Question de Mme LIPIETZ Hélène (Seine-et-Marne - ECOLO) publiée le 23/05/2013

Mme Hélène Lipietz appelle l'attention de Mme la ministre de la culture et de la communication sur les menaces pesant sur l'intégrité patrimoniale de la colline de Vézelay.

En effet, ce site a été classé en 1998, avec, pour première règle, la protection de l'angle naturel des pentes de la colline où une parcelle de 6 886 m² sur son versant sud à l'entrée du village, en covisibilité avec la basilique, a été rendue constructible en 2009 par modifications successives du plan d'occupation des sols (POS) pour satisfaire un projet initié en 2002.
Depuis le 26 octobre 2012, cette parcelle est défoncée par des bulldozers et les murs s'élèvent.

Ce projet, nommé « maison médicale », regroupe, hors les murs, la pharmacie et le cabinet paramédical avec deux des quatre praticiens libéraux indépendants qui exercent dans cette commune de 460 habitants. L'agence régionale de santé n'y participe pas. Le reste des 1 600 m² de surface hors œuvre brut est sans affectation.

La construction de quatre barres modernes sur deux étages, hors d'échelle par rapport au bâti traditionnel, va occulter l'échappée visuelle saisissante qui révèle soudain le village médiéval couronné de sa basilique en montant tant à pied qu'en voiture depuis Saint-Père-sous-Vézelay, voie d'accès la plus courante.

Une partie de la parcelle était aménagée en terrains de sports et servait à l'occasion aux fêtes villageoises. Surtout, son aire polyvalente horizontale permettait aux 800 000 touristes annuels, en nombre fluctuant selon les heures, dates et saisons, d'y trouver 450 places de parking ombragées ; le stationnement rapporte la moitié des revenus communaux. Les 3 500 m² d'emprise au sol du projet ne laisseront sur la parcelle que 26 places de parking touristique et aucun équipement sportif.

L'économie générale du site en est bouleversée. Trois cents places de parking sont en cours de transfert au chevet même de la basilique, cela n'incitera pas les touristes à descendre visiter le village, annulant ainsi l'effet de surprise, « mystique », que créait la montée à pied dans la rue inchangée depuis le Moyen-Âge, approche spirituelle de la basilique.

L'arrivée à la basilique ne se fera donc plus par la traditionnelle montée mais par le chemin de ronde Nord. Le chemin de ronde, aménagé en promenade aux arbres séculaires, créé au XVIIIème siècle par le remblai des fossés, ne pourra supporter un trafic à double sens qui va déstabiliser les remparts, classés monuments historiques en 1875.

Aussi, lui demande-t-elle quelles mesures elle entend prendre pour protéger les coteaux de la colline de Vézelay et ces remparts et, ce faisant, sauvegarder l'intégrité patrimoniale du site, classé par la France et protégé au titre du patrimoine mondial depuis 1979, car la menace d'un déclassement par l'UNESCO ne peut être ignorée.

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Réponse du Ministère de la culture et de la communication publiée le 24/07/2013

Réponse apportée en séance publique le 23/07/2013

Mme Hélène Lipietz. Madame la ministre, ma question porte sur les menaces pesant sur l'intégrité patrimoniale de la colline de Vézelay.

En effet, ce site a été classé en 1998, avec, pour première règle, la protection de l'angle naturel des pentes de la colline. Or une parcelle de 6 886 mètres carrés, sur son versant sud, à l'entrée du village, en covisibilité avec la basilique, a été rendue constructible en 2009 par des modifications successives du plan d'occupation des sols pour satisfaire à un projet lancé en 2002.

Depuis le 26 octobre 2012, cette parcelle est défoncée par des bulldozers, les murs se sont élevés et le gros œuvre est aujourd'hui achevé.

Cette construction moderne sur deux étages, hors échelle par rapport au bâti traditionnel vézelien, va occulter l'échappée visuelle saisissante qui révèle soudain le village médiéval, couronné de sa basilique, en montant tant à pied qu'en voiture depuis Saint-Père-sous-Vézelay, voie d'accès la plus courante.

Une partie de la parcelle était aménagée en terrain de sports et servait à l'occasion aux fêtes villageoises. Surtout, son aire polyvalente horizontale permettait aux 800 000 touristes annuels, en nombre fluctuant selon les heures, les dates et les saisons, d'y trouver 450 places de parking ombragées ; le stationnement rapportait la moitié des revenus communaux.

Les 3 500 mètres carrés d'emprise au sol du projet ne laissent sur la parcelle que 26 places de parking touristiques et aucun équipement sportif.

L'économie générale du site en est bouleversée. Trois cents places de parking sont en cours de transfert sous le chevet même de la basilique. Cela n'incitera pas les touristes à descendre pour visiter le village ni à monter vers la basilique, annulant ainsi l'effet de surprise « mystique », en quelque sorte, que créait la montée à pied dans la rue inchangée depuis le Moyen Âge, approche spirituelle de la basilique.

L'arrivée à la basilique se fera donc non plus par la traditionnelle montée, mais par le chemin de ronde nord, créé au XVIIIe siècle par le remblai des fossés et aménagé en promenade aux arbres séculaires. Ce chemin ne pourra certainement pas supporter un trafic à double sens qui va déstabiliser les remparts, pourtant classés monuments historiques depuis 1875.

C'est pourquoi, alors que le mal est fait s'agissant de la maison médicale, je voudrais savoir, madame la ministre, quelles mesures vous entendez prendre pour protéger les coteaux de la colline de Vézelay et ses remparts et, ce faisant, sauvegarder l'intégrité patrimoniale du site, classé par la France et protégé au titre du patrimoine mondial depuis 1979. Une menace de déclassement par l'UNESCO ne peut être ignorée.

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Aurélie Filippetti, ministre de la culture et de la communication. Madame la sénatrice, nous partageons votre amour de ce magnifique site de Vézelay. Du fait du manque de disponibilité foncière sur la commune et des problèmes d'accessibilité très contraignants au cœur de la ville historique, le projet de maison médicale a été localisé sur un terrain à l'entrée sud-ouest du village, sur une parcelle appartenant à la commune. Ce terrain est situé en totalité dans le site classé du Vézelien et en bordure du secteur sauvegardé.

Ce site étant particulièrement sensible, des missions d'inspection ont été diligentées tant par le ministère de la culture et de la communication que par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Ces inspections ont souligné la nécessité de préserver les vues en direction de la basilique, d'organiser les constructions nouvelles en articulation avec le carrefour et de permettre une requalification de cette entrée de ville, avec un projet architectural de qualité soumis à concours.

Un concours d'architecture a donc été organisé en mars 2010, à l'issue duquel le cabinet Quirot-Vuichard a été désigné comme lauréat final. Le projet a fait l'objet d'une présentation à la commission supérieure des sites, perspectives et paysages à la fin de l'année 2010, précédant le passage en commission départementale de la nature, des paysages et des sites au début de 2011.

Une autorisation ministérielle a été délivrée en application du code de l'environnement. En outre, le permis de construire signé par le maire de Vézelay n'a fait l'objet d'aucun recours contentieux auprès du tribunal administratif.

Durant l'activité du chantier, le stationnement des voitures de tourisme n'est renvoyé que temporairement sur le parking des cars au nord-ouest de la ville, ainsi que sur le parking du flanc nord de la colline. Une fois le chantier achevé, le parking sud sera rétabli. (Mme Hélène Lipietz s'exclame.)

Dans le cadre du schéma directeur pour la restauration et la mise en valeur de l'abbaye de la Madeleine, adopté en commission nationale des monuments historiques le 12 novembre 2012, il est prévu de réserver le stationnement intra-muros aux seuls riverains, afin de permettre une meilleure gestion des flux touristiques. Les parkings situés à l'extérieur des remparts, dont le parking sud, auront alors pour fonction de faciliter la découverte de Vézelay par la traditionnelle entrée ouest en encourageant les circulations douces.

Le bien Basilique et colline de Vézelay, inscrit au patrimoine mondial de l'humanité, fait donc l'objet de toute l'attention des services du ministère de la culture et de la communication, et le Centre du patrimoine mondial a été régulièrement tenu informé du projet de maison médicale, pour lequel il n'a formulé aucune objection.

Par ailleurs, une opération grand site, initiée par le ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, est actuellement en phase d'étude ; elle contribuera également à une refonte des accès et des circulations sur l'ensemble du site de Vézelay.

M. le président. La parole est à Mme Hélène Lipietz.

Mme Hélène Lipietz. Madame la ministre, cette réponse me rassure quelque peu. Reste toutefois que, dans le code de l'urbanisme, il n'existe pas de règles spécifiques pour prévoir les conséquences d'un classement par l'UNESCO ou en tant que grand site national sur l'évolution d'une ville ou d'un village, lesquels sont, heureusement, en France, toujours vivants. Je pense non seulement à Vézelay, mais également, par exemple, aux difficultés que pose à Briançon le classement des forts Vauban.

Il convient, en France, de faire vivre les humains d'aujourd'hui dans une ville moderne dont le cadre est un musée, et c'est un vrai défi pour les siècles à venir. J'espère que la ministre de la culture que vous êtes saura s'atteler à cette tâche avec conviction.

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