Question de M. MASSON Jean Louis (Moselle - NI) publiée le 03/10/2013

M. Jean Louis Masson attire l'attention de M. le Premier ministre sur le fait que dorénavant, les citoyens peuvent contester une loi devant le Conseil constitutionnel par le biais d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Pour la recevabilité, il faut cependant que le Conseil constitutionnel ne se soit pas déjà prononcé sur le point de droit soulevé. Lorsqu'une loi ordinaire ou une loi organique a déjà été globalement examinée suite à un recours, il lui demande si une QPC est encore possible lorsque la décision du Conseil constitutionnel n'a pas visé spécifiquement le point de droit contesté.

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Réponse du Premier ministre publiée le 24/10/2013

Les dispositions organiques prises pour l'application de l'article 61-1 de la Constitution prévoient qu'une « disposition législative » ne peut pas faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité si elle a « déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement de circonstances » (articles 23-2, 23-4 et 23-5 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, issus de la loi organique n° 2009-1523 du 10 décembre 2009). Il en est ainsi quand bien même l'auteur de la question prioritaire de constitutionnalité invoquerait un droit ou une liberté constitutionnellement garanti qui n'aurait pas été expressément examiné dans la décision du Conseil constitutionnel : en déclarant une disposition législative conforme à la Constitution, c'est nécessairement sur sa conformité à l'ensemble des « droits et libertés que la Constitution garantit » que le Conseil constitutionnel se prononce. L'article 61-1 de la Constitution et les dispositions organiques précitées s'appliquent tant aux dispositions législatives « ordinaires » qu'aux dispositions législatives issues de lois organiques. Les lois organiques présentent néanmoins la particularité d'être obligatoirement soumises au Conseil constitutionnel, « qui se prononce sur leur conformité à la Constitution » avant leur promulgation en vertu des dispositions du dernier alinéa de l'article 46 et du premier alinéa de l'article 61 de la Constitution. Les dispositions qui en sont issues et qui n'ont pas été déclarées contraires à la Constitution doivent par conséquent toutes être regardées comme ayant été déclarées conformes à la Constitution « dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel » (Conseil constitutionnel, décision n° 2012-4563/4600 AN du 18 octobre 2012, considérant 5). S'agissant en revanche des lois « ordinaires », il ne suffit pas qu'elles aient été déférées au contrôle du Conseil constitutionnel, sur le fondement du 2e alinéa de l'article 61 de la Constitution, pour que celles de leurs dispositions qui n'ont pas déclarées contraires à la Constitution puissent être regardées comme ayant été déclarées conformes à celle-ci dans les motifs et le dispositif de la décision du Conseil constitutionnel. Pour qu'elles soient reconnues telles, et à ce titre insusceptibles de faire l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité, il faut, d'une part, que le Conseil constitutionnel ait « spécialement examiné », dans les motifs de sa décision, l'article de la loi déférée dont les dispositions sont issues (décision n° 2010-9 QPC du 2 juillet 2010, cons. 4 ; décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, cons. 13), et d'autre part, en principe, que cet article ait été déclaré conforme à la Constitution dans le dispositif de la décision (cette dernière condition est considérée comme remplie y compris lorsque, conformément au mode de rédaction retenu pendant un temps par le Conseil constitutionnel, c'est la loi dans son ensemble - ou pour l'ensemble des articles non jugés contraires - qui est déclarée conforme à la Constitution : Conseil constitutionnel, décision n° 2010-44 QPC du 29 septembre 2010, cons. 9, à propos de la décision n° 81-133 DC du 30 décembre 1981 dont l'article 2 avait déclaré la loi de finances pour 1982 conforme à la Constitution). Quant aux dispositions législatives, organiques ou non, déclarées conformes à la Constitution par une décision du Conseil constitutionnel rendue à l'occasion d'une question prioritaire de constitutionnalité, elles répondent nécessairement aux exigences organiques précitées et ne sauraient faire l'objet d'une nouvelle question prioritaire de constitutionnalité. Est néanmoins réservé le cas du « changement de circonstances », prévu par le 2° de l'article 23-2 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel, qui permet de justifier un nouvel examen de dispositions déjà déclarées conformes à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel. Sont ainsi visés les « changements intervenus, depuis la précédente décision, dans les normes de constitutionnalité applicables ou dans les circonstances, de droit ou de fait, qui affectent la portée de la disposition législative critiquée » (Conseil constitutionnel, décision n° 2009-595 DC du 3 décembre 2009, cons. 13). La jurisprudence du Conseil constitutionnel offre plusieurs exemples de tels changements de circonstance, qu'il s'agisse des normes constitutionnelles applicables (décision n° 2012-233 QPC du 21 février 2012, cons. 4 ; décision n° 2013-331 QPC du 5 juillet 2013, cons. 8), ou des circonstances de droit ou de fait affectant la portée de la disposition (décision n° 2010-14/22 QPC du 30 juillet 2010, (garde à vue), cons. 15 à 18 ; décision n° 2013-340 QPC du 20 septembre 2013, cons. 5).

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