Question de Mme DEMESSINE Michelle (Nord - CRC) publiée le 12/09/2013

Mme Michelle Demessine interroge Mme la ministre de l'égalité des territoires et du logement sur la politique du logement en milieu rural.

Il semble, en effet, qu'une attention toute particulière doive être adressée aux territoires ruraux qui souffrent d'une véritable hémorragie de population en raison du manque de logements qui y sont proposés.

Par exemple, dans la région Nord-Pas-de-Calais, selon une étude de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, la proportion de logements financés dans les secteurs les plus ruraux a été divisée par deux en quatre ans.

Les communes rurales sont ainsi fortement pénalisées, ce qui favorise l'exode rural vers des grands centres urbains, de plus en plus engorgés, qui concentrent tous les zonages géographiques pour les aides au logement.

Elle souhaiterait donc savoir quelle politique du logement envisage le Gouvernement pour mettre un frein à l'exode rural.

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Réponse du Ministère de l'égalité des territoires et du logement publiée le 16/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 15/10/2013

Mme Michelle Demessine. Madame la ministre, les projets de lois sur le logement que vous portez ont tous un même objectif : lutter contre la hausse des loyers et la pénurie de logements qui frappe notre pays.

Alors que la dépense des ménages en matière de logement est devenue exorbitante, nous partageons ensemble ces mêmes objectifs, même si nous divergeons parfois sur les moyens de les atteindre.

Néanmoins, il me semble que s'il y a un grand oublié sur la question du logement, c'est bien le monde rural. Nous le savons, la situation de pénurie de logements, qui est insuffisamment prise en compte dans le monde rural, résulte de la conjugaison de plusieurs dispositifs de zonages.

Le premier zonage concerne, je le rappelle, le secteur privé, avec le dispositif Scellier, dont vous avez fait en sorte de limiter les abus et qui est devenu le dispositif Duflot. Ce mécanisme permet aux investisseurs qui achètent des logements neufs de bénéficier d'avantages fiscaux pour louer à des loyers plafonnés. Toutefois, en ne se basant que sur l'analyse du marché du logement, il exclut de fait les secteurs ruraux.

Il en est de même du zonage dit locatif social, qui conditionne trois éléments : le montant des loyers applicables par les bailleurs, les plafonds de ressources des ménages pour attribuer un logement social et le montant de l'aide personnalisée au logement en fonction des revenus des locataires

Le zonage locatif social n'est pas non plus en adéquation avec les besoins dans les secteurs ruraux, qui se trouvent encore dans la zone la moins favorable.

Ainsi, dans le département du Nord, au moins 26 % des habitants, soit 660 000 personnes, sont presque totalement exclus des aides publiques.

Autre constat alarmant, dans la région Nord-Pas-de-Calais, la proportion de logements financés dans les secteurs les plus ruraux a été divisée par deux en quatre ans.

C'est pourquoi il me semble nécessaire de revoir la notion de zonage, car elle pénalise fortement, je l'ai dit, les zones rurales. La logique des zones tendues tend à concentrer tous les financements vers les grands centres urbains. Elle conduit même les populations à l'exode vers ces zones toujours plus tendues.

De plus, une telle organisation a accéléré la spéculation foncière et immobilière dans les centres urbains. Elle a privé nombre de bourgs et de communes rurales des aides à la pierre qui leur étaient nécessaires pour répondre aux attentes des ménages, maintenir leur niveau de population et préserver leurs services publics, leurs petites entreprises et leurs commerces. Elle a également contribué à une répartition très déséquilibrée des autorisations de construire de l'État, qui sont attribuées sans aucun souci de l'équité territoriale. Les bailleurs ont ainsi, le plus souvent, renoncé à construire sur certains territoires, compte tenu de l'impossibilité dans laquelle ils étaient d'assurer l'équilibre des opérations.

Madame la ministre, ma question est donc la suivante : quelles mesures entendez-vous prendre pour permettre une meilleure accession au logement dans les zones rurales ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Madame la sénatrice, la volonté du Gouvernement, que vous partagez largement - vous l'avez souligné -, est d'accélérer le rythme de production de logements locatifs sociaux pour atteindre un objectif de 150 000 nouveaux logements financés par an et de répondre aux situations spécifiques des différents territoires. Je m'inscris en faux contre l'idée selon laquelle les territoires ruraux ne seraient pas considérés. La nécessité est de construire du logement social là où la tension, notamment la tension sociale, sur le logement est importante.

Pour la région Nord-Pas-de-Calais, la méthode retenue pour la répartition des objectifs de développement de l'offre de logements sociaux s'appuie sur la demande locative sociale prioritaire. Elle est issue de l'Observatoire régional de la demande et des attributions, l'OREDA, et développée par l'association régionale pour l'habitat, l'ARHLM, en partenariat avec l'État. Cette répartition, élaborée de manière partenariale au sein de la région, n'a pas soulevé d'observation de la part des membres du comité régional de l'habitat.

Les données relatives à la demande de logement social montrent qu'il existe bel et bien une demande émanant des secteurs les plus ruraux. Celle-ci est prise en compte à due proportion des besoins.

Je souhaite également aborder les interactions urbain-rural dans le Nord-Pas-de-Calais. Au cours de la dernière décennie, les zones les plus dynamiques en matière démographique sont des zones rurales, même si quelques secteurs, les plus excentrés et éloignés des zones d'emploi, connaissent des situations difficiles, dues non pas à une difficulté à se loger, mais essentiellement au contexte économique.

Dans les zones rurales ou semi-rurales, la production de logements dans le parc public continuera d'assurer une offre de logement social pour les ménages rencontrant des difficultés pour se loger, quel que soit l'endroit où ils habitent. Dans ces zones, le parc privé existant doit être mobilisé autant que possible. Une telle solution peut se concrétiser soit par l'achat de logements par les bailleurs sociaux en prêt locatif aidé d'intégration, PLAI, soit par des aides de l'Agence nationale de l'habitat, l'ANAH, aux propriétaires bailleurs de logements très dégradés, qui peuvent ensuite être loués à de bas niveaux de loyers, proches de celui du PLAI, c'est-à-dire 4,48 euros par mètre carré en zone détendue. Ces logements font partie des logements sociaux au regard de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains.

Par ailleurs, la prime à l'amélioration des logements à utilisation locative et à occupation sociale, ou PALULOS, communale, qui consiste à attribuer une aide pour transformer des logements communaux, par exemple un presbytère ou l'ancien logement de l'instituteur, en logements sociaux, ce qui s'apparente à de l'offre nouvelle, est également un moyen de remettre sur le marché du logement accessible de bonne qualité. Ainsi, 400 logements ont été financés en PALULOS communales en 2012, dont 320 en zone C, zone la moins tendue.

Enfin, nous réfléchissons actuellement à la mise en place opérationnelle d'un programme d'opérations de requalification globale, un peu à la manière de ce qu'a fait l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU, même si les problématiques et les échelles ne sont pas les mêmes pour les centres-bourgs. L'objet serait d'accompagner les communes pour monter des projets transversaux, portant tant sur la rénovation du bâti - il peut s'agir de rénovation énergétique ou d'adaptation des logements au vieillissement de la population -, que sur la création d'une offre de logement attractive pour les jeunes - je pense au logement social et en accession -, la redynamisation commerciale ou le renforcement de l'offre de services de proximité ou de petits équipements.

M. le président. La parole est à Mme Michelle Demessine.

Mme Michelle Demessine. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse extrêmement détaillée. J'ai pris bonne note d'un certain nombre d'éléments, que je vérifierai avec les partenaires, sur le terrain.

Vous avez indiqué que la répartition était partenariale et qu'elle n'avait pas soulevé d'observations. Nous examinerons ce qui s'est passé à cet égard.

J'ai également pris acte de l'existence d'un plan de requalification pour les centres ruraux, avec un certain nombre de dispositifs qui devraient normalement pouvoir être activés dans ma région.

Quoi qu'il en soit, je regarderai l'ensemble de ces points avec les acteurs de terrain, pour m'assurer que toutes les mobilisations spécifiques nécessaires ont bien été mises en œuvre.

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