Question de Mme BENBASSA Esther (Val-de-Marne - ECOLO) publiée le 07/06/2013

Question posée en séance publique le 06/06/2013

Mme Esther Benbassa. Au nom du groupe écologiste, je m'associe à l'indignation exprimée par M. le président du Sénat, M. le Premier ministre et mes collègues Laurence Rossignol et Cécile Cukierman.

Ma question s'adresse à M. le ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes.

Monsieur le ministre, depuis quelques années, le gouvernement islamo-conservateur au pouvoir en Turquie s'oriente vers l'instauration d'un régime autoritaire. Au nom d'un islam rigoriste, dont il se revendique dans un pays à la solide tradition laïque, il impose chaque jour de nouvelles restrictions aux libertés individuelles. Des intellectuels et des journalistes sont emprisonnés pour délit d'opinion. On constate en outre des discriminations contre les LGBT – les lesbiennes, gays, bisexuels et trans – et les minorités, ainsi qu'une érosion des droits des femmes. Enfin, la censure est devenue une pratique courante.

Le combat des Stambouliotes pour la sauvegarde de leur ville, commencé il y a sept jours, s'est vite transformé en révolte contre le régime liberticide de Tayyip Erdogan. Les violences policières ont fait plusieurs morts et de très nombreux blessés. Malgré les excuses présentées à la nation par le vice-Premier ministre turc, la tension ne faiblit pas, et le mouvement s'amplifie.

Le groupe écologiste du Sénat vous demande, monsieur le ministre, d'intervenir, comme l'ont fait Angela Merkel et John Kerry, auprès du gouvernement turc pour faire cesser les violences policières et l'inciter à respecter les valeurs et les principes chers à l'Union européenne, en particulier les libertés de manifestation et de réunion, d'expression et d'opinion.

Pour que la Turquie achève ses réformes et se démocratise pleinement, il aurait fallu ne pas lui fermer les portes de l'Union européenne. Déçue par ce refus, elle s'est spontanément tournée vers l'Est musulman, lieu mythique de ses origines, cédant à une tentation qui hante l'histoire du pays, qui connut le panislamisme, au XIXe siècle, et, plus tard, l'ottomanisme des Jeunes-Turcs. Actuellement, un tiers des Turcs seulement souhaitent l'entrée de leur pays dans l'Union européenne.

Nous, Européens, avons laissé le régime d'Erdogan s'installer durablement dans le pays, s'ingénier à y détruire les traces du kémalisme laïc, dont la place Taksim est l'un des symboles, et à y rogner des libertés et des droits fondamentaux dont il n'a que faire. Les démocrates turcs résistent. L'Europe a le devoir d'amener au plus vite la Turquie, une fois devenue démocratique, à rejoindre l'Union européenne. Monsieur le ministre, quelle est aujourd'hui la position de la France sur ce sujet ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et sur certaines travées du groupe socialiste.)

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Réponse du Ministère chargé des affaires européennes publiée le 07/06/2013

Réponse apportée en séance publique le 06/06/2013

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Madame la sénatrice, vous avez évoqué le mouvement de protestation des Stambouliotes contre la politique conservatrice du gouvernement turc.

Face au recours excessif aux forces de l'ordre contre les jeunes manifestants, la France a appelé et appelle le gouvernement turc à la retenue. La répression policière a fait deux morts et 2 000 blessés, et il y a eu 1 700 arrestations. C'est trop ! Aucune démocratie ne peut se construire sur la répression.

M. Alain Gournac. On connaît ça !

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le droit de manifester, le droit de s'opposer doivent être respectés. Aucune démocratie ne peut les fouler aux pieds.

La Turquie, qui est un partenaire important, souhaite s'arrimer à l'Europe. La France et l'Union européenne travaillent au développement d'une relation stable et de confiance avec elle. Notre pays veut accompagner la Turquie vers la démocratie.

Dans cet esprit, en mai 2012, nous avons choisi de tourner le dos à la politique du précédent gouvernement. En février dernier, nous avons indiqué que nous étions favorables à une réouverture des négociations sur le chapitre 22 de la politique régionale, préalable à toute discussion sur une entrée de la Turquie dans l'Union européenne.

Nous avons donc fait un geste à l'égard de la Turquie, il lui revient maintenant d'y répondre. Les autorités turques doivent réaliser des avancées en matière de respect de la démocratie et des droits de l'homme, engager des réformes en vue de s'aligner sur l'acquis communautaire, rouvrir le dossier chypriote, à nos yeux essentiel, et coopérer sur les questions migratoires.

M. Christian Cointat. Et la laïcité ?

M. Thierry Repentin, ministre délégué. C'est dans cet esprit à la fois d'ouverture et d'exigence que je rencontrerai la semaine prochaine mon homologue turc. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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