Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 12/09/2013

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le fait que la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative aux élections cantonales et municipales entraîne, dans chaque département, un redécoupage général des cantons. Le processus correspondant est encadré, à la fois, par les dispositions de la loi susvisée et par les principes constitutionnels, notamment celui de la représentation sur une base démographique prépondérante. En la matière, le seuil de référence est l'écart de 20 % de la population de chaque canton par rapport à la moyenne du département. Dans la procédure de redécoupage engagée par le Gouvernement, il convient d'éviter les arbitrages à géométrie variable, faute de quoi ce serait la porte ouverte aux accusations de « charcutage ». Il lui demande donc de lui préciser en détail la jurisprudence qu'il applique pour déroger ou non, au critère de l'écart de 20 %. De même, les limites des arrondissements, celles des cantons existants et celles des intercommunalités sont trois autres critères ; parmi eux, il lui demande lequel a le plus d'influence dans ses arbitrages. Enfin, une reconfiguration géographique des intercommunalités est en cours, parallèlement au redécoupage des cantons et il est regrettable que, dans certains départements, cette reconfiguration soit retardée, ce qui empêche d'en tenir compte lors du redécoupage des nouveaux cantons. En particulier, lorsqu'une intercommunalité a moins de 5 000 habitants ou lorsqu'elle est formée de deux parties disjointes, il lui demande quelle est la date limite avant laquelle la reconfiguration doit impérativement entrer concrètement en vigueur.

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Réponse du Ministère chargé des affaires européennes publiée le 16/10/2013

Réponse apportée en séance publique le 15/10/2013

M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, ma question concerne le redécoupage des cantons et corrélativement, celui des intercommunalités.

Vous le savez, chaque fois qu'un Gouvernement procède à un redécoupage des circonscriptions électorales, il est l'objet, parfois à tort, parfois à raison, de multiples accusations de « charcutage » ou de dévoiement du suffrage universel.

Ce qui est fait actuellement pour les cantons n'est probablement pas parfait, mais ce n'est pas pire que le redécoupage des circonscriptions législatives intervenu en 2009 ! (M. le ministre délégué acquiesce.)

En la matière, certains de mes collègues de l'UMP devraient faire preuve d'un peu plus de réserve dans leurs vociférations, qui ont actuellement tendance à se multiplier.

Par exemple, en 2009, le département de la Moselle a subi un « tripatouillage » épouvantable, à tel point que la commission des lois de l'Assemblée nationale, pourtant à majorité UMP, a adopté un amendement soulignant que les propositions du gouvernement étaient malhonnêtes et qu'il fallait les rectifier.

Ce département est également le seul, avec celui du Tarn-et-Garonne, pour lequel le Conseil constitutionnel a explicitement indiqué qu'il y avait eu charcutage et que les découpages étaient tout à fait douteux. Le projet concernant la Moselle avait également obtenu un avis négatif de la part du Conseil d'État et de la commission de contrôle du découpage électoral.

En dépit de cela, le Gouvernement de l'époque est passé en force. Je ne comprends pas que ceux qui ont soutenu une telle opération viennent aujourd'hui se plaindre de ce qui se passe pour les cantons.

L'expérience de 2009, notamment en Moselle, montre qu'il suffit localement d'un élu malfaisant et magouilleur pour aboutir à des turpitudes inacceptables !

Par conséquent, monsieur le ministre, pour faire face à d'éventuelles critiques, peut-être fondées, il me semble absolument nécessaire de fixer des règles et des principes. Le Gouvernement doit préciser les critères et les éléments qu'il compte retenir pour procéder au découpage. On ne peut pas se contenter de la simple indication des limites existantes ou futures d'intercommunalités ou d'informations très vagues sur la règle des 20 % sans même savoir si elle sera appliquée ou non.

Monsieur le ministre, j'aimerais que vous nous indiquiez comment, concrètement, le Gouvernement donne la priorité à tel ou tel critère et sur quels fondements il rend tel ou tel type d'arbitrage.

C'est uniquement si des règles bien claires et précises sont posées que l'on pourra ensuite savoir si le Gouvernement les a appliquées et qu'il pourra lui-même - d'ailleurs, c'est dans son propre intérêt - expliquer, face à d'éventuelles accusations, pourquoi il a fait passer les ciseaux d'un côté du trait ou de l'autre.

 

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

 

M. Thierry Repentin, ministre délégué auprès du ministre des affaires étrangères, chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, je vous réponds au nom de Manuel Valls, qui est aujourd'hui en déplacement avec le Premier ministre.

Les règles du redécoupage électoral sont écrites. Sur les critères applicables à la redéfinition des limites cantonales, il convient de rappeler précisément la jurisprudence constitutionnelle, qui guide le travail mené par le ministère de l'intérieur.

Dans une décision, assez récente, du 16 mai 2013, le Conseil constitutionnel a rappelé que « l'organe délibérant d'un département doit être élu sur des bases essentiellement démographiques selon une répartition des sièges et une délimitation des circonscriptions respectant au mieux l'égalité devant le suffrage ; que, s'il ne s'ensuit pas que la répartition des sièges doive être nécessairement proportionnelle à la population de chaque département ni qu'il ne puisse être tenu compte d'autres impératifs d'intérêt général, ces considérations ne peuvent toutefois intervenir que dans une mesure limitée ».

À propos de la délimitation des circonscriptions électorales qui succéderont aux cantons actuels, le Conseil constitutionnel a relevé que « si le législateur peut tenir compte de considérations géographiques, au nombre desquelles figurent l'insularité, le relief, l'enclavement ou la superficie ainsi que d'autres impératifs d'intérêt général susceptibles d'atténuer la portée de la règle de l'égalité devant le suffrage, il ne saurait le faire que dans une mesure limitée » .

Par ailleurs, la règle selon laquelle les limites cantonales doivent respecter les limites d'arrondissements perd sa justification dès lors que le projet de loi met fin au renouvellement par moitié des conseils généraux. Les limites des nouveaux cantons peuvent donc s'affranchir du respect des limites des arrondissements.

Le Gouvernement procède au remodelage cantonal en fixant comme premier principe le respect des critères démographiques. Il ne s'en écarte que de manière limitée, et seulement pour tenir compte de spécificités géographiques impératives.

 

M. Alain Fouché. Ce n'est pas la réalité !

 

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Le remodelage s'appuie autant que faire se peut sur la carte des établissements publics de coopération intercommunale, ou EPCI, dans les départements qui disposent d'un schéma départemental de coopération intercommunale, le SDCI, et lorsque la configuration de celui-ci le permet. Quand tel n'est pas le cas, le travail s'appuie prioritairement sur la carte cantonale existante, ainsi que sur la carte des bassins de vie établie par l'INSEE pour l'année 2012.

Vous avez également interrogé le Gouvernement sur la carte intercommunale. Je le rappelle, la création d'EPCI d'au moins 5 000 habitants est un objectif fixé au titre des SDCI en vertu de la loi du 16 décembre 2010. Toutefois, le préfet disposait de la possibilité d'y accorder des dérogations en se fondant sur des caractéristiques géographiques particulières ou sur l'existence d'une zone de montagne, ce n'est pas le cas de votre département, mais qui peut intéresser d'autres sénateurs présents dans l'hémicycle.

La suppression des discontinuités territoriales, sous réserve des exceptions limitativement énumérées par le législateur, constitue quant à elle une obligation fixée par cette même loi. Ainsi, dans le cadre de la mise en œuvre des schémas départementaux, les préfets avaient pour mission de prendre des arrêtés de projet de périmètre tendant à la suppression de ces discontinuités avant le 31 mai 2013. À compter de cette date, une procédure particulière a été prévue dans le code général des collectivités territoriales pour mettre fin aux situations de discontinuité ou de communes isolées qui se feraient jour. Ces dispositions sont d'application immédiate et ne sont assorties d'aucune dérogation.

Le Gouvernement a réaffirmé cet objectif de rationalisation de la carte intercommunale à l'occasion d'une communication en conseil des ministres le 13 février dernier. La nouvelle « configuration géographique des intercommunalités », que vous évoquez dans votre question, n'est donc pas retardée. Le Gouvernement veille à ce que la rationalisation de la carte intercommunale aboutisse dans les délais les plus brefs et dans les meilleures conditions d'acceptation au niveau local, ce qui est indispensable à la réussite de ces projets.

Enfin, comme vous le savez, monsieur le sénateur, les propositions de redécoupage des cantons seront préalablement soumises au Conseil d'État, avant de recueillir l'avis des départements concernés.

 

M. le président. La parole est à M. Jean Louis Masson.

 

M. Jean Louis Masson. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse, qui contient des précisions intéressantes. C'est la première fois que le Gouvernement nous indique la hiérarchie des critères retenus pour fixer les limites des cantons et des intercommunalités présents ou à venir.

Jusqu'à présent, nous étions un peu dans le flou. J'avais bien tenté d'obtenir des informations à de nombreuses reprises, par exemple en interrogeant M. Valls en séance, mais le Gouvernement se bornait à faire référence à la règle des 20 %.

Si le Gouvernement se tient à ce que vous indiquez sans faire des tours et des contours excessifs,...

 

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Il n'y a pas lieu d'en douter !

 

M. Jean Louis Masson. ... nous pourrons considérer votre réponse comme importante. Vous nous avez apporté des critères précis dont nous ne disposions pas jusqu'à présent, critères qui pourront conduire à justifier un certain nombre de décisions.

Par ailleurs, vous soulignez le caractère prépondérant de la règle des 20 %. On ne pourra y déroger que pour des motifs fondamentaux, et certainement pas en vue de respecter des limites d'arrondissement ou d'intercommunalité, puisqu'il s'agit de critères accessoires. C'est là un élément essentiel, y compris pour le département de la Moselle.

Il reste un peu de flou sur un point, mais je reviendrai à la charge à la première occasion. Je parle des intercommunalités de moins de 5 000 habitants dans des territoires où les critères dérogatoires comme l'insularité ou le caractère montagneux ne s'appliquent pas. Comme vous l'avez rappelé, la Moselle est dans cette situation. Jusqu'à quelle date le préfet pourra-t-il maintenir des dérogations avant la mise en place de la nouvelle intercommunalité ? C'est un enjeu de taille pour mon département.

Je reposerai cette question très prochainement, et je vous prie d'en faire part dès maintenant aux services du ministère de l'intérieur, afin qu'ils puissent d'ores et déjà préparer la réponse.

 

M. Thierry Repentin, ministre délégué. Ce sera évidemment fait !

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