Question de M. CAZEAU Bernard (Dordogne - SOC) publiée le 31/10/2013

M. Bernard Cazeau attire l'attention de Mme la ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique, sur l'évolution de la couverture des zones rurales en matière de téléphonie mobile.

Il y a dix ans, le gouvernement de Lionel Jospin avait lancé un plan national de résorption des zones blanches. Ce programme ambitieux, poursuivi par les gouvernements qui se sont succédé depuis, a permis une amélioration très significative de la desserte des citoyens, notamment en zone rurale. En Dordogne, le conseil général a construit 45 pylônes, et les opérateurs un nombre similaire. Malgré tout - et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP) en convient - de nombreux secteurs restent non couverts. Il existe plusieurs raisons à cela.

Il y a, au départ, la définition des critères qui définissent les zones blanches éligibles sur le plan national : seules pouvaient être considérées comme zones blanches, les communes dont le centre-bourg n'était desservi par aucun des trois opérateurs. Or, en milieu rural, bon nombre de communes sont constituées de plusieurs hameaux et lieux-dits plus ou moins importants et plus ou moins éloignés les uns des autres. Il arrive, d'ailleurs, que le bourg de la commune n'en soit pas l'endroit le plus peuplé. Dans ces cas-là, il arrive fréquemment que la couverture en téléphonie mobile soit incomplète.

Il y a, ensuite, le fait que les opérateurs, depuis la fin de ce plan national, interviennent uniquement sur les zones les plus dignes d'intérêt financièrement.

Lors d'une récente commission départementale ad hoc créée par le préfet de la Dordogne, qui réunit régulièrement les services de l'État, du département, des communes et les opérateurs, ces derniers ont affirmé ne plus avoir le moindre projet de déploiement d'infrastructures 2G et 3G. Pire, ils ne sont pas disposés à venir implanter de nouveaux équipements actifs sur des pylônes, quand bien même l'ensemble de ces infrastructures seraient financées par l'argent public. Leur seule perspective d'investissement concerne le déploiement progressif de la technologie de quatrième génération des standards pour la téléphonie mobile dite 4G.

Ainsi, les pouvoirs publics, État comme collectivités locales, se trouvent totalement désarmés, dans l'incapacité d'intervenir pour améliorer la couverture en téléphonie mobile. Les citoyens qui habitent en zone rurale et qui sont privés de toute couverture par la téléphonie mobile 2G et 3G ne peuvent le comprendre.

Il lui demande donc quelles mesures le Gouvernement compte prendre, afin de rendre possible l'amélioration de la couverture en téléphonie mobile des territoires aujourd'hui non desservis.

- page 3120


Réponse du Ministère chargé de la décentralisation publiée le 22/01/2014

Réponse apportée en séance publique le 21/01/2014

M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur l'évolution de la couverture de nos zones rurales en matière de téléphonie mobile.

Avec la signature de la convention nationale de mise en œuvre du plan d'extension de la couverture du territoire, le 15 juillet 2003, le gouvernement d'alors avait lancé un programme national de résorption des zones blanches, lequel a été poursuivi par les gouvernements qui se sont succédé depuis et a permis une amélioration très significative de la desserte de nos concitoyens, notamment en zone rurale.

En Dordogne, le conseil général a construit 45 pylônes, ce qui n'est pas rien, et les opérateurs, un nombre similaire. Malgré tout, et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP, en convient, 4 % du territoire reste non couvert.

Il y a plusieurs raisons à cela.

Tout d'abord, il y a la définition des critères qui définissent les zones blanches éligibles au plan national : seules pouvaient être considérées comme zones blanches les communes dont le centre-bourg n'était desservi par aucun des trois opérateurs. Or, en milieu rural, bon nombre de communes sont constituées de plusieurs hameaux et lieux-dits plus ou moins importants et plus ou moins éloignés les uns des autres. Il arrive d'ailleurs que le bourg de la commune n'en soit pas l'endroit le plus peuplé. Dans ces cas-là, il est fréquent que la couverture soit incomplète.

Il y a ensuite le fait que les opérateurs, depuis la fin de ce plan national, interviennent uniquement sur les zones les plus « juteuses » financièrement. Lors d'une récente réunion de la commission départementale ad hoc créée par le préfet de la Dordogne pour rassembler régulièrement l'ensemble des services et les opérateurs, ces derniers ont affirmé ne plus avoir le moindre projet de déploiement d'infrastructures 2G et 3G. Pire, ils ne sont pas disposés à venir implanter de nouveaux équipements actifs sur des pylônes, quand bien même toutes ces infrastructures seraient financées par l'argent public. Leur seule perspective est bien sûr le déploiement de la 4G !

Ainsi, nous nous trouvons actuellement dans une situation ubuesque où les pouvoirs publics, État comme collectivités locales, se trouvent entièrement désarmés, dans l'incapacité d'intervenir pour améliorer la couverture en téléphonie mobile. Nos concitoyens habitant en zone rurale, qui sont privés de ce service, ne peuvent le comprendre.

Ma question est donc simple, madame la ministre : quelles mesures le Gouvernement compte-t-il prendre afin de rendre possible l'amélioration de la couverture en téléphonie mobile des territoires aujourd'hui non desservis ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Anne-Marie Escoffier, ministre déléguée auprès de la ministre de la réforme de l'État, de la décentralisation et de la fonction publique, chargée de la décentralisation. Monsieur le sénateur, le problème que vous évoquez concerne malheureusement beaucoup de zones rurales, mais également celles dont les caractéristiques géographiques, le plus souvent des vallées et des montagnes, constituent un fort handicap. Je reconnais que le constat que vous avez fait est alarmant, car cela freine l'inclusion numérique tant des personnes âgées que des jeunes générations, qui ont besoin de ces dispositifs.

Vous le savez, Mme Fleur Pellerin est chargée de cette problématique très lourde, qui a fait l'objet d'un suivi particulièrement attentif à la suite du lancement du programme de résorption des zones blanches, décidé voilà plus de dix ans par le gouvernement de Lionel Jospin, mais dont vous avez signalé les carences persistantes.

Derrière votre constat, il me semble qu'il y a aujourd'hui trois enjeux majeurs auxquels le Gouvernement s'attaque.

Le premier enjeu est celui de la transparence : lors des annonces du dernier trimestre 2013 sur les différentes couvertures en 4G des opérateurs mobiles, Benoît Hamon et Fleur Pellerin ont indiqué leur volonté de faire en sorte que les niveaux de couverture réels fassent l'objet d'une véritable information accessible à toute la population. Ce travail est actuellement en cours.

Le deuxième enjeu, vous l'avez évoqué, est celui des incitations au déploiement des réseaux mobiles dans les zones les plus difficilement accessibles, s'agissant tout particulièrement de la 4G.

Sur ce point, le Gouvernement a souhaité donner un cadre précis et sécurisé pour la mutualisation des réseaux mobiles afin d'optimiser la couverture dans les zones les plus rurales. En février 2013, l'Autorité de la concurrence a ainsi précisé, dans un avis au Gouvernement, les conditions dans lesquelles cette mutualisation est possible, et ce avec des conséquences rapides, puisque, aujourd'hui, Bouygues Télécom et SFR, notamment, ont engagé des discussions qui auront pour conséquence une meilleure couverture du territoire. Je suis sûre qu'Orange y travaille aussi.

Par ailleurs, dans le cadre du plan France Très Haut Débit, pour lequel vous vous êtes beaucoup mobilisé en Dordogne, monsieur le sénateur, l'État souhaite accompagner l'ensemble des déploiements publics pour apporter du très haut débit, y compris de la 4G, dans les zones où les opérateurs ne se déploient pas pour des raisons essentiellement économiques. Des expérimentations sont en cours dans les Pyrénées-Orientales, dans le Gers, dans les Ardennes, et peut-être demain dans la Dordogne, si ce département est candidat à l'expérimentation.

Le troisième et dernier enjeu concerne la question du service universel, qui doit être en phase avec les attentes de nos concitoyens et avec les dynamiques en cours, notamment le plan France Très Haut Débit. Vous le savez, monsieur le sénateur, ce plan s'est précisément assigné comme objectif de pouvoir accompagner les déploiements de la fibre dans les territoires où précisément les opérateurs ne vont pas.

Telles sont les réflexions que le Gouvernement a engagées avec une grande détermination, car, j'y insiste, l'exclusion numérique n'est pas acceptable. Nous travaillons donc pour que toutes les populations puissent bénéficier de ces technologies aujourd'hui indispensables.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Madame la ministre, je vous remercie de partager le constat que j'ai fait au sujet des zones rurales. Je connais très bien les perspectives de Mme Fleur Pellerin sur le très haut débit. La Dordogne, sous l'impulsion de la région d'Aquitaine, est d'ailleurs en train de préparer l'ouverture au très haut débit pour les dix ans à venir. Nous n'espérons pas être servis avant, malgré une volonté extrêmement forte et une enveloppe financière importante.

Les zones rurales sont souvent mal desservies par les services publics. Or la Dordogne a une activité touristique importante, puisque la part du PIB liée à ce secteur, soit 25 %, est supérieure à celle de l'agriculture. Et les zones rurales comptent pour beaucoup dans le développement du tourisme.

Malgré des ambitions affichées, que je salue, force est de constater que les opérateurs, avec la 4G, ne seront pas demain aussi présents que le Gouvernement le souhaite. Néanmoins, je pense que l'affirmation d'une volonté politique est, en ce domaine, indispensable.

Je prendrai l'exemple de la Finlande, où 36 % des habitants vivent en milieu rural : après un véritable bras de fer de deux ans avec les opérateurs, ce pays est devenu le premier d'Europe en termes de desserte par habitant.

Revenons en France : faute d'une volonté politique ferme du Gouvernement vis-à-vis des opérateurs, les choses vont traîner et la 4G n'est pas près d'arriver en milieu rural ! En Dordogne comme ailleurs, les opérateurs, notamment Orange, commenceront par équiper les zones les plus « juteuses » et les autres ne s'en trouveront pas plus avancées !

Je compte donc sur vous, madame la ministre, pour transmettre ces observations à l'ensemble du Gouvernement.

- page 418

Page mise à jour le