Question de M. ANTISTE Maurice (Martinique - SOC-A) publiée le 25/07/2013

M. Maurice Antiste attire l'attention de M. le ministre délégué auprès du ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche sur la problématique de la prolifération du poisson-lion qui, après avoir colonisé la mer des Caraïbes, s'attaque aujourd'hui aux rivages et constitue une menace pour l'écosystème.

En effet, le poisson-lion est une espèce invasive, vorace et sans prédateur qui a été observée pour la première fois il y a deux ans en Martinique, en février 2011. Se reproduisant à une vitesse impressionnante, le poisson-lion colonise maintenant tous les habitats côtiers autour de l'île et ceci aux dépens des espèces autochtones.

Les densités actuelles de poissons lion atteignent 300 individus par hectare sur certains sites de la Martinique. Ces poissons se nourrissent de deux proies par jour, ce qui correspondrait à une consommation estimée à 219 000 juvéniles, dont certains appartenant à des espèces d'intérêt commercial.
La répartition des populations de poissons-lions en Martinique n'est pas homogène selon les sites. Il existe environ 55 kilomètres carrés de récifs (5 500 hectares) et communautés coralliennes entre 0 et 50 mètres de profondeur. Si l'on prend un niveau d'invasion à 300 individus par habitants, pour moitié de cette surface : cela représente une population d'environ 825 000 poissons-lions. La consommation de juvéniles de poissons d'intérêt commercial est alors : 4 500 juvéniles par an par habitant x 2 500 habitants = 12 375 000 juvéniles consommés chaque année.

Son inquiétude est d'autant plus grande, qu'à la suite de mesures liées à la pollution par la chlordécone, 40 % de notre zone côtière est règlementée et interdite à la pêche. Cela constitue ainsi une belle zone paisible de sanctuarisation pour le poisson-lion.

C'est pourquoi il l'interroge sur les mesures urgentes et radicales qui peuvent être mises en place contre ce fléau majeur, qui anéantit tous les efforts de préservation et de conservation de notre très riche biodiversité, et sur les mesures d'accompagnement envisagées pour les marins-pêcheurs professionnels.

Il souhaite également savoir les actions effectives menées par la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement (DEAL) de la Martinique pour lutter contre l'essor du poisson lion et les bilans à la date d'd'aujourd'hui.

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Transmise au Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie


Réponse du Ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie publiée le 15/05/2014

La prolifération du poisson-lion (Pterois volitans) dans les eaux côtières de la Martinique, et plus largement dans la Caraïbe, constitue une menace pour l'environnement et la gestion durable du milieu marin local. Elle est aujourd'hui unanimement reconnue par la sphère scientifique et si la mesure quantitative de l'impact écologique et socio-économique de ce prédateur sur les écosystèmes marins demeure difficile à estimer, les instances internationales comme l'ICRI, (international coral reef initiative) incitent tous les États concernés à mettre en œuvre des stratégies de contrôle des populations sur leurs territoires respectifs. Consciente des enjeux de l'arrivée imminente du poisson-lion dans les eaux côtières de la Martinique, la direction de l'environnement, de l'aménagement et du logement de La Réunion (DEAL), dont la gestion des espèces envahissantes est une des prérogatives, suit de près ce sujet depuis 2010. Cette veille a permis d'anticiper l'arrivée des premiers individus en informant largement les usages de la mer en particulier les plongeurs et pêcheurs, ce qui a permis une détection et une capture précoce des premiers individus à partir de février 2011. L'ensemble des actions mises en œuvre localement par la DEAL et ses partenaires s'inscrivent dans le cadre d'une stratégie mise en commun aux niveaux des Antilles françaises et déclinant localement la stratégie régionale caribéenne issue des travaux du Comité ad hoc poisson-lion de l'ICRI. En l'absence de prédateurs et face à l'ampleur de l'invasion, seule l'action de l'homme peut permettre un contrôle localisé des densités de ce prédateur et par conséquent de ses impacts écologiques et socio-économiques. Les actions ont consisté, dans un premier temps, à informer la population par la voie des médias de la problématique environnementale, économique et sanitaire (risque de piqûre) liée à cette invasion. Une information des autorités compétentes en santé publique sur le caractère venimeux de ce poisson et les recommandations médicales pour le traitement des piqûres a également été réalisée. En collaboration avec la direction de la mer de la Martinique, un régime dérogatoire d'utilisation d'engins de capture en scaphandre autonome, spécifiquement pour le poisson-lion, a été mis en place. Une large information a été menée auprès des pratiquants de la plongée sous marine pour impliquer des bénévoles dans la capture du poisson-lion sur les espaces accessibles en scaphandre autonome. Les réunions sectorielles de formation ont permis d'habiliter et d'équiper avec du matériel adapté près de 150 plongeurs pour les captures en routine, dont l'indicateur de suivi fait état à ce jour de plus de 8 000 captures enregistrées. En parallèle, un projet intitulé PoLiPA (poisson-lion petites Antilles) et mené par l'observatoire du milieu marin martiniquais a été lauréat d'un appel à projet de la stratégie nationale pour la biodiversité (SNB) du ministère de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Dans le cadre de ce projet, des études scientifiques sont menées pour suivre selon des protocoles normalisés, l'évolution de la densité des populations sur des zones de références afin d'évaluer l'efficacité du programme de capture en plongée. Un suivi sur récifs artificiels visant à estimer les volumes de prédation des poissons-lions sur les populations juvéniles d'espèces autochtones est également en cours de démarrage. Enfin une étude socio-économique, basée sur les résultats obtenus dans le cadre des études précitées, permettra de monétariser aux Antilles françaises, l'impact de cette invasion vis à-vis des services écosystémiques rendus par les milieux marins côtiers et en particulier certains usages comme la pêche professionnelle. Parallèlement au programme de capture mené par les plongeurs et chasseurs sous-marins volontaires, la valorisation des prises issues des engins de pêche professionnels fait partie intégrante de la stratégie de contrôle. En effet, si ce poisson a toutes les caractéristiques d'un envahisseur hors pair, il s'avère être aussi une ressource qui peut être destinée à la consommation humaine : venimeux mais non toxique, le poisson-lion devient un produit de grande qualité et sans risque pour le consommateur, une fois débarrassé de ses nageoires épineuses. Le nombre et la taille des poissons-lions capturés dans les nasses des pêcheurs professionnels étant de plus en plus important, la démarche de promotion de la valorisation de la consommation du poisson-lion auprès du public martiniquais vise à impliquer les professionnels dans le contrôle de cette espèce en leur permettant de valoriser ce nouveau type de prises ; l'objectif étant de susciter une demande auprès des consommateurs en leur faisant découvrir les qualités gustatives de la chair du poisson-lion. Pour ce faire, une analyse préalable du niveau de contamination de cette espèce par la chlordécone a été menée afin de valider la démarche de promotion en cours consistant en l'édition d'un livre de recettes de cuisine spécifique au poisson-lion et en l'organisation de plusieurs événements de dégustation relayés par les médias. Un certain nombre de restaurants proposent désormais du poisson-lion à leurs clients qui manifestent un engouement certain pour ce produit. La question des zones interdites de pêche en raison d'une contamination à la chlordécone mérite une attention particulière. Pour répondre aux inquiétudes formulées par le comité régional des pêches et des élevages marins de la Martinique, des prospections ont été menées en collaboration avec la direction de la mer en plusieurs sites afin d'évaluer les densités de poisson-lion. Les baies du Galion, du Robert et de Fort-de-France ont, ainsi, pu ainsi être échantillonnées et les résultats montrent pour le moment de très faibles densités sur ces zones en comparaison avec les autres secteurs suivis. Une veille sera cependant maintenue pour ces espaces particuliers et une réflexion sur les modalités de prélèvement à des fins de contrôle des populations est en cours avec les services de la direction de la mer. L'information du grand public sur cette problématique se poursuit avec l'édition et la diffusion de dépliants et le cofinancement de documentaires télévisuels. Plus récemment, l'organisation du premier concours de chasse du poisson-lion visait à impliquer de façon active les pratiquants de chasse sous-marine de loisir dans l'effort de lutte général. Enfin, une veille scientifique et une participation aux comités régionaux dédiés à la problématique est assurée par l'observatoire du milieu marin et le référent mer de la DEAL. Les efforts de promotion de la consommation, d'incitation des pêcheurs à valoriser ce produit, et de motivation des plongeurs bénévoles dans les programmes de capture se poursuivent en 2014.

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