Question de Mme DEROCHE Catherine (Maine-et-Loire - UMP) publiée le 11/07/2013

Mme Catherine Deroche attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'utilisation de la technique du crédit-bail, par les collectivités territoriales, dans l'intervention publique locale de l'immobilier d'entreprise.

Les intercommunalités, plus particulièrement, mettent à disposition des entreprises qui souhaitent s'installer dans les zones artisanales intercommunales des bâtiments industriels au moyen du crédit-bail, cette formule apparaissant comme l'une des formes juridiques les plus appropriées en ce domaine.
Or, les conditions réglementaires encadrant l'établissement des crédits-bails immobiliers se révèlent, aujourd'hui, assez restrictives. Ainsi, l'article L. 511-5 du code monétaire et financier précise-t-il que la pratique du crédit-bail immobilier ne doit pas revêtir un caractère habituel, pour toute personne autre qu'un établissement de crédit.

La jurisprudence, quant à elle, considère que l'habitude commence dès la première répétition.

En conséquence, si les collectivités locales peuvent mettre en œuvre des opérations d'immobilier d'entreprise en crédit-bail dans le cadre de leur pouvoir économique, ces opérations ne peuvent avoir un caractère « habituel » et doivent donc être pratiquées de manière « occasionnelle ».

Au nombre des sanctions, figure, notamment, la nullité du contrat qui peut être invoquée par le crédit-preneur. C'est ce qui est arrivé, dans le département de Maine-et-Loire : la communauté de communes Loir-et-Sarthe, propriétaire de douze ateliers relais, dont huit loués en crédit-bail, et deux en baux courte durée à transformer, à l'échéance, soit en crédit-bail, soit en bail commercial, s'est vu opposer la nullité de plusieurs contrats en raison du caractère répétitif de cette pratique, permettant ainsi au crédits-preneurs d'éviter de payer les préavis et les indemnités dus en cas de résiliation anticipée.

Il en résulte une véritable insécurité juridique pour les collectivités locales, alors même que ces opérations ont fait l'objet de délibérations et n'ont pas reçu la moindre observation de la part des services de l'État.

Aussi lui demande-t-elle de lui indiquer si des aménagements à la pratique du crédit-bail immobilier peuvent être envisagés, permettant de pallier les carences constatées en zone de revitalisation rurale ou dans les autres territoires défavorisés. Cette piste mériterait, en effet, d'être explorée, tant pour permettre aux intercommunalités d'exercer plus sereinement leur compétence de développement économique que pour pallier la carence des opérateurs privés qui n'investissent pas dans le milieu rural.

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Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 30/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 29/10/2013

Mme Catherine Deroche. Je souhaiterais attirer l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'utilisation de la technique du crédit-bail par les collectivités territoriales, dans l'intervention publique locale de l'immobilier d'entreprise.

Les intercommunalités, en particulier, mettent à disposition des entreprises désireuses de s'installer dans les zones artisanales intercommunales des bâtiments industriels au moyen du crédit-bail, cette formule apparaissant comme l'une des formes juridiques les plus appropriées.

Or les conditions réglementaires encadrant l'établissement des crédits-bails immobiliers se révèlent aujourd'hui assez restrictives. Ainsi l'article L. 511-5 du code monétaire et financier précise-t-il que la pratique du crédit-bail immobilier ne doit pas revêtir un caractère habituel pour toute personne autre qu'un établissement de crédit.

La jurisprudence, quant à elle, considère que l'habitude commence dès la première répétition.

En conséquence, si les collectivités locales peuvent mettre en œuvre des opérations d'immobilier d'entreprise en crédit-bail dans le cadre de leur pouvoir économique, ces opérations ne peuvent avoir un caractère « habituel » et doivent donc être pratiquées de manière occasionnelle.

Au nombre des sanctions figure notamment la nullité du contrat qui peut être invoquée par le crédit-preneur. C'est ce qui est arrivé dans mon département, le Maine-et-Loire : la communauté de communes Loir-et-Sarthe, propriétaire de douze ateliers relais, dont huit loués en crédit-bail et deux en baux courte durée à transformer, à l'échéance, soit en crédit-bail, soit en bail commercial, s'est vu opposer la nullité de plusieurs contrats en raison du caractère répétitif de cette pratique. Les crédits-preneurs ont ainsi pu éviter de payer les préavis et les indemnités dus en cas de résiliation anticipée.

Il en résulte une véritable insécurité juridique pour les collectivités locales, alors même que ces opérations ont fait l'objet de délibérations et n'ont pas suscité la moindre observation de la part des services de l'État.

Aussi, j'aimerais savoir si le Gouvernement entend prendre des mesures pour aménager la pratique du crédit-bail immobilier.

Cette piste mérite en effet d'être explorée, tant pour permettre aux intercommunalités d'exercer plus sereinement leur compétence en matière de développement économique que pour répondre à la carence des opérateurs privés, qui n'investissent pas forcément dans le milieu rural.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Madame la sénatrice, voilà une question qui relève autant de Manuel Valls que de la ministre déléguée chargée de la décentralisation !

Le contrat de crédit-bail immobilier est défini par l'article L.313-7, alinéa 2, du code monétaire et financier comme une opération par laquelle le crédit-bailleur donne en location, pour une certaine durée, un bien immobilier à un crédit-preneur, l'entreprise, qui aura la faculté de devenir propriétaire de ce bien à l'expiration du contrat de crédit-bail ou par une levée de l'option d'achat, pour un prix fixé contractuellement.

Le crédit-bail consiste donc en une location assortie d'une promesse unilatérale de vente.

Ce mode de financement des investissements à moyen ou long terme est assimilé à une opération de crédit par l'article L. 313-1 du code monétaire et financier et, à ce titre, ne peut être effectué à titre habituel que par des entreprises commerciales agréées en qualité d'établissement de crédit selon l'article L. 515-2 du même code.

À titre exceptionnel, et lorsque l'intérêt local l'exige, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent déroger au principe du monopole bancaire reconnu aux établissements de crédit et effectuer des opérations de crédit-bail en vue d'assurer le développement ou le maintien d'activités économiques.

Cette possibilité ne doit cependant pas revêtir un caractère habituel. Dans l'exemple du département de Maine-et-Loire que vous avez cité, vous avez vous-même mentionné l'existence de huit contrats de crédit-bail. La jurisprudence interprète cette notion de « caractère habituel » de manière très restrictive : il est en général considéré que l'habitude commence dès la première répétition, c'est-à-dire au deuxième contrat de crédit-bail.

Les collectivités territoriales et leurs groupements disposent toutefois, dans le cadre de l'article L. 1511-3 du code général des collectivités territoriales, de la faculté d'intervenir indirectement dans une opération de crédit-bail en accordant des aides à l'immobilier d'entreprise dans des conditions très précises, conformément à l'article R. 1511-4-1 du même code, qui permet d'attribuer des aides, par l'intermédiaire d'un tiers maître d'ouvrage habilité à effectuer des opérations de crédit à titre habituel. C'est à ce dernier qu'il revient de répercuter intégralement ces aides sous forme de rabais sur les annuités de crédit-bail payées par l'entreprise. L'aide donne alors lieu à l'établissement d'une convention.

Dans ces conditions, vous comprendrez, madame la sénatrice, que le respect de la loi s'impose.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Loin de moi l'idée de ne pas respecter la loi ! Mon objectif était de vous sensibiliser aux difficultés que rencontrent les intercommunalités dans le cadre des opérations de crédit-bail. Je m'interrogeais sur la possibilité d'améliorer les textes, de façon à disposer d'un peu plus de souplesse.

Nous savons que la situation économique de la France est catastrophique. Elle inquiète au plus haut point non seulement les Français et les chefs d'entreprise, mais aussi les élus locaux. Dans la guerre que nous devons mener contre le chômage et contre la dégradation de l'emploi, avec toutes leurs conséquences sociales, voire sociétales, je pense qu'il nous faut imaginer des méthodes et des modifications réglementaires ou législatives permettant de libérer les énergies et de supprimer nombre des freins à la création d'emplois.

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