit, y compris des logements sociaux.

J'en parle encore plus librement que cette commune a délégué à son intercommunalité des compétences en termes d'aménagements et de déplacements urbains et que ces transferts consentis sont une réussite.

François Lamy, ministre délégué chargé de la ville, à qui je faisais part mardi dernier en commission de ces inquiétudes, m'indiquait que la commune et l'intercommunalité devaient œuvrer ensemble, en complémentarité et non en subsidiarité. La complémentarité, c'est le respect et le volontariat.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Martial Bourquin. Madame la ministre, notre attachement à la commune n'est pas un réflexe passéiste. Nous pensons que celle-ci est le pilier de la République. L'éloignement des pouvoirs - je pense notamment au droit des sols - serait un coup dur porté à la démocratie de proximité. Nous estimons que la commune est moderne, et qu'elle est le socle incontournable de la République.

Pour l'ensemble du Gouvernement, le droit des sols continue-t-il à être une compétence propre aux communes ? Pouvez-vous nous assurer ici-même qu'il le restera ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de Cécile Duflot, qui m'a demandé de vous répondre à sa place.

Vous appelez son attention sur le projet de transférer automatiquement la compétence en matière de plan local d'urbanisme à l'échelon intercommunal pour les communautés de communes et les communautés d'agglomération.

Le plan local d'urbanisme est un outil essentiel d'aménagement de l'espace. Au travers de cette mesure, la volonté du Gouvernement est de promouvoir l'élaboration de plans locaux d'urbanisme intercommunaux, ou PLUI, à une échelle territoriale qui ait tout son sens.

L'approche intercommunale permet d'abord d'appréhender une gestion économe de l'espace. Elle offre ensuite la possibilité de mener une réflexion d'ensemble sur les différents enjeux du territoire, en intégrant des dispositions relatives à l'aménagement, à l'habitat et aux transports.

Le PLUI permet une mutualisation des moyens financiers et d'ingénierie, souvent difficilement mobilisables au seul échelon communal. Il s'agit aussi de permettre aux élus d'exercer pleinement une compétence que beaucoup d'entre eux n'assurent pas aujourd'hui, puisque près de 40 % des communes relèvent du règlement national d'urbanisme.

Par ailleurs, concernant la gouvernance, vous soulignez, monsieur le sénateur, que cette mesure d'automaticité réduirait le rôle de nombre de petites communes à celui d'une chambre d'enregistrement, dépourvue de capacité de décision ou d'opposition.

Sur la question du transfert, le projet de loi ALUR, voté en première lecture au Parlement, confirme que le PLUI sera la règle, tout en donnant aux communautés de communes un délai de trois ans à compter de la promulgation de la loi pour s'y préparer. De plus, les élus ne souhaitant pas le transfert à l'échelon intercommunal de la compétence en matière d'urbanisme pourront s'y opposer au travers de la mise en place d'une minorité de blocage.

De surcroît, outre les garanties actuelles inscrites dans le code de l'urbanisme en matière d'association des maires, le projet de loi ALUR ainsi que les amendements votés lors de la première lecture au Parlement renforcent la collaboration entre les communes et l'instance communautaire.

Il est notamment prévu qu'un débat portant sur les évolutions nécessaires du PLUI sera organisé tous les ans. La délibération de prescription prévoit aussi la tenue d'un débat sur les modalités de la concertation à mener entre l'établissement public de coopération intercommunale compétent et ses communes membres, et précise son organisation.

Pour les communautés de communes ou les communautés d'agglomération, lorsqu'une commune émet un avis défavorable sur des dispositions la concernant, le projet de loi prévoit également que la commission de conciliation puisse être saisie et formuler des propositions dans le délai d'un mois.

Il est également envisagé un renforcement des conditions de majorité requises ensuite pour voter l'arrêt du projet comme pour l'approuver.

Les communes pourront aussi demander à être couvertes par un plan de secteur.

Par ailleurs, je rappelle que les maires conserveront la compétence en matière de délivrance des permis de construire.

Au travers de toutes ces mesures, il s'agit bien, monsieur le sénateur, de prendre en compte les spécificités des communes et de leur laisser du temps pour conduire cette réforme majeure.

En outre, le ministère de Cécile Duflot accompagne les communautés, par le biais du club PLUI, qui met en réseau les intercommunalités, leurs élus et leurs techniciens, lesquels peuvent ainsi échanger leurs bonnes pratiques en matière de gouvernance et de co-construction.

L'ensemble de ces dispositions doit permettre de bien prendre en compte les intérêts légitimes des communes et de démontrer l'intérêt général que revêt l'élaboration d'un PLU communautaire.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Madame la ministre, j'ai bien écouté votre réponse et je voudrais préciser ma pensée.

Je voudrais être bien certain que l'Assemblée nationale ne reviendra pas sur la minorité de blocage - un quart des communes représentant 10 % de la population - qu'a introduite le Sénat lors de l'examen du projet de loi ALUR et que vous avez évoquée dans votre réponse.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Martial Bourquin. Il existe actuellement un projet funeste qui ne dit pas son nom et dont tout le monde parle, projet que M. Lamassoure a détaillé dans la revue Challenges et qui fait son chemin dans l'ensemble des courants de pensée. Selon ses partisans, nos 36 000 communes sont trop nombreuses ; il faudrait en fait 5 000 intercommunalités, ce qui permettrait de réaliser des économies.

M. Roland Courteau. Cela fait des siècles qu'ils disent cela !

M. Martial Bourquin. Quand on sait la crise politique que nous vivons aujourd'hui, le degré d'anomie de notre société dans sa relation avec la représentation politique, rien ne serait plus grave que de retirer aux maires, aux conseils municipaux leurs prérogatives en la matière.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Martial Bourquin. Selon moi, rendre le PLUI obligatoire est une erreur. Au Sénat, nous avons tenté d'apporter une correction en instituant cette minorité de blocage : le droit des sols doit rester une compétence essentielle des maires.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Martial Bourquin. Si le maire doit désormais se contenter de signer les permis de construire sans pouvoir exercer la moindre compétence en matière de droit des sols, alors il se transformera en simple signataire d'un permis qu'il n'aura pas lui-même délivré.

M. Roland Courteau. Bien sûr !

M. Martial Bourquin. Au terme d'un débat très dense avec la ministre de l'égalité des territoires et du logement, celle-ci a accepté la proposition du Sénat de créer cette minorité de blocage, qui est une avancée extraordinaire. L'ensemble de mes collègues, sur quelque travée qu'ils siègent, demandent que l'Assemblée nationale ne revienne pas sur l'amendement voté par le Sénat.

M. Roland Courteau. Très bien !

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