Question de M. MÉZARD Jacques (Cantal - RDSE) publiée le 02/05/2013

M. Jacques Mézard attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, le 18 avril 2013, pour atteinte disproportionnée au droit à la vie privée en raison du refus par le procureur de la République d'effacer, malgré l'absence de condamnation, les empreintes du requérant qui avaient été prélevées durant une enquête.

Il lui rappelle que le décret n° 87-249 du 8 avril 1987 relatif au fichier automatisé des empreintes digitales assigne deux missions à ce fichier : faciliter la recherche et l'identification des auteurs de crimes et de délits et faciliter la poursuite, l'instruction et le jugement des affaires dont l'autorité judiciaire est saisie. S'agissant de cette seconde fonction, il n'est d'ailleurs pas clairement indiqué si elle se limite aux crimes et délits.

L'article 7-1 du décret précité autorise une personne dont les empreintes ont été prélevées à demander l'effacement des données la concernant, lorsque leur conservation n'apparaît plus nécessaire compte tenu de la finalité du fichier. Cette demande relève de l'appréciation du procureur de la République, sous le contrôle du juge des libertés et de la détention et du président de la chambre de l'instruction. Or le procureur peut refuser cet effacement en ne s'appuyant précisément que sur la seule finalité du fichier. L'absence d'automaticité d'effacement des données durant 25 ans revient ainsi à pouvoir justifier le fichage de l'intégralité de la population présente sur le sol français.

Ce raisonnement, qui vaut également pour les données du fichier national automatisé des empreintes génétiques, a donc logiquement amené la Cour européenne des droits de l'homme à condamner la France.

En conséquence, il lui demande s'il entre dans ses intentions de procéder à une remise à plat des régimes de conservation des données figurant dans les fichiers de ce type.

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Réponse du Ministère de l'intérieur publiée le 27/02/2014

Les fichiers de police sont un outil de travail indispensable pour les forces de sécurité de l'État. Ils s'inscrivent dans un cadre légal qui permet, en application de principes constitutionnels et conventionnels, d'assurer une conciliation entre la sauvegarde de l'ordre public et la recherche des auteurs d'infractions et le respect d'autres principes fondamentaux, notamment le droit au respect de la vie privée. Ce cadre offre de solides garanties, fondées notamment sur les pouvoirs de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL). Pour autant, des progrès sont encore possibles et le ministre de l'intérieur est déterminé à maintenir les fichiers dans un cadre strictement républicain et à veiller à ce que les exigences du droit, notamment du respect de la vie privée et de la présomption d'innocence, soient conciliées avec les exigences opérationnelles et la nécessité pour les forces de l'ordre de disposer d'outils performants. C'est ainsi que le plan de régularisation des fichiers de police et de gendarmerie se poursuit, en lien avec la CNIL. L'action menée dans les services de police et de gendarmerie pour développer une véritable « culture informatique et libertés » est également soutenue, afin de garantir au quotidien, sur le terrain, un strict respect du droit des fichiers. Le groupe de travail sur l'amélioration du contrôle et de l'organisation des bases de données de police, composé de représentants de l'administration, des autorités de contrôle et de la société civile, se réunit régulièrement et permet d'exercer un contrôle démocratique sur les fichiers. S'agissant du fichier automatisé des empreintes digitales (FAED), autorisé par le décret n° 87-249 du 8 avril 1987, géré par la direction centrale de la police judiciaire et placé sous le contrôle d'un magistrat, il permet l'identification des personnes, notamment la détection des usurpations d'identité ou des identités multiples, ainsi que l'identification des traces papillaires relevées sur des lieux d'infractions. Ce fichier d'identification, qui permet en outre des échanges de données avec nos partenaires européens, constitue un outil d'aide à l'enquête commun aux services de police et de gendarmerie et offre des preuves techniques contribuant fortement à l'élucidation des crimes et délits. Dans son arrêt du 18 avril 2013 (M. K. c. France), la Cour européenne des droits de l'homme a cependant relevé un certain nombre de difficultés. Le ministère de l'intérieur, en concertation avec le ministère de la justice, s'attache à y apporter les réponses nécessaires. C'est ainsi que le décret du 8 avril 1987 fait actuellement l'objet d'un travail de refonte complète qui permettra, notamment, de tirer les conséquences de l'arrêt de la Cour. Le nouveau décret, qui devrait être publié d'ici à la fin de l'année, limitera ainsi expressément le champ infractionnel aux seuls crimes et délits, à l'exclusion donc explicite des contraventions. Par ailleurs, l'article 7-1 de l'actuel décret sera modifié pour garantir l'effectivité du droit d'effacement. Dans sa nouvelle rédaction, il prévoira que, s'agissant d'une relaxe, d'un acquittement, d'un classement sans suite et d'un non-lieu pour absence d'infraction ou auteur inconnu, l'effacement sera de droit, sur demande adressée au procureur de la République. L'intérêt des services ne pourra donc plus y être opposé. S'agissant des décisions de classement sans suite et de non-lieu pour insuffisance de charges, l'intérêt du service pourra toujours être opposé à une demande d'effacement, mais uniquement durant un délai de dix ans pour les crimes et de trois ans pour les délits. Au-delà de ces délais, correspondant à ceux de la prescription, la demande adressée par l'intéressé au procureur de la République emportera effacement de droit. S'agissant de l'autre fichier d'identification, à savoir le fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), ses dispositions réglementaires (articles R. 53-9 et suivants du code de procédure pénale) feront également prochainement l'objet d'une refonte dans le même esprit. .

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