Question de Mme COHEN Laurence (Val-de-Marne - CRC) publiée le 20/06/2013

Mme Laurence Cohen interroge M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé du budget sur les annonces faites, en novembre 2012, par le Premier ministre, proposant une hausse de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) devant figurer dans le projet de loi de finances pour 2014.

Cette hausse concernerait, notamment, les transports publics, passant de 7 à 10 %, et constituerait un quasi-doublement de la taxe en deux ans, après la hausse de 2011.

Le Groupement des autorités responsables de transport (GART), qui représente les élus et élues en charge des transports en commun, de même que la Fédération nationale des associations d'usagers des transports (FNAUT) qui représente les usagers, s'inquiètent fortement de cette décision.

En Île-de-France, par exemple, cela représente, environ, une somme de 100 millions d'euros qui vont impacter les finances du Syndicat des transports d'Île-de-France (STIF), qui devra répercuter cette hausse, soit par une augmentation du prix des tickets, soit par une diminution des projets de renforts d'offre de bus.

Quoiqu'il en soit, ce sont donc, une nouvelle fois, les usagers qui vont être pénalisés, dans un contexte de crise économique et de pouvoir d'achat « en berne ». À ceci s'ajoute l'impératif écologique qui appelle à un recours massif aux transports en commun. Une telle décision fiscale risque donc de produire l'effet inverse ou, tout au moins, avoir un effet fortement dissuasif.

Elle lui demande s'il envisage de confirmer cette hausse ou de revenir à un taux réduit à hauteur de 5,5 %, considérant que les transports en commun sont un bien de première nécessité.

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Réponse du Ministère chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation publiée le 02/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 01/10/2013

Mme Laurence Cohen. Monsieur le ministre, faisant suite au pacte national pour la croissance, la compétitivité et l'emploi et à la nécessité de trouver des recettes pour financer le crédit d'impôt accordé aux entreprises, l'Assemblée nationale a adopté le 5 décembre dernier un amendement visant à augmenter deux des trois taux de TVA.

Ainsi, le taux intermédiaire passerait de 7 % à 10 % dès le 1er janvier 2014. Plusieurs secteurs seraient concernés par cette augmentation.

Cette hausse annoncée crée beaucoup d'inquiétude chez les professionnels du transport. La Fédération nationale des associations d'usagers des transports, la FNAUT, la Fédération nationale des transports de voyageurs, la FNTV, le Groupement des autorités responsables de transport, le GART, et l'Union des transports publics et ferroviaires, l'UTP, viennent d'ailleurs d'adresser un courrier au Premier ministre pour demander un taux réduit à 5 % pour les transports publics.

Cette inquiétude est d'autant plus légitime que cette mesure constituerait quasiment un doublement de la TVA en deux ans, à la suite de la hausse de 2011.

En Île-de-France, par exemple, cela représente environ 100 millions d'euros, une somme qui aura des conséquences sur les finances du Syndicat des transports d'Île-de-France, le STIF, qui devra répercuter cette hausse soit par une augmentation du prix des tickets, et donc sur les usagers, soit par une diminution des projets de renforts d'offre de bus.

Je précise d'ailleurs que le conseil du STIF, présidé par Jean-Paul Huchon, a adopté à une très large majorité, le 13 décembre dernier, un vœu pour dénoncer cette hausse annoncée et pour proposer, au contraire, une application du taux réduit à 5 %.

Quelques jours après la Journée du transport public, destinée à favoriser la mobilité et à réduire l'usage de la voiture, et après la conférence environnementale, je ne peux que m'associer à cette inquiétude et plaider pour l'application d'un taux réduit pour les transports, considérant qu'il s'agit de biens de première nécessité. Je me permets d'ailleurs de rappeler que les transports publics sont classés comme tels en Allemagne, au Royaume-Uni, au Portugal, en Suède ou encore en Norvège, des pays que l'on aime à citer comme modèles lorsque l'on y trouve intérêt.

Au-delà du positionnement de notre groupe sur le crédit d'impôt, je trouverais particulièrement regrettable que les usagers voient les prix de leurs tickets augmenter pour financer une mesure qui ne les concerne pas. Cette hausse de TVA ne profitera même pas au financement du système de transport public, qui en a pourtant vraiment besoin.

Monsieur le ministre, à l'heure des premiers arbitrages budgétaires pour 2014, pouvez-vous me dire si vous entendez revenir sur cette hausse, qui serait particulièrement impopulaire auprès des usagers et tout aussi inefficace en termes d'incitation à l'utilisation des transports publics dans une optique de développement durable ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Je vous prie, madame la sénatrice, de bien vouloir excuser l'absence de Bernard Cazeneuve.

Vous avez appelé l'attention du Gouvernement sur les taux de TVA applicables aux transports et sur les conséquences de la hausse du taux de TVA de 7 % à 10 % qui interviendra à compter du 1er janvier 2014 concernant, notamment, les prestations de transport public de voyageurs.

Vous considérez qu'il s'agit de prestations de première nécessité devant bénéficier du taux de TVA réduit de 5 %.

La restructuration des taux de TVA votée l'an dernier contribue au financement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi, le CICE. Cette mesure fiscale, dont je crois savoir que vous ne la soutenez pas particulièrement, est l'une des pierres angulaires de la politique du Gouvernement en matière macroéconomique puisqu'elle vise à restaurer les marges des entreprises afin de permettre à ces dernières d'investir et de créer de l'emploi. Ce point fait débat entre nous. Le Gouvernement a choisi, pour sa part, de consacrer 20 milliards d'euros à cette mesure de soutien aux entreprises.

Le CICE sera très profitable au secteur du transport collectif et son montant sera supérieur au coût représenté par la hausse de la TVA. Le secteur bénéficiera donc d'un gain net, si bien que les prix pratiqués par les entreprises de transport ne devraient pas, en moyenne, connaître de hausse. En outre, les contrats liant ces entreprises aux collectivités territoriales prévoient souvent une indexation des tarifs sur l'indice du coût du travail.

Le CICE étant pris en compte dans cet indice, il se traduira, pour tous les contrats ainsi rédigés, par une baisse des tarifs pour la collectivité, sans même qu'il faille conclure un avenant au contrat. C'est l'un des impacts positifs attendus du CICE sur la politique tarifaire de ces entreprises.

Enfin, le passage au taux de 5 % du transport public de voyageurs impliquerait un manque à gagner pour la puissance publique et l'État de 1 milliard d'euros, par rapport au relèvement à 10 % voté en loi de finances rectificative pour 2012. Je vous rappelle que le droit communautaire n'autorise pas un traitement différencié pour le transport public et les autres modes de transport.

Dans ces conditions, il n'est pas envisagé de réduire le taux de TVA sur le transport.

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Permettez-moi de vous dire, monsieur le ministre, qu'un tel raisonnement est une faute politique. D'un côté, vous prônez des mesures censées privilégier l'environnement, et, de l'autre, vous dites que la TVA n'aura pas d'incidence sur le prix des transports. C'est une mauvaise analyse !

La conseillère régionale d'Île-de-France que je suis considère qu'il y a un besoin très important de financements en Île-de-France.

Au conseil régional, en particulier au sein du STIF, nous avons émis un vœu unanime d'augmentation du versement transport, en vue, justement, de mettre en place une zone et un tarif uniques. Malheureusement, la représentation nationale n'est pas allée dans ce sens.

Vous me dites que la TVA n'aura aucune incidence sur le prix des trajets : vous me permettrez d'en douter fortement !

Il s'agit à mon avis d'un rendez-vous manqué, et je comprends d'autant moins ce positionnement que j'avais eu le sentiment - je suis optimiste, il est vrai ! - que les choses pouvaient bouger. Je le pense toujours, d'ailleurs. François Hollande a en effet annoncé, le 20 septembre dernier, que la TVA pour la rénovation thermique des logements allait passer de 10 % à 5 % en 2014. Pourquoi ne pas prendre des mesures équivalentes pour les transports ? Pour ma part, je les appelle de mes vœux.

J'espère que, en cas d'impact sur la tarification, ce qui serait particulièrement injuste pour les Franciliennes et les Franciliens, la mobilisation sera suffisamment forte.

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