Question de Mme SCHURCH Mireille (Allier - CRC) publiée le 10/10/2013

Mme Mireille Schurch attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt sur la difficulté, pour les conseils généraux, de réglementer les zones de boisement sur leur territoire, bien que cette possibilité leur soit offerte par le code rural et de la pêche maritime.
L'acte II de la décentralisation a transféré aux conseils généraux la compétence de mise en œuvre d'une réglementation des boisements « afin de favoriser une meilleure répartition des terres entre les productions agricoles, la forêt, les espaces de nature ou de loisirs et les espaces habités en milieu rural et d'assurer la préservation de milieux naturels ou de paysages remarquables ».
Dans les faits, cette compétence, inscrite à l'article L. 126-1 du code rural et de la pêche maritime, est rapidement limitée par le code forestier qui, dans son article L. 124-6, charge le représentant de l'État dans le département d'arrêter le seuil à compter duquel il y a obligation de renouvellement des peuplements forestiers.
Elle lui demande, en conséquence, de bien vouloir étudier la possibilité de donner une rédaction nouvelle à cet article du code forestier, afin de le rendre compatible avec la compétence transférée, permettant ainsi aux départements de fixer le seuil d'application de la règlementation des boisements.

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Réponse du Ministère chargé de l'agroalimentaire publiée le 08/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 07/01/2014

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'acte II de la décentralisation a transféré aux conseils généraux la compétence de mise en œuvre d'une réglementation de boisements, « afin de favoriser une meilleure répartition des terres entre les productions agricoles, la forêt, les espaces de nature ou de loisirs et les espaces habités en milieu rural et d'assurer la préservation de milieux naturels ou de paysages remarquables ». Cette compétence est inscrite à l'article L. 126-1 du code rural et de la pêche maritime et évoquée à l'article L. 342-1 du code forestier.

Le conseil général de l'Allier, à la demande des communes de la montagne bourbonnaise, souhaite user de la possibilité de relever le seuil - actuellement de quatre hectares - à partir duquel il y a obligation de renouvellement de peuplements forestiers.

En effet, la situation de la montagne bourbonnaise est bien particulière : au milieu du siècle dernier, les quinze communes qui composent ce territoire de moyenne altitude ont perdu une part importante de leur population agricole. À la déprise agricole s'est substituée, sur de nombreuses parcelles, une plantation irraisonnée d'espèces allochtones, principalement d'épicéas et de douglas, en vue de l'exploitation rapide du bois. Ces plantations ont été réalisées au mépris des distances de recul par rapport à la voirie, aux fonds pastoraux voisins et aux habitations. Aujourd'hui, les 35 000 hectares de la montagne bourbonnaise sont boisés à plus de 50 %, dont un gros tiers en résineux.

Ce boisement intensif de résineux, dont certains atteignent maintenant 50 mètres de hauteur, pour une moyenne de 35 mètres à 45 ans, âge moyen des coupes, pose de nombreux problèmes : consommation importante d'eau, hyper acidification des sols qui entraîne un appauvrissement de la biodiversité, ombre et refroidissement préjudiciable aux habitations voisines, aux berges, à la ripisylve, aux cours d'eau, aux routes, qui verglacent plus fréquemment, et surtout aux fonds pastoraux voisins. Les chutes d'arbres, l'abandon de bois de résineux morts, qui favorisent le développement des atteintes parasitaires, les dégradations des routes, sentiers, ruisseaux causées par des engins d'exploitation surdimensionnés par rapport à la configuration de la moyenne montagne, la fermeture de paysages et la disparition des forêts autochtones de feuillus sont autant de nuisances aujourd'hui avérées. Bref, les élus locaux, les habitants, les agriculteurs, les chasseurs, les pêcheurs, tous ces experts du quotidien nous disent que le renouvellement des peuplements forestiers résineux ne se justifie pas sur ce territoire.

Le souhait du conseil général de relever le seuil à compter duquel il faut replanter à l'identique est donc tout à fait pertinent. De plus, le relèvement de ce seuil permettrait aux agriculteurs qui en ont déjà manifesté l'intérêt d'étendre leur exploitation, dans le cadre instauré par le conseil général de l'Allier de reconquête paysagère des terres mécanisables, ce qui correspond pour beaucoup à une condition de survie économique.

Or la compétence du conseil général est rapidement limitée par le code forestier, lequel, dans ses articles L. 124-6 et L. 342-1, charge le représentant de l'État dans le département d'arrêter un seuil à compter duquel il y a obligation de renouvellement de peuplements forestiers.

Dans la mesure où la proposition du conseil général est compatible avec les orientations régionales forestières, je souhaite savoir comment le seuil peut être concrètement relevé, voire aboli, quand il s'agit de respecter les distances de recul par rapport aux habitations, aux voies de circulation et aux cours d'eau. Je souhaite également savoir s'il est prévu de rendre compatibles ces dispositions du code forestier avec la compétence transférée, accordant ainsi toute confiance aux collectivités locales pour gérer leur environnement et veiller à une exploitation raisonnée, écologique, et surtout régulatrice des massifs, ce qu'elles savent très bien faire, dans le respect des principes généraux définis à l'article L.112-1 du même code. Peut-être cette question pourrait-elle trouver rapidement une réponse, monsieur le ministre, dans le projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt, qui sera présenté à l'automne.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Guillaume Garot, ministre délégué auprès du ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, chargé de l'agroalimentaire. Madame la sénatrice, je vous prie tout d'abord d'excuser l'absence de Stéphane Le Foll, retenu ce matin par d'autres engagements, et je tiens à vous remercier de votre question.

La réglementation des boisements, telle qu'elle figure à l'article L. 126-1 du code rural et de la pêche, établit un seuil au-dessous duquel des plantations et semis d'essences forestières peuvent être interdits ou réglementés par les conseils généraux. Vous l'avez rappelé, cette réglementation a pour objet « de favoriser une meilleure répartition des terres entre les productions agricoles, la forêt, les espaces de nature ou de loisirs et les espaces habités en milieu rural et d'assurer la préservation de milieux naturels ou de paysages remarquables ».

Elle doit, en outre, tenir compte des dispositions du code forestier, en particulier le seuil retenu pour la reconstitution obligatoire après coupe rase et pour les exemptions aux défrichements qui ne peut dépasser quatre hectares. Ce seuil est pertinent par rapport aux enjeux forestiers.

Si la loi n'indique pas de superficie maximale pour la fixation du seuil par les communes au titre de la réglementation des boisements, elle impose cependant que les interdictions de reconstitution après coupe rase soient compatibles avec les objectifs définis par les orientations régionales forestières prévues à l'article L.122-1 du code forestier.

Le seuil de surface du massif forestier doit ainsi être fixé en fonction non seulement des objectifs de la réglementation des boisements, mais également de ceux de la politique forestière régionale. Ainsi le centre régional de la propriété forestière et la chambre régionale d'agriculture doivent-ils être consultés pour définir un seuil compatible avec les objectifs de la politique agricole et forestière à l'échelon local.

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le ministre, je vous remercie de ces précisions, dont je ferai part aux agriculteurs de mon département. Si je comprends bien, ce seuil - obligatoire - est négociable et il est donc possible de l'ajuster à condition de solliciter l'avis du centre régional de la propriété forestière et de la chambre régionale d'agriculture. Quatre hectares, c'est sans doute pertinent sur certains territoires - je pense à la forêt de Tronçais, dans l'Allier, dont les bois sont de qualité. En revanche, en montagne bourbonnaise, zone de petite et de moyenne montagne, tel n'est pas le cas : c'est une forêt composée non pas de feuillus, comme c'est l'habitude, mais plutôt de résineux et de douglas, essences allochtones qui tuent complètement la biodiversité. Dès lors que des agriculteurs veulent réinvestir ces coteaux, il semblerait normal qu'on les aide à reconquérir des espaces agricoles au détriment d'une forêt de très mauvaise qualité.

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