Question de M. COLLOMBAT Pierre-Yves (Var - RDSE) publiée le 09/05/2013

M. Pierre-Yves Collombat souhaite rappeler l'attention de Mme la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie sur la Mission commune d'information du Sénat « sur les inondations qui se sont produites dans le Var, et plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011 » dont le rapport a été débattu en séance le 19 novembre 2012 en sa présence et qui a conclu à l'inexistence d'une politique de prévention de l'inondation en France, si l'on entend par politique une action cohérente et continue (rapport d'information n° 775 (2011-2012)).

Parmi les causes de cet état de fait figurent des objectifs théoriquement complémentaires mais qui, dans la réalité, se contrarient, tels ceux de protection des populations contre l'inondation et de protection des milieux aquatiques.

Ainsi, en matière d'entretien des cours d'eau, la Mission a-t-elle fait le constat suivant : « Les rares personnes privées assurant leurs obligations et les collectivités locales voient leurs actions d'entretien des cours d'eau compliquées par les services chargés de la police de l'eau (…). Pas un élu rencontré par la mission qui n'ait fait état d'un conflit se terminant parfois devant le tribunal correctionnel, avec la police de l'eau, agents de l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (Onema) compris. S'il est un constat unanime, c'est bien que le principal obstacle à l'entretien des cours d'eau réside dans le zèle de la police de l'eau, zèle qui la conduit à intervenir même là où il n'y a pas de cours d'eau, au sens de la jurisprudence, donc pas de règlementation protectrice du milieu aquatique à faire respecter.
Effet plus pervers encore : le zèle de la police de l'eau est une bonne raison de ne rien faire pour ceux qui ont légalement à charge l'entretien des cours d'eau ».

Les agents de l'Onema assurant environ un tiers des missions de police de l'eau, en principe sous la responsabilité du préfet, et la direction de cet organisme n'ayant pas jugé bon de répondre à ses interrogations concernant les orientations de la politique de l'Office, « notamment dans la mise en œuvre de ses missions, afin d'éviter qu'elles ne contrarient la prévention efficace du risque inondation » (lettre du 18/01/2013), il souhaiterait connaître son point de vue sur cette importante question.

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Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 10/07/2013

Réponse apportée en séance publique le 09/07/2013

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je souhaite vous entretenir de la principale conclusion du rapport de la mission commune d'information du Sénat sur les inondations qui se sont produites dans le Var, et plus largement, dans le sud-est de la France au mois de novembre 2011. Ne voyez là aucune vanité d'auteur : c'est seulement la manifestation d'une préoccupation réelle.

Ce rapport, qui a été débattu en séance le 12 novembre 2012, en présence de Mme Delphine Batho, concluait à l'inexistence d'une politique de prévention de l'inondation en France, si l'on entend par « politique » une action cohérente et continue.

Parmi les causes multiples de cet état de fait, nous pouvons souligner l'existence d'objectifs théoriquement complémentaires mais qui, en réalité, se contrarient : je vise en l'occurrence la protection des populations contre l'inondation et la protection des milieux aquatiques.

Ainsi la mission a-t-elle fait, en matière d'entretien des cours d'eau, le constat suivant, que je me permets de vous rapporter : « Les rares personnes privées assurant leurs obligations et les collectivités locales voient leurs actions d'entretien des cours d'eau compliquées par les services chargés de la police de l'eau... Pas un élu rencontré par la mission qui n'ait fait état d'un conflit, se terminant parfois devant le tribunal correctionnel, avec la police de l'eau, agents de l'ONEMA compris. S'il est un constat unanime, c'est bien que le principal obstacle à l'entretien des cours d'eau réside dans le zèle de la police de l'eau, zèle qui la conduit à intervenir même là où il n'y a pas de cours d'eau, au sens de la jurisprudence, donc pas de réglementation protectrice du milieu aquatique à faire respecter. Effet plus pervers encore : le zèle de la police de l'eau est une bonne façon de ne rien faire pour ceux qui ont légalement à charge l'entretien des cours d'eau. »

Les agents de l'ONEMA - Office national de l'eau et des milieux aquatiques - assument environ un tiers de la mission de la police de l'eau, en principe sous la responsabilité du préfet. La direction de cet organisme n'ayant pas jugé bon de répondre aux interrogations que je lui avais soumises par lettre au sujet, notamment, des orientations de sa politique pour éviter que la protection des milieux aquatiques ne vienne contrarier la prévention efficace du risque d'inondation, je souhaiterais, monsieur le ministre, connaître votre point de vue sur cette importante question.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Philippe Martin, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Monsieur Collombat, vous me permettrez, avant de vous répondre, de saluer M. Aymeri de Montesquiou, sénateur du Gers. Je le remercie de son aimable présence : je vois qu'il suit ma carrière avec zèle ! (Sourires.)

Au passage, dans la mesure où les inondations ont aussi touché le département du Gers, je veux souligner la réactivité des services de l'État au cours de cette période. Que ce soit dans les Hautes-Pyrénées, en Haute-Garonne, dans les Pyrénées-Atlantiques, les élus n'ont eu qu'à se louer de la présence massive de l'État : présence du Président de la République, des ministres concernés et de tous les services de l'État.

Permettez-moi aussi, au moment où je prends la tête de cette administration, d'affirmer mon soutien aux agents en charge de la police de l'eau et des milieux aquatiques. Il s'agit d'une mission à la fois essentielle et complexe, que ces agents accomplissent d'une manière qui mérite d'abord notre respect.

Vous avez raison, monsieur Collombat, de souligner que le double objectif de préservation des milieux aquatiques et de protection des populations contre les inondations est une priorité absolue. Les événements du printemps dernier ont, une nouvelle fois, montré l'importance de cette question.

Dans le cadre du comité interministériel de modernisation de l'action publique, lancé par le Premier ministre, deux évaluations sont actuellement en cours : l'une concerne la police de l'environnement, notamment la police de l'eau ; l'autre concerne la politique de l'eau dans son ensemble.

Le rapport d'évaluation de la politique de l'eau, remis récemment au Premier ministre par le député Michel Lesage - ainsi qu'un autre rapport, commis à l'époque par un député nommé... Philippe Martin -, évoque justement le sujet. Il propose des pistes pour améliorer l'efficacité de la police de l'eau, assurée par les services de l'État et par l'ONEMA. Ses préconisations seront étudiées et discutées lors de la prochaine conférence environnementale, en septembre 2013, au cours de la table ronde sur l'eau, l'eau constituant l'une des thématiques retenues pour ladite conférence.

Quoi qu'il en soit, je souhaite dès à présent réaffirmer clairement que l'objectif recherché est bien la conciliation des impératifs de protection des milieux aquatiques, de préservation de l'environnement et de prévention des risques liés aux inondations.

Vous l'avez relevé dans votre rapport, cela nécessite des compétences adaptées. C'est bien en ce sens que vous avez déposé un amendement au projet de loi de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, soutenu par le Gouvernement et adopté ici le 5 juin dernier. Il attribue aux collectivités locales et à leurs groupements une compétence « milieux aquatiques » intégrant la réalisation de travaux de restauration et d'entretien des cours d'eau, la prévention des risques liés aux inondations et submersions, l'aménagement des bassins hydrographiques.

Au-delà, je le sais, l'application du droit de l'environnement et notamment de la police de l'eau peut être complexe. La volonté du Gouvernement est de la rendre plus simple, plus efficace et plus lisible, dans le cadre des états généraux de la modernisation du droit de l'environnement.

C'est en concertation avec l'ensemble des parties prenantes - en particulier les élus, dont vous signaliez l'absence dans les dialogues qui ont pu avoir lieu - que nous pourrons trouver les solutions les plus appropriées sans renoncer à nos objectifs de préservation de l'environnement. (M. Jean-Louis Carrère applaudit).

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. Monsieur le ministre, je laisse de côté, en la circonstance, tout ce qui a trait à la gestion des crises ainsi que ce qui concerne les réparations : il s'agit ici d'évoquer simplement la prévention des inondations. À cet égard, il convient de mener une politique continue, financée à hauteur des besoins et non contradictoire.

Je conviens qu'il faut concilier les exigences de protection de l'environnement et les exigences de protection des populations. Toutefois, ce que je constate, c'est que, sauf sur le papier, ces objectifs ne se concilient pas ! Et ce n'est pas parce qu'on répétera à longueur de journée la nécessité de les concilier qu'ils seront effectivement conciliés !

Nous l'avons constaté, partout monte une immense plainte : « Chaque fois que l'on veut faire quelque chose, on a toujours la police de l'eau sur le dos ! »

M. Gérard Bailly. C'est vrai !

M. Pierre-Yves Collombat. Tout le monde le dit ! Alors, on peut continuer à dire qu'il faut concilier les objectifs, mais il vaudrait mieux trouver des solutions.

Il n'est pas question de brader les objectifs de protection de l'environnement. Du reste, celle-ci peut aussi être une façon de régler le problème des inondations. Mais encore faut-il sortir de ce système « autobloquant » : à chaque dispositif correspond un autre qui le contrarie !

C'est l'objet des propositions que j'ai faites, et je remercie le Gouvernement d'avoir soutenu une première proposition. J'aurai une autre proposition à vous soumettre, monsieur le ministre, et j'espère que vous la soutiendrez aussi, notamment dans son aspect financier, car l'attribution de moyens est la condition de la réussite du dispositif.

Année après année, des événements viennent nous apporter la preuve que se pose un véritable problème. Il y a quand même 40 % des communes françaises qui ont un territoire inondable !

Mon seul but est de trouver un moyen de concilier concrètement, et pas uniquement sur le papier, les objectifs sur lesquels nous sommes d'accord. Si l'ONEMA m'avait répondu, je n'aurais probablement pas été amené à vous solliciter, monsieur le ministre.

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